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Quotas, fin du droit du sol, prestations sociales... Ce que contient la loi immigration votée par le Parlement

Les députés et les sénateurs ont voté mardi soir un texte de compromis sur la loi immigration. Plusieurs dispositions vont changer profondément l'accès à la nationalité française ou aux allocations familiales.

Un accouchement dans la douleur. Après des heures de négociations et tractations, les députés et les sénateurs ont voté mardi soir le projet de loi immigration issu de la commission mixte paritaire (CMP) chargés d'aboutir à un compromis.

La version finale du texte contient de très nombreuses concessions de la majorité présidentielle à la droite. BFMTV.com détaille le contenu du projet de loi sur lequel les parlementaires sont tombés d'accord.

• L'accès aux prestations sociales désormais conditionné à la durée de séjour et à un travail

La question d'une présence minimale en France pour des étrangers pour pouvoir accéder à des prestations sociales a fait longuement débat entre les LR et la macronie.

Aujourd'hui, pour toucher des prestations sociales, il faut être en situation régulière, c'est-à-dire avoir un titre de séjour en cours de validité. Les durées de résidence nécessaires pour toucher ces prestations varient selon les allocations, mais elles sont généralement de quelques mois.

Il a finalement été décidé que, pour les allocations familiales tout comme pour l'allocation personnalisée d'autonomie, destinées aux personnes de plus 60 ans en perte d'autonomie, elles seraient soumises à une présence en France depuis au moins 5 ans pour les personnes sans-emploi. Les personnes qui travaillent, pourront, elles, y accéder dès trente mois d'activité.

Pour l'accès à l'Aide personnalisée au logement (APL), qui a failli faire capoter l'accord, il faudra également avoir passé cinq ans en France pour les étrangers qui ne travaillent pas avant de pouvoir les toucher. Les personnes en emploi devront attendre trois mois.

• La création d'un titre de séjour "exceptionnel" pour les métiers en tension

Dans la version initiale du gouvernement, un titre de séjour devait être créé pour les travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension comme la restauration ou le BTP. Ce dispositif avait été vu comme un geste vis-à-vis de l'aile gauche de la macronie et la garantie que la loi immigration serait "équilibrée".

Mais la droite avait fait de ce titre de séjour un casus belli. Dans la version finale de l'accord, il s'agit finalement d'une régularisation "exceptionnelle" à la discrétion des préfets.

Ce titre de séjour pourra être délivré à condition d'avoir résidé en France pendant au moins trois ans et exercé une activité salariée durant au moins 12 mois sur les 24 derniers. Cette "expérimentation" ne s'appliquera que jusqu'à fin 2026. Une nouvelle mouture de ce titre de séjour devra alors être actée par la loi ou supprimée.

Seule concession faite à la macronie: alors qu'en l'état actuel du droit, un travailleur sans-papiers ne peut demander un titre de séjour qu'en passant par son employeur qui se rapproche de la préfecture, il pourra faire la démarche désormais seul.

• L'instauration de quotas migratoires

La copie du texte porté par Gérald Darmanin ne contenait aucune mesure liée à l'instauration de quotas qui fixeraient le nombre de personnes auxquelles on peut attribuer un titre de séjour chaque année.

La droite avait voté au Sénat la création de quotas de personnes admises à séjourner sur le territoire pour une durée de 3 ans sur des motifs économiques. Une partie de la macronie estime que cette mesure pourrait être rétoquée devant le Conseil constitutionnel.

La mesure a cependant bien été retenue dans l'accord tout comme la tenue annuelle d'un débat sur l'immigration.

• La création de la déchéance de nationalité pour les auteurs d'homicide volontaire contre les forces de l'ordre

Tiraillée, la majorité présidentielle a accepté de donner son accord pour déchoir de sa nationalité une personne en situation de binationalité condamnée pour homicide volontaire contre les policiers ou les gendarmes.

Ce geste a une importance très symbolique: Emmanuel Macron avait pris clairement ses distances avec la mesure en 2016.

• La fin de l'automaticité du droit du sol

La question du droit du sol, qui pose le principe que toute personne née en France est française, n'était pas contenue dans la version initiale du gouvernement. Les sénateurs avaient mis fin à son automaticité dans les débats à la chambre haute et ont obtenu gain de cause.

Il faudra désormais qu'une personne née en France de parents étrangers fasse la demande entre ses 16 ans et ses 18 ans pour obtenir la nationalité française. La droite a également obtenu l'assurance qu'une personne condamnée pour crime ne pourra plus obtenir la nationalité française.

• Le rétablissement du "délit de séjour irrégulier"

Levé par François Hollande en 2012, le rétablissement du "délit de séjour irrégulier" a été retenu en dépit des vives critiques de la majorité présidentielle qui le jugeait inutile.

Toute personne présente illégalement en France pourra désormais se voir infliger une amende, sans peine de prison.

• Les mineurs interdits dans les centres de rétention administrative

Rare victoire de la macronie, les mineurs ne pourront plus être placés en centre de rétention administrative. En l'état actuel du droit, des enfants peuvent être placés avec leurs parents dans ces lieux avant d'être expulsés du territoire français.

• La possibilité de faire venir sa famille par le regroupement familial durcie

L'accord conclu durcit considérablement les conditions de séjour pour permettre à un étranger résidant en France de faire venir sa famille. Il va désormais devoir passer au moins 24 mois sur le territoire contre 18 mois actuellement pour pouvoir faire une demande.

Il doit également avoir des ressources "stables, régulières et suffisantes", avoir accès à l'assurance maladie et en cas d'union ou de concubinage, avoir un conjoint d'au moins 21 ans et non 18 ans comme c'est le cas aujourd'hui.

• La création d'une caution pour les étudiants étrangers

Les étudiants étrangers devront désormais s'acquitter d'une caution à déposer auprès de l'État français lors d'une demande de visa étudiant. La mesure vise à couvrir le coût de potentiels "frais d'éloignement".

Le dispositif avait été ardemment combattu par la majorité présidentielle et notamment par le Modem qui y voyait le risque de décourager les étudiants internationaux à venir étudier en France.

• L'aide médicale d'État exfiltrée du texte mais des restrictions pour les étrangers malades

Les sénateurs avaient voté la fin de l'Aide médicale d'État en novembre. Ce dispositif concerne 320.000 personnes par an et permet une prise en charge à 100% de la plupart des frais médicaux, hospitaliers et pharmaceutiques. Elle est ouverte aux étrangers en situation irrégulière, qui ne possèdent ni titre de séjour, ni document attestant d'une demande en cours de titre de séjour.

La droite a finalement accepté de renoncer à la fin de l'AME qui aurait de toute façon eu toutes les chances d'être censurée devant le Conseil constitutionnel. En échange, un projet de loi sur l'AME sera présenté "au début de l'année 2024", d'après un courrier d'Élisabeth Borne envoyé à Gérard Larcher.

L'accord comprend cependant en revanche une restriction de l'accès au titre de séjour pour les étrangers malades. Il ne sera plus possible de venir en France pour se faire soigner sauf s'il n'existe pas "de traitement approprié" dans le pays d'origine du pays.

La prise en charge par la sécurité sociale sera également exclue si le malade a des ressources considérées comme suffisantes.

Marie-Pierre Bourgeois