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Invectives, tollés et symboles: six mois de séquences fortes à l'Assemblée nationale

L'hémicycle de l'Assemblée nationale lors d'une séance de questions au gouvernement, le 19 juillet 2022.

L'hémicycle de l'Assemblée nationale lors d'une séance de questions au gouvernement, le 19 juillet 2022. - Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Renouvelé en juin dernier, l'hémicycle est le théâtre d'échanges agités. Plusieurs séquences ont déjà marqué les esprits, six mois après l'arrivée des députés au Palais Bourbon.

Invectives, polémiques, débats enflammés... Difficile de s'ennuyer avec la nouvelle composition de l'Assemblée nationale. Et pour cause: les élections législatives de juin ont apporté leur lot de surprises entre l'entrée en force des députés du Rassemblement national et l'échec du camp présidentiel à obtenir une majorité absolue.

Six mois après les débuts de la XVIe législature, BFMTV.com revient sur dix séquences marquantes.

• 28 juin. Le doyen de l'Assemblée évoque sa nostalgie de l'Algérie française

Premier jour et déjà une polémique. En tant que doyen de l'Assemblée nationale, José Gonzalez, 79 ans, ouvre le 28 juin la première séance de la XVIe législature comme le veut la tradition. Depuis le perchoir, le député du Rassemblement national (RN) évoque son attachement à l'Algérie française, en se décrivant comme "l'enfant d'une France d'ailleurs, arraché à sa terre natale et envoyé sur les côtes provençales en 1962".

"Je suis un homme qui a vu à jamais son âme meurtrie", dit le natif d'Oran.

Pris par l'émotion, ce proche de Jean-Marie Le Pen s'interrompt. Des applaudissements résonnent dans l'hémicycle. Sur les bancs de la majorité et de la gauche, ces déclarations provoquent un tollé. "La dédiabolisation du RN a pris fin dès la première séance", assène la députée écologiste Sandrine Rousseau à la sortie de l'hémicycle. De son côté, José Gonzalez en remet une couche: le pied-noir assure "ne pas savoir" si l'OAS a commis des crimes durant la guerre d'Algérie.

• 26 juillet. Des députées LFI arrivent cravatées

Une image forte. Le 26 juillet, plusieurs élues de La France insoumise, dont Mathilde Panot et Clémentine Autain, font leur entrée au Palais Bourbon cravatées. Une réponse à Éric Ciotti qui réclame le port obligatoire de ce vêtement dans l'hémicycle, observant un "relâchement vestimentaire" depuis le début de la nouvelle législature.

Avec cet happening, les parlementaires du parti de Jean-Luc Mélenchon souhaitent dénoncer le "sexisme" et le "mépris de classe" qu'induirait le port obligatoire de cet accessoire. Début novembre, le bureau de l'Assemblée nationale tranche: la veste devient obligatoire tandis que la cravate, qui ne l'est plus depuis 2017, est recommandée.

• 4 octobre. Le geste féministe de Sandrine Rousseau

Pour les premières questions au gouvernement depuis les congés d'été, l'hémicycle est particulièrement agité. Aurore Bergé, patronne des députés de la majorité, attaque implicitement les insoumis sur leur gestion du cas Adrien Quatennens, qui a reconnu une gifle envers sa femme quelques jours plus tôt.

L'élue des Yvelines évoque notamment "ceux qui parlent de leur 'affection' pour un homme qui frappe sa femme", dans une allusion à Jean-Luc Mélenchon, lequel avait salué le "courage" et la "dignité" du député du Nord. En réaction à ces propos, Sandrine Rousseau se lève de son siège et fait le signe d'un utérus inversé, un symbole féministe.

La députée écologiste n'a pas apprécié la question d'Aurore Bergé sur les violences conjugales, alors que Damien Abad siège toujours au Palais-Bourbon en tant que député rattaché au groupe Renaissance. L'éphémère ministre des Solidarités est visé par quatre accusations de viol et de tentative de viol.

• 18 octobre. La colère d'Éric Dupond-Moretti après le meurtre de Lola

Mi-octobre, après le meurtre de la jeune Lola à Paris, l'extrême droite et une partie de la droite dénoncent le "laxisme" de la "politique d'immigration" du gouvernement, alors même que la principale suspecte dans cette affaire était sous le coup d'une obligation de quitter le territoire (OQTF).

Lors des questions au gouvernement le 18 octobre, le député LR Éric Pauget tance le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, jugeant le ministère de ce dernier "responsable de ce drame".

Hué par une partie de l'hémicycle, le garde des Sceaux réplique et accuse ses adversaires de "faire de la petite politique, de la petite poloche". "Se servir du cercueil d'une gamine de douze ans comme on se sert d'un marchepied, c'est une honte monsieur le député", assène l'ancien avocat, applaudi par la gauche. Puis, Éric Dupond-Moretti se tourne vers les bancs de l'extrême droite et déclare:

"Et je pense que le meilleur reste à venir dans quelques instants, car vous êtes toujours au rendez-vous du malheur dont vous faites depuis des années votre miel".

