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TOUT COMPRENDRE - Le variant "breton", une souche classée "à suivre" par les autorités sanitaires

La Direction générale de la Santé a adressé lundi soir aux professionnels du secteur la conduite à tenir vis-à-vis d’un variant détecté pour la première fois en Bretagne. Une nouvelle mutation du coronavirus difficile à identifier avec les tests classiques.

La Bretagne, jusqu'ici relativement épagnée par l'épidémie de Covid-19, préoccupe désormais les autorités sanitaires. Dans un communiqué rendu public lundi soir, la Direction générale de la Santé (DGS) a alerté sur l'apparition d'un nouveau variant détecté pour la première fois sur le territoire breton.

"L’analyse moléculaire réalisée par le CNR de Pasteur met en évidence un nouveau variant (dérivé du clade 20C) porteur de neuf mutations dans la région", indique le service rattaché au ministère de la Santé.

Par souci de précaution, la DGS a annoncé que l’analyse de risque réalisée par Santé Publique France et le Centre National de Référence Virus respiratoires a conduit à classer cette souche comme "variant under investigation" (variant à suivre, NDLR).

De son côté l'Agence régionale de Santé de Bretagne annonce ce mardi le lancement d'une enquête "flash" pour mieux connaître le niveau de circulation du variant sur tous les cas positifs recensés en Bretagne à partir d'ajourd'hui, ces tests remonteront alors au centre national de séquençage d'Évry.

• Où a été détecté ce variant?

Plusieurs cas de malades présentant les symptômes habituels du Covid ont été détectés en Bretagne la semaine dernière. Mais lorsque des tests PCR, par prélèvement nasopharyngé, sont réalisés sur ces malades, tous sont négatifs.

Les prélèvements sont alors transmis en laboratoire pour que soit effectué un séquençage du génome. Après analyse, il s'avère qu'une nouvelle souche du coronavirus est alors détectée au sein d'un cluster au centre hospitalier de Lannion (Côtes d'Armor).

Le 13 mars, 79 cas y ont été identifiés, dont 8 cas porteurs de ce nouveau variant, confirmé par séquençage.

• Quelle est sa particularité?

La difficulté avec cette nouvelle souche du Covid-19, c'est qu'elle n'est pour l'heure détectable que par séquençage, et non par des tests dits classiques.

"Il peut passer inaperçu et c'est ce qui a interpellé les gens", note le Dr Alain Ducardonnet, notre consultant santé, "à Lannion on avait vraiment des patients qui avaient tout d'une atteinte clinique du Covid".

Le Pr Pierre Tattevin relève que les tests nasopharyngés, qui concilient à la fois rapidité et efficacité, ne permettent pas cette fois-ci d'établir un diagnostic fiable des malades de cette souche.

"Le plus souvent, ce n'est pas lié au test mais au fait que les patients n'en excrète pas au niveau du nez", explique le chef du service des maladies infectieuses au CHU de Rennes, "quand on fait des prélèvements plus profonds, lorsque les patients sont en réanimation et ont besoin de prélèvements pulmonaires par exemple, à ce moment là le test est positif".

• Est-il plus dangereux que la souche dite classique?

La Direction générale de la Santé indique dans son communiqué qu'aucune donnée relevée à ce jour ne permet d'affirmer que ce nouveau variant soit plus contagieux ou plus dangereux que la souche dite classique du Covid-19. Mardi midi c'est le directeur général de l'ARS Bretagne, Stéphane Mulliez, qui a souligné que le variant ne permet de conclue "ni de conclure à une gravité plus importante, ni de conclure à une transmissibilité accrue".

"Est-ce que sa mutation va changer sa contagion? Sa dangerosité? On ne le sait pas... Est-ce qu'on a des cas plus sévères? Est-ce que l'immunité sera conservée et les anticorps marcheront ou pas? On ne sait pas", insiste Alain Ducardonnet.

Pour Pierre Tattevin, il est "trop tôt pour dire" si ce variant entraîne davantage de formes graves de la maladie. "Il n'a pas l'air moins virulent que celui qu'on connaît en tout cas", note toutefois l'infectiologue qui ajoute qu'"il y a eu des décès". Si huit cas de cette souche ont pour l'heure été détectés, le médecin affirme ce matin sur BFMTV qu'il y en a eu "plusieurs dizaines au cours des dernière semaines".

La situation en Bretagne se dégrade depuis plusieurs jours avec un taux d'incidence de 133 cas pour 100.000 habitants. C'est bien moins que la moyenne nationale (244) mais cet indicateur est en constante hausse depuis début février. Une aggravation qui a obligé le préfet des Côtes d'Armor à instaurer de nouvelles restrictions comme le port obligatoire du masque sur l'ensemble du département ou l'interdiction de la consommation d'alcool sur la voie publique.

Reste qu'en l'absence d’éléments établissant une plus forte transmissibilité ou sévérité, ce variant n’est à ce stade pas considéré comme variant d’intérêt au sens de l’Organisation Mondiale de la Santé contrairement aux variants anglais, brésilien et sud-africain.

• Quelles conséquences sur les tests?

La difficulté identification des cas porteurs de ce variant vient sérieusement compliquer la stratégie "tester-tracer-isoler" du gouvernement, déjà mise à mal avec l'apparition des variants anglais et sud-africain.

"C'est compliqué pour identifier les cas, il va falloir faire des examens un peu plus invasifs (soit avec sérologie, soit des tests sur des prélèvements pulmonaires). Donc le contact tracing devient un peu plus compliqué", signale Pierre Tattevin.

En outre, rien ne permet à ce stade d'affirmer que ce variant ne se soit pas répandu sur le territoire national. "Pour l'instant on en a pas trouvé ailleurs, mais est-ce qu'on l'a cherché? Ce n'est pas sûr puisque indétectable", met en garde Alain Ducardonnet.

La Direction générale de la Santé a annoncé qu'"une évaluation est en cours afin d'apprécier l'impact possible de ces modifications génétiques [...] sur un défaut de reconnaissance par les tests virologiques conduisant à un sous-diagnostic".

Hugues Garnier Journaliste BFMTV