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Des portiques pour sécuriser tous les lycées? Le résultat en demi-teinte en Auvergne-Rhône-Alpes

Après le meurtre de Dominique Bernard, les appels à renforcer la sécurité des établissements, avec la mise en place de portiques à l'entrée, se multiplient. Un dispositif adopté depuis quelques années en Auvergne-Rhône-Alpes, pour un résultat imparfait.

Tourniquets de sécurité, caméras de vidéosurveillance... La question du renforcement de la sécurité des établissements scolaires est au cœur des débats après l'assassinat vendredi 13 octobre du professeur de lettres Dominique Bernard de plusieurs coups de couteau à Arras.

Si des mesures de sécurité ont été annoncées sur le court terme par le gouvernement face à la menace terroriste, "il faudra faire bien d'autres choses à moyen et à long terme pour la sécurité des établissements scolaires", estimait Maxime Reppert, vice-président du Syndicat national des écoles, collèges et lycées (SNACL) au micro de BFMTV samedi.

Cheval de bataille de Laurent Wauquiez

En Auvergne-Rhône-Alpes ce sujet est devenu un cheval de bataille de son président républicain Laurent Wauquiez. Celui qui vise l'Élysée en 2027 avait promis, dès sa campagne pour les élections régionales en 2015, de doter les lycées de la région de portiques de détection et d'un système de vidéosurveillance. Et ce, en réponse aux attentats du Bataclan.

"Comment comprendre aujourd'hui alors qu'on essaye de sécuriser nos gares, de laisser nos lycées, nos enfants sans défense?", questionnait-il au micro de France bleu le 21 novembre 2015.

Le président de région avait parlé de "portiques" pour détecter les "armes", sous-entendant des "détecteurs de métaux". Un projet -dont Laurent Wauquiez nie l'existence et qui avait alors suscité l'indignation des parents d'élèves et des enseignants- depuis abandonné au profit de simples portiques qui fonctionnent avec un système de badges.

"En 2016, il y avait une hostilité franche d'une partie des équipes enseignantes pour la mise en place de ces dispositifs. Autant la tendance s'est inversée assez rapidement", assure la région Auvergne-Rhône-Alpes à BFMTV.com.

Les membres du syndicat Unsa Éducation, par exemple, étaient "contre" cette implantation "au départ" car ils considéraient que les établissements scolaires étaient "un lieu de vie" et non pas une "prison", nous précise Marc Durieux, secrétaire régional de l'Unsa éducation Auvergne-Rhône-Alpes. "Mais force est de constater que le personnel et les élèves sont de moins en moins en sécurité", souligne-t-il.

272 sur 305 lycées

Actuellement, 272 des 305 lycées de la zone sont dotés d'un système de sécurisation anti-intrusion, nous confirme la région. Que ce soit des portiques de sécurité, des tourniquets à l'image de ce que l'on retrouve dans les métros, ou encore des sas étanches avec une reconfiguration de la loge du gardien. Le tout, en concertation avec les chefs d'établissements pour adapter les infrastructures à l'architecture.

Les portiques, imposants tant par leur hauteur que leur largeur, ne sont pas mis en place dans tous les établissements car "certains se trouvent dans des bâtiments classés au patrimoine dans lesquels ces travaux ne peuvent pas être entrepris", explique la collectivité territoriale.

"La protection à 100%, elle n'existe pas, en revanche, on crée des obstacles à des terroristes ou à des gens qui voudraient pénétrer dans le lycée pour d'autres raisons", assure Renaud Pfeffer, vice-président délégué à la sécurité de la région Auvergne-Rhône-Alpes à TF1.

Coût total de ce dispositif? 102 millions d'euros, 89 millions pour les lycées publics et 13 millions pour les lycées privés qui ont sollicité la région, l'installation d'un portique coûtant environ 100.000 euros.

Tous les établissements sont également équipés d'un système de vidéoprotection, précise la région. Trois "équipes mobiles d'accueil renforcées", constituées d'agents de la région, sont aussi en test.

"Ces équipes peuvent intervenir dans les lycées quand on ressent de la tension, du harcèlement, des trafics", ajoute Renaud Pfeffer.

Un bilan mitigé sur le terrain?

Si Laurent Wauquiez s'enorgeuillit dans un tweet ce lundi d'avoir "sécurisé les lycées d'Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2016", dans les faits le bilan semble plus mitigé.

Un des lycées qui devait être pilote du dispositif en 2016, le lycée Pierre Béghin à Moirans (Isère), ne s'est finalement jamais doté de ces portiques. "Nous avons des portes lambda, déclare l'assistant de direction de l'établissement contacté par BFMTV.com. Notamment pour une raison sécuritaire, car au final, une fois que ça bloque, plus personne ne rentre, ni ne sort."

Un système de bagde est toutefois utilisé, couplé à des caméras de vidéosurveillance et bien sûr, à des surveillants.

Dans un autre lycée de la région, à Bron dans la métropole de Lyon, les deux portiques installés au début du premier mandat de Laurent Wauquiez (2016-2021) ne fonctionnent plus.

"Les lecteurs de carte ont été vandalisés à plusieurs reprises et ne sont plus remplacés car cela est trop coûteux", explique Éric Dupraz, proviseur du lycée Jean-Paul Sartre en poste depuis la rentrée et secrétaire départemental du Syndicat national des personnels de direction de l'Éducation nationale (SNPDEN).

Un manque de fluidité à l'entrée

S'il approuve cette installation qui "rassure les familles", il déplore que les portiques soient "sous-dimensionnés" pour faire face au flux de ses 1.600 élèves.

"Cela n'est pas aussi fluide que cela pourrait être", regrette le proviseur qui souhaite demander une installation plus adaptée.

"Déjà dans mon ancien établissement (le lycée René Descartes à Saint-Genis-Laval, NDLR), les cinq portiques ne suffisaient pas alors qu'il y avait le même nombre d'élèves. Cela générait des retards". Le risque est aussi de créer un attroupement à l'entrée et de mettre en danger les élèves.

Pour éviter cela, certains lycées décident de délaisser les portiques et d'ouvrir en grand le portail, constate Marc Durieux, le secrétaire régional de l'Unsa éducation.

Malgré ces défauts, le syndicaliste pense que "c'est une bonne chose" mais que cela "ne règle pas tout".

Pour lui, il est nécessaire d'avoir davantage de personnel à l'entrée des établissements. "Il manque d'assistants d'éducation dans la vie scolaire", affirme-t-il tout en se demandant ce qu'il en est de la sécurité des collèges et des écoles, respectivement sous la responsabilité des départements et des communes.

Il ajoute: "Surtout, il faut que notre administration, l'Éducation nationale, fasse de la formation sur la sécurité, la laïcité. Il faut une action éducative qui apprenne aux jeunes le respect de l'autre et que la différence n'est pas une menace mais un enrichissement."

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4:15
Juliette Brossault