• 26 octobre. Un député lit son intervention en braille

Dans l'hémicycle, José Beaurain fait une intervention remarquée fin octobre. Il lit son texte en braille. L'élu d'extrême droite est devenu le premier député non-voyant à faire son entrée au Palais Bourbon en juin dernier. Il est atteint d'un glaucome congénital qui lui a fait perdre la vue en 2008.

José Beaurain consacre son propos à l'aide à la vie partagée (AVP), mise en place en 2021 pour "accompagner le développement de l'habitat pour les personnes âgées et les personnes en situation de handicap".

• 26 octobre. Les larmes de Caroline Fiat

En larmes dans l'hémicycle. Fin octobre toujours, Caroline Fiat ne peut retenir son émotion après l'adoption de son amendement, instaurant "un ratio minimal d’encadrement des résidents par le personnel soignant", lors de l'examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

"Je suis très émue de cette victoire", réagit dans la foulée la députée insoumise, connue pour avoir été la première aide-soignante élue à l'Assemblée nationale en 2017.

• 3 novembre. "Qu'il retourne en Afrique"

La séquence a provoqué une vive polémique. Lors des questions au gouvernement le 3 novembre, le député LFI Carlos Martens Bilongo interpelle l'exécutif sur les migrants en Méditerranée. Le parlementaire est interrompu par son homologue du Rassemblement national, Grégoire de Fournas.

"Qu'il retourne en Afrique", lance l'élu d'extrême droite, selon la version retenue dans le compte-rendu de l'Assemblée nationale.

Ces propos déclenchent un tollé sur les bancs de la gauche et de la majorité. "Dehors", lancent plusieurs députés des deux camps. Une suspension de séance est prononcée. Grégoire de Fournas assure de son côté qu'il parlait au pluriel en évoquant ainsi le "bateau et ses migrants", et non son collègue Carlos Martens Bilonguo.

Il écope finalement de la plus lourde sanction prévue par le bureau de l'Assemblée nationale: il est exclu des 15 prochains jours de séance et se voit privé de la moitié de son indemnité parlementaire pendant deux mois.

• 24 novembre. La gauche et la majorité votent ensemble sur l'IVG

LFI et Renaissance main dans la main. Le 24 novembre, les députés de gauche et du camp présidentiel votent conjointement une proposition de loi des insoumis visant à inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution. Une première pour le camp d'Emmanuel Macron. Lequel avait jugé les insoumis du "côté du désordre et du cynisme", tandis que sa Première ministre, Élisabeth Borne, les avait exclus de "l'arc républicain" sur lequel elle entendait bâtir des majorités.

Sur l'IVG, les deux formations s'étaient livrées au préalable à une course de vitesse, chaque groupe souhaitant mettre à l'ordre du jour un texte similaire. Difficile dès lors de ne pas voter le texte de LFI. Après ce rare moment de consensus entre la gauche et la majorité, une standing ovation a résonné dans l'hémicycle.

• 24 novembre. "Tu vas la fermer"

Même jour, autre ambiance. Durant cette séance réservée à l'examen des propositions de loi de LFI, la majorité joue d'obstruction parlementaire lorsqu'est débattu un texte sur la réintégration des soignants non-vaccinés. En retour, Olivier Serva accuse le camp d'Emmanuel Macron de "mesquinerie obstructive" consistant à empêcher le texte d'aller à son terme.

Le député Liberté, Indépendants, Outre-Mer et territoires (Liot), avait quitté le groupe macroniste lors de la précédente mandature, après avoir réclamé en vain le retour des soignants hospitaliers non-vaccinés. Interrompu à plusieurs reprises lors de son intervention, il finit par s'énerver et lance un "tu vas la fermer" au député Renaissance Sylvain Maillard.

Sur BFMTV, l'élu de Guadeloupe s'était ensuite défendu en parlant d'"un réflexe de langage".

• 11 décembre. Le rire d'Élisabeth Borne lors de son neuvième 49.3

Le 11 décembre, afin d'adopter le budget sans vote des députés, Élisabeth Borne dégaine le 49.3 pour la neuvième fois en quelques semaines. "Pourquoi avez-vous si peur du débat?", lance la Première ministre aux oppositions alors même qu'elle vient d'interrompre les échanges sur ce texte en utilisant l'article couperet.

Pour le moins surpris par cette question, les députés d'opposition ricanent et se lèvent en applaudissant ironiquement. Élisabeth Borne est alors prise d'un fou rire de quelques secondes. La séquence donne du grain à moudre à ses adversaires.

"C'est une honte sans nom", critique par exemple le député du RN Jean-Philippe Tanguy, estimant que la cheffe de Matignon se "moque ouvertement de l'Assemblée nationale".

Baptiste Farge