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L'additif "le plus utilisé au monde" favoriserait l'intolérance au gluten, selon une étude française

Cette photo prise le 15 novembre 2022 montre du pain présenté à la boulangerie biologique Racynes à Boulogne-Billancourt, en banlieue parisienne.

Cette photo prise le 15 novembre 2022 montre du pain présenté à la boulangerie biologique Racynes à Boulogne-Billancourt, en banlieue parisienne. - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Une étude toulousaine menée par les chercheurs de l'Inrae montre que l'additif E551, utilisé dans des milliers d'aliments, "exacerbe" les symptômes de l'intolérance au gluten ou maladie cœliaque. Il pourrait même favoriser son apparition.

Fromage râpé, café en poudre, bonbons, sel de table... Le point commun de ces aliments? Ils contiennent tous un même additif, le dioxyde de silicium, aussi appelé E551 sur les étiquettes. Un ingrédient qui s'avère problématique, comme l'ont démontré des chercheurs toulousains de l'Inrae.

Les spécialistes de l'unité Toxalim ont démontré dans une étude publiée fin février par la revue Environmental Health Perspectives que cet élément "exacerbe" les symptômes de la maladie cœliaque, plus couramment appelée intolérance au gluten.

Le système immunitaire perturbé

Le point de départ de cette découverte: une première observation in vitro "montrant un effet de cet additif sur les cellules immunitaires" comme l'explique à BFMTV.com Bruno Lamas, chargé de recherche et l'un des auteurs de l'étude.

Grossièrement, l'additif vient perturber notre "tolérance orale". Il s'agit d'un mécanisme permettant à notre corps de produire des "facteurs anti-inflammatoires" permettant de ne pas rejeter les aliments consommés, principalement les protéines.

Un frein qui empêche la machine immunitaire de s'emballer et de provoquer une inflammation intestinale à chaque repas. Or, l'additif semble enrayer ce processus et empêcher ce "frein" de fonctionner.

Il est d'ailleurs important de noter que si la maladie cœliaque est appelée une "intolérance", elle met en jeu le système immunitaire comme une allergie. Chez les personnes concernées, la consommation de pain ou de pâtes, par exemple, entraîne une inflammation chronique et des lésions intestinales.

Un processus différent de l'intolérance au lactose, par exemple, où l'absence d'une enzyme engendre la mauvaise digestion de lait ou de fromage.

Quatre personnes sur dix susceptibles de développer la maladie

L'intolérance au gluten ne peut pas se développer chez n'importe qui. "Environ 40% de la population générale possède un gène dit "de susceptibilité" pouvant mener l'apparition de la maladie", explique Bruno Lamas. Et, en fin de piste, environ 1% seulement de ces personnes finissent par effectivement développer cette maladie.

Pour eux, la consommation d'E551 risque "d'exacerber les symptômes" (douleurs abdominales, diarrhées). C'est du moins ce qui a été démontré par ces chercheurs sur des souris de l’université McMaster au Canada - pas chez l'être humain, des études épidémiologiques doivent venir confirmer ces hypothèses.

"Il est important de noter sur ces conjectures doivent bien être prises au conditionnel lorsque l'on parle de l'Homme", appuie le chercheur toulousain.

Mais l'E551 pourrait également "en association à d'autres facteurs environnementaux", mener à une hausse du nombre de malades chez les personnes génétiquement susceptibles de la développer. Ainsi, ces 1% pourraient augmenter d'une proportion importante mais inconnue en l'état. Ce qui représente un nombre non négligeable de personnes à l'échelle mondiale.

Un produit omniprésent, les enfants plus exposés

Les additifs sont partout dans notre alimentation moderne. Comme l'expliquent les spécialistes derrière cette étude, au moins 2.800 produits affichent le dioxyde de silicium quelque part sur leur étiquette. Il s'agit simplement de "l'additif le plus produit et le plus utilisé" par les industriels. Parfois, il n'est même pas affiché.

"Il est également utilisé en amont dans la chaîne de production, en tant qu''outil technologique'. Et donc, il n'entre pas dans la composition", appuie l'expert de l'Inrae.

Ainsi, ce produit, qui permet d'éviter que les poudres ne s'amalgament, pourrait également se retrouver dans des produits consommés par les bébés, notamment pour les laits en poudre maternels et les préparations céréalières. L'association de défense des consommateurs CLCV avait justement lancé l'alerte sur l'omniprésence des additifs dans la nourriture pour bébés en octobre 2023.

Or, chez les tout jeunes, de par leur poids réduit, l'exposition est plus importante. Elle l'est également chez les adolescents, dont l'alimentation est plus riche en produits ultratransformés, bourrés d'additifs en tous genres.

Dupin Quotidien : Aliments, des additifs omniprésents mais en baisse - 20/11
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Vers une interdiction?

Face à ce constat: faut-il bannir le dioxyde de silicium des chaînes de production? Les données de cette étude seront prises en compte, avec d'autres similaires, par les autorités sanitaires françaises et européennes.

"Les protocoles que nous avons suivis (...) sont adaptés aux critères des agences sanitaires et seront donc pris en compte lors dès les prochaines réévaluations" de sûreté, pointe Bruno Lamas.

Les chercheurs toulousains ont d'ailleurs une première percée à leur palmarès. Leur étude sur l'additif E171 a permis d'en découvrir les dangers, avant son interdiction en 2022.

Tom Kerkour