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De l'EM Lyon à Quotidien: comment les sons de Laurent Wauquiez sont passés à la télé

Laurent Wauquiez en décembre 2017.

Laurent Wauquiez en décembre 2017. - BERTRAND LANGLOIS / AFP

Vendredi et lundi, Quotidien, l’émission de TMC, a diffusé deux extraits de cours de Laurent Wauquiez dans une école de commerce de Lyon. Depuis, les propos du patron des Républicains se retournent contre lui.

La forme (journalistique) a autant fait polémique que le fond (politique) des propos. Depuis vendredi et la diffusion dans l’émission Quotidien d’un premier extrait d’un cours de Laurent Wauquiez à l’EM Lyon, le soufflet ne retombe pas. Les uns s’en prennent aux méthodes de l’équipe de Yann Barthès, les autres dénoncent le langage fleuri du patron des Républicains. Dans un cours censé être apolitique, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes s’en est vertement pris à Nicolas Sarkozy, Justin Trudeau, Gérald Darmanin, Angela Merkel, Alain Juppé, Valérie Pécresse, aux députés En Marche en général et même au Medef.

En réalité, la séquence Wauquiez démarre bien avant le début de son cours à l’EM Lyon. Dès le mardi mardi 13 février, le site Médiacités Lyon révèle que le patron des Républicains donnera les 16 et 17 février un cours intitulé "enjeux de société" à des élèves qui ont dû fournir une lettre de motivation pour assister à l’événement. De fait, Laurent Wauquiez est déjà venu dans l’école en décembre: ses interventions font partie d’un cycle sur un an, pour lequel le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes est rémunéré à hauteur de 1900 euros.

Deux fois six heures d'un cours "intense"

Selon Ouest France, le journaliste de Quotidien Paul Larrouturou contacte dans la soirée du 14 février des élèves susceptibles d’assister à l’événement. Il est présent sur place le lendemain, quand Laurent Wauquiez attaque ses deux journées de cours.

"Les deux fois, ça a duré plus de 6h, explique Anatole Flahaut, présent dans la salle ce jour-là. Jeudi ça s’est terminé vers 17h30, et vendredi à 17h45, alors que c’était censé finir à 16h30. C’était tellement intense qu’on a empiété sur l’horaire", explique-t-il à BFMTV.

La première déflagration est pour le vendredi soir. Dès la diffusion du premier enregistrement, qui ne reprend que des éléments de la journée de jeudi, Anatole Flahaut reçoit un coup de téléphone de l’un de ses camarades: "sur le ton de la blague, il me dit que ça avait l’air sympa mon cours". Lui rigole moins. "On est tombé des nues. On a eu un sentiment de colère. Le procédé est dégueulasse". Rapidement, certains élèves se demandent comment réagir, et décident d’écrire une lettre ouverte.

Des étudiants téléguidés? "C’est complètement faux, totalement absurde"

"On s’est demandé comment on pouvait – non pas défendre Laurent Wauquiez – mais défendre le cours", reprend Anatole Flahaut. Dans la soirée de vendredi, il récupère le contact d’un membre du cabinet de Laurent Wauquiez à la région Auvergne-Rhône-Alpes, présent lors des deux jours de cours. "Ils m’ont dit qu’on était libre de faire ce qu’on voulait. Ils m’ont juste demandé s’ils pouvaient donner mon contact à la presse si jamais ils étaient sollicités pour avoir l’avis d’étudiants, et j’ai accepté".

La lettre des étudiants est rendue publique le samedi à 12h. Elle dénonce un enregistrement qui "compile des phrases choc uniquement destinées à alimenter un buzz qui ne reflète en aucun cas le corps principal du cours". L’entourage de Laurent Wauquiez a-t-il aidé à la rédaction de ce message? "C’est complètement faux, totalement absurde. Jamais on aurait accepté de se faire téléguider", assure Anatole Flahaut.

Lundi matin, l’EM Lyon n’a pas encore officiellement réagit. Mais Bernard Belletante, le directeur général de l’école, envoie un mail à ses élèves dans lequel il regrette un "tsunami médiatique" et juge qu’"enregistrer une personnalité sans l’en informer n’est pas une valeur early maker". Un peu plus tard, c’est Bruno Bonnell, député LREM mais également président du conseil d’administration de l’EM Lyon, qui répond à BFMTV:

"Je ne fais pas de commentaire sur ce qu’a fait Laurent Wauquiez. Il est dommage qu’il ait raté la chance de pouvoir transmettre un message beaucoup plus important aux jeunes leaders de demain plutôt que de ramener ça au niveau d’une conversation qui n’est pas loin de celle d’un café".

Pas d'accord de confidentialité ni de rétribution

Le soir même, Quotidien diffuse un second son, extrait de la journée de cours de Laurent Wauquiez du vendredi. Les cibles: Alain Juppé, les députés En Marche, Justin Trudeau et Valérie Pécresse. Devant sa télé, Anatole Flahaut est surpris. Sur la présidente de la région Île-de-France, "c’est moi qui pose la question, c’est injuste. Quand on l’entend dire ‘qu’est-ce qu’elle peut dire comme conneries’ c’était vraiment dit sur le ton de la blague, derrière il la valorisait", promet-il. Contacté par BFMTV, Paul Larrouturou indique qu’il n’a "rien de plus à dire que déjà dit à l’antenne".

De fait, en plateau, Yann Barthès s’est un peu plus expliqué le lundi soir que le vendredi précédent: "On a appris que Laurent Wauquiez allait donner des cours à l’EM Lyon. C’était dans la presse, tout le monde en parle. Ça nous intéresse, et on est allé dans des endroits beaucoup plus louches que ça. Deuxième point, le président de l’école précise même qu’il s’agit d’un cours apolitique. Un président de parti qui vient donner des cours apolitiques, ça nous intéresse encore plus".

Pour répondre aux accusations de manipulation au montage, Quotidien diffuse également une version longue de l’intervention de Laurent Wauquiez sur Gérald Darmanin. Enfin, Paul Larrouturou assure qu’aucun élève "n’avait signé d’accord de confidentialité, et nous n’avons évidemment pas versé un centime pour ce document". Quant à Bangumi, la société de production de Quotidien, elle n'a pas donné suite à nos sollicitations.

"Si jamais le cours reprend, je suis persuadé que ce ne sera pas de la même teneur"

Jointe par BFMTV, la direction de l’EM Lyon explique n’avoir jamais été contacté par l’équipe de l’émission. Quant aux deux prochaines sessions de cours de Laurent Wauquiez, prévues les 16 et 17 mars prochains, elles ne sont pas encore annulées: "le cours en question s’inscrit dans le fonctionnement pédagogique normal de notre école dont le process est le suivant: tous les semestres, un bilan des cours est réalisé sur la base de l’évaluation des étudiants participants eu égard aux objectifs pédagogiques. La décision de poursuite ou non d’un cours est alors soumise à la validation par le comité des programmes associant professeurs et directions administratives".

Et maintenant? Chez les élèves de l’EM Lyon, "on a vite essayé de changer de sujet pour ne pas faire une chasse aux sorcières", raconte Anatole Flahaut. La direction de l’école a quant à elle expliqué qu’elle ne chercherait pas à identifier l’auteur de l’enregistrement. De toute façon, "si jamais le cours reprend, je suis persuadé que ce ne sera pas de la même teneur", reprend l’élève. A moins d’obliger tout le monde à laisser son téléphone à l’entrée de la salle de classe.
Antoine Maes