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Gabriel Attal peut-il vraiment interdire les abayas à l'école?

Le ministre de l'Éducation nationale a annoncé dimanche soir l'interdiction du port de l'abaya à l'école. Une mesure que n'avait pas mise en place son prédécesseur, Pap Ndiaye, qui craignait une défaite de l'État en cas de recours devant un juge administratif.

Lors de la rentrée des classes le 4 septembre, aucun élève n'entrera dans son collège ou son lycée en portant une abaya. C'est ce que souhaite Gabriel Attal, qui a annoncé ce dimanche au 20H de TF1 l'interdiction de cette longue robe traditionnelle, couvrant tout le corps, portée par certaines élèves musulmanes dans les établissements scolaires.

"Vous rentrez dans une salle de classe, vous ne devez pas être capable d'identifier la religion des élèves en les regardant", a justifié le ministre de l'Éducation nationale, disant prendre cette décision au nom de la laïcité.

"Donner toutes les clés" aux chefs d'établissements

"Je vais m'entretenir cette semaine avec les chefs d'établissement, leur donner toutes les clés pour faire appliquer cette règle", a poursuivi Gabriel Attal.

"La consigne n'était pas claire, désormais elle l'est et nous nous en félicitons", a réagi auprès de l'AFP Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l'Education Nationale.

"Maintenant que le message est énoncé, il faut que cela se mette en oeuvre dans les établissements (...) il ne faut pas que les chefs d'établissement soient seuls face aux abayas", a-t-il ajouté.

Les modalités de l'interdiction ne sont pas encore connues. Concrètement, pour mettre en œuvre une telle interdiction, le ministre de l'Éducation nationale va devoir publier une circulaire, un texte qui va expliquer les dispositifs à appliquer.

Cette circulaire pourra faire l'objet d'un recours devant le juge administratif "si elle a des effets notables sur les droits ou la situation des administrés", peut-on lire sur le site vie-publique.fr

Avant de nouvelles circulaires en cascade?

L'Éducation nationale s'était déjà emparée de l'abaya en novembre, dans une circulaire qui considérait ce vêtement (comme les bandanas et les jupes longues, également cités) comme des tenues pouvant être interdites si elles sont "portées de manière à manifester ostensiblement une appartenance religieuse".

Pap Ndiaye avait toutefois refusé de "publier des catalogues interminables pour préciser les longueurs de robes". "D'un point de vue juridique, l'abaya n'est pas simple à définir et nous serions contournés la semaine suivante par une longueur de robe, par une forme de col, par tel ou tel accessoire qui prolongerait le problème de semaine en semaine et nous contraindrait à multiplier les circulaires", avait expliqué au Sénat le ministre le 16 novembre 2022.

Une telle situation "nous emmènerait directement au tribunal administratif, où nous perdrions", prédisait le prédécesseur de Gabriel Attal.

"L'abaya n'est pas une tenue religieuse, c'est une forme de mode"

Car même s'il est porté par des élèves de confession mulsulmane, l'abaya n'est pas considéré comme un vétement religieux par les représentants du culte mulsulman en France, le CFCM. Une position martelée au micro de BFMTV dimanche soir par le vice-président du Conseil français du culte musulman.

"L'abaya n'est pas une tenue religieuse, c'est une forme de mode", a-t-il déclaré.

Pour interdire l'abaya, la circulaire du ministre devra la définir. Et donc la différencier d'autres vêtements amples et larges.

Sur X, ex-Twitter, l'ancienne ministre écologiste Cécile Duflot ironise, en postant la photo "d'une somptueuse robe longue de style chemise" de la marque Gucci, identifiée par un internaute comme... un vêtement religieux.

Sur le même résau social, l'avocat Arié Alimi, explique aussi qu'avant toute interdiction, "il faudra déterminer si l'Abaya constitue un vêtement ou une obligation religieuse pour le faire entrer dans les règles de la loi de 2004..."

Phase de dialogue avant mesure disciplinaire

Sauf publication d'une circulaire extrêmement claire et une application stricte des chefs d'établissement, les élèves se présentant avec une abaya lors de la rentrée des classes début septembre pourraient donc pouvoir assiter à leurs cours.

En revanche, ceux portant un voile, une kippa ou une croix auront obligation, en application de la loi de 2004, de retirer leur signe religieux avant d'entrer dans leur lycée ou collège.

L'actuelle circulaire en vigueur rappelle en outre aux chefs d'établissements qu'ils ne peuvent sanctionner les élèves qu'après avoir dialogué avec eux. "Lorsque les comportements constituent bien des manquements aux obligations des élèves et qu'ils persistent après cette phase de dialogue, le chef d'établissement doit engager une procédure disciplinaire", peut-on lire.

Selon une note des services de l'État, dont l'AFP a obtenu copie, les atteintes à la laïcité, bien plus nombreuses depuis l'assassinat en 2020 aux abords de son collège du professeur Samuel Paty, ont augmenté de 120% entre l'année scolaire 2021/2022 et 2022/2023. Le port de signes et tenues, qui représente la majorité des atteintes, a quant à lui augmenté de plus de 150% tout au long de la dernière année scolaire.

Ariel Guez