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TikTok, Instagram, Snapchat: les filtres de beauté, miroirs déformants d'une jeunesse connectée

Le gouvernement veut obliger les influenceurs à préciser l'utilisation de filtres de beauté. Des artifices numériques accusés d'amplifier le mal-être des adolescents.

Pour mincir ou rajeunir, les filtres de beauté sur les réseaux sociaux sont les nouveaux miroirs déformants de la génération connectée, que le gouvernement souhaite encadrer pour en limiter les effets délétères sur les plus jeunes.

Leur usage est devenu banal sur les plateformes TikTok, Instagram ou Snapchat, où ils permettent notamment d'adoucir le grain de peau et de supprimer les rides, d'affiner le nez et le visage, d'ajouter des grains de beauté ou d'appliquer un maquillage virtuel.

Vendredi, le gouvernement a proposé de rendre obligatoire l'affichage d'une mention lorsqu'un filtre ou une retouche est appliquée sur le contenu promotionnel publié par un influenceur.

Selon le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, "cela s'appelle simplement de l'honnêteté commerciale", a fortiori lorsqu'il s'agit de promouvoir un produit cosmétique.

Cette mesure, dont les contours ne sont pas encore connus, fera partie d'une proposition de loi étudiée la semaine prochaine en séance publique à l'Assemblée nationale. En 2017, le "décret Photoshop" rendait déjà obligatoire la mention "photographie retouchée" sur les publicités de mannequins dont la silhouette avait été modifiée.

Et aujourd'hui, Instagram et TikTok permettent déjà d'afficher les filtres utilisés, pour que les abonnés puissent y avoir recours également. Les derniers en date, dopés à l'intelligence artificielle dite "générative", sont d'ailleurs difficilement repérables sans cette mention.

Ainsi le filtre en vogue "Bold Glamour" a été utilisé plus de 28 millions de fois sur TikTok avec de nombreux utilisateurs s'émouvant des différences significatives entre leur image au  "naturel" et modifiée.

Comme des milliers d'anonymes, des célébrités comme l'ex-mannequin Carla Bruni ou la Miss France Iris Mittenaere ont dénoncé, images à l'appui, sur Instagram l'effet de ce nouveau standard de beauté sur les plus jeunes.

Selon Olivia Petit, enseignante-chercheuse à Kedge Business School et spécialiste des effets du marketing sur le cerveau, "le décalage entre l'image réelle et l'image améliorée crée énormément d'insatisfaction et de mal-être chez les adolescents", très sensibles au contenu provenant d'influenceurs populaires.

"A travers ces filtres auxquels on veut ressembler, il y a une normalisation de l'esthétisme", qui peut encourager le recours à la chirurgie esthétique, tout particulièrement chez les femmes pour lesquelles "les critères de beauté sont beaucoup plus marqués", ajoute-t-elle, interrogée par l'AFP.

"C'est le dernier assaut en date du mythe de la beauté idéale", estime Kim Johnson, professeure en soins infirmiers à la Middle Georgia State University (Etats-Unis).

Ce genre d'effets spéciaux conduit des personnes à "des régimes excessifs, à la comparaison aux autres et au manque de confiance en soi", ajoute-t-elle.

Les inquiétudes partagées par beaucoup d'utilisateurs des réseaux sociaux ont déjà fait réagir certaines marques, comme Dove qui invite dans une campagne récente les femmes à "tourner le dos" au filtre "Bold Glamour".

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably avec AFP Rédacteur en chef adjoint Tech & Co