BFMTV
Education

Rythmes scolaires: "Bien, mais peut mieux faire"

Une école primaire de Vitrolles, le 27 août 2012. Seuls 22% des écoliers français sont concernés par la réforme des rythmes scolaires en 2013.

Une école primaire de Vitrolles, le 27 août 2012. Seuls 22% des écoliers français sont concernés par la réforme des rythmes scolaires en 2013. - -

Semaine de 4,5 jours, activités périscolaires… 15 jours après la rentrée, comment se passe l’application de la réforme des rythmes scolaires?

Cette rentrée ressemble à l’épreuve du feu pour la réforme des rythmes scolaires, voulue par Vincent Peillon. Seuls 22,3% des écoliers la vivent cette année pour la première fois, la majorité des communes ayant demandé le report à 2014 de l’application de la réforme. Et même s’ils sont peu nombreux, le changement est de taille. Comment le passage à la semaine de 4,5 jours est-il perçu? Quelles activités sont proposées? Deux semaines après la rentrée, BFMTV.com dresse un premier bilan.

> Des disparités selon les départements

La mise en œuvre des rythmes scolaires est à la charge des communes: par conséquent, elle peut fortement varier d’une ville à l’autre. Dans un même département, certaines communes ont décidé de mettre en place la réforme, quand d’autres ont préféré attendre 2014 pour pouvoir mieux s’y préparer. Ainsi, dans les Landes, 80% des enfants sont concernés par la réforme cette année, tout comme 98% des élèves de l’Ariège ou 84% des Deux-Sèvres. Mais en revanche, aucune commune du Val-de-Marne (94) n’a décidé de s’y mettre cette année. Même chose dans les Hauts-de-Seine (92).

D’une ville à l’autre, les enfants ne sont donc pas pris en charge dans le même temps... ni aux mêmes horaires. A Paris par exemple, l'école se termine à 15h deux jours par semaine, et les enfants pratiquent des activités jusqu'à 16h30. Mais la majorité des communes font plutôt sortir les enfants des cours à 15h45 tous les jours, pour les occuper jusqu'à 16h30.

Le seul point commun à ceux qui sont passés à la réforme concerne la semaine de 4,5 jours: les enfants ont désormais tous école une matinée supplémentaire, le mercredi matin.

> Le choix des activités

Là où les choses se compliquent, c’est dans la mise en place des activités périscolaires. "Tous les enfants n’ont pas les mêmes offres", regrette Sébastien Sihr, du syndicat du premier degré Snuipp. A Paris, les enfants ont le choix entre des activités sportives et culturelles: fabrication d’instruments de musique préhistoriques dans le XIIe, théâtre ou fabrication de cerf-volant dans le XIXe… 

Même si l’organisation a laissé à désirer au départ, l’offre est bien là, et dans la capitale, elle est gratuite. Et surtout: "il n’existe aucune disparité entre arrondissements", assure la candidate à la mairie de Paris Anne Hidalgo, qui soutient dur comme fer la réforme de Vincent Peillon.

> Des problèmes de coûts...

Il en va tout autrement dans d’autres villes. "Par manque de ressources, financières ou humaines, certaines ne peuvent pas proposer d’activités", déplore Sébastien Sihr. "D’autres sont obligées de faire payer les parents. Cette réforme peut donc ouvrir la porte à de la discrimination", regrette-t-il.

Et même si le prix à payer est très symbolique (la somme la plus élevée demandée serait de 12 euros par trimestre selon le Snuipp), et calculé à partir du quotient familial, le fait de faire payer "est mal venu", explique Paul Raoult, président de la FCPE. Il rappelle que les communes qui appliquent la réforme dès cette année bénéficient d’un "fonds d’amorçage" d’environ 50 euros par enfant. Une somme majorée de 40 euros en 2013 pour les communes percevant la dotation de solidarité rurale (DSR). Sauf exceptions, les communes qui appliqueront la réforme en 2014 n'y auront pas droit.

Mais nombreux sont les élus qui affirment que ce fonds est insuffisant. Et assument donc, comme à Tours-sur-Marne, de faire payer les parents.

>... et de recrutement

D’autres villes, rurales notamment, rencontrent le problème du recrutement. "Lorsqu’elles ne sont pas universitaires par exemple, ou lorsqu’elles sont de petite taille, c’est compliqué pour les communes de trouver des animateurs pour faire faire les activités aux enfants", explique Sébastien Sihr. Du coup, "certaines recrutent des retraités, des bénévoles pas toujours formés à l’animation. D’autres ne font rien. Le temps qui devrait être consacré aux activités devient alors un temps de garderie. C'est dommage."

Enfin, le président du Snuipp comme celui de la FCPE pointent le même problème: le manque de volonté politique. "Dans certaines communes, les moyens sont là mais la volonté n’y est pas. Certains élus décident sans aucune concertation, ou décident de ne rien décider, déclenchant parfois la colère des parents", constate Paul Raoult, président de la FCPE. "Mais là où il y a eu une vraie concertation, ça se passe très bien."

> Le problème de la maternelle

Gros point noir de la réforme, aux yeux des responsables syndicaux: l’école maternelle. "La réforme ne prend pas en compte les besoins des jeunes enfants", déplore Sébastien Sihr. "Elle est pensée pour des enfants de 3 à 10 ans. Sauf que les rythmes ne sont pas les mêmes pour un enfant de 3 ou de 10 ans!"

Conséquence: "les enfants sont fatigués", constate un directeur d’école maternelle parisienne. "Ceux qui pouvaient dormir le mercredi ne peuvent plus, c’est difficile. Et surtout, ça n’était pas le but de cette réforme".

Quant aux activités, elles non plus ne sont pas souvent pensées pour les plus petits. En terme de qualité, "elles ne sont pas à la hauteur de ce qui était promis et attendu par les parents", constate le directeur, qui concède toutefois que ce temps "sert surtout aux enfants à se détendre".

"Dans de nombreuses écoles, les enfants sont gardés par des Agents spécialisés des écoles maternelles (Atsem), et le temps des activités est en fait de la garderie", déplore Sébastien Sihr. Et nombreux sont les parents qui ne savent pas encore vraiment ce que font leurs enfants l’après-midi…

> Conclusion: "Bien, mais peut mieux faire"

En conclusion, nos trois responsables se rejoignent pour dire que cette réforme a du bon. "Il ne faut pas confondre la réforme et la mise en oeuvre de la réforme", affirme ainsi le président de la FCPE Paul Raoult. Car selon lui, malgré des imperfections et des problèmes matériels, "avec cette réforme, l'école avance".

Le directeur de l'école parisienne reconnaît lui aussi que "ça ne marche pas si mal", même s'il craint que les problèmes matériels prennent de l'ampleur s'ils ne sont pas réglés rapidement. Quant à Sébastien Sihr, du Snuipp, il constate qu'à certains endroits, "on tâtonne, et à d'autres ça fonctionne déjà bien". Il faudra encore du temps pour tirer un bilan plus global de cette réforme. En 2014, toutes les communes auront l'obligation de la mettre en place.

|||A Paris, Anne Hidalgo affiche sa satisfaction

Paris figure parmi les quelques grandes villes qui ont décidé d'appliquer la réforme dès cette année. Anne Hidalgo, première adjointe de Bertrand Delanoë et candidate à sa succession, affiche d'ailleurs sa satisfaction. "Pourquoi faire attendre les petits Parisiens, alors qu'ils pouvaient profiter de telles activités dès cette année?", se demandait-elle lors d'un point presse consacré à l'éducation, début septembre.

Pour la première adjointe, "le bilan positif" de cette rentrée est le fruit du "travail en amont" des équipes et de l'engagement de la Ville ainsi que de l'Etat. "Les activités proposées à Paris sont gratuites et le resteront si je suis élue", promet-elle. En attendant, "aucun élève n'a été laissé sur le carreau", assure Anne Hidalgo. A Paris, un animateur est responsable de 14 enfants en maternelle, contre 18 enfants en primaire.

Ariane Kujawski