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Gouvernement

Entre Taubira et Valls, la guerre est déclarée

Le torchon brûle entre Manuel Valls et Christiane Taubira, à propos notamment de la réforme pénale.

Le torchon brûle entre Manuel Valls et Christiane Taubira, à propos notamment de la réforme pénale. - -

L'été n'a pas été de tout repos pour les ministres de la Justice et de l'Intérieur, dont les désaccords et la rivalité sont désormais publics.

On les savait positionnés à deux extrêmes de l’échiquier socialiste. Mais depuis un mois, le torchon brûle entre Manuel Valls et Christiane Taubira. Et si les deux ministres ont pris soin de mettre en scène leur entente lors du dernier conseil des ministres, leur désaccord est pourtant total. En jeu, la réforme pénale proposée par la garde des Sceaux, qui consiste à rompre avec le "tout carcéral", avec laquelle n’adhère pas Manuel Valls. Retour sur un mois de tacles en règle.

> La lettre de Valls rendue publique

Tout commence par cette lettre, que Le Monde s’est procuré et a rendue publique le 25 juillet. Manuel Valls écrit à François Hollande pour lui dire son désaccord avec le projet de réforme pénale porté par Christiane Taubira. "J'attire votre attention sur les désaccords mis en lumière par le travail interministériel qui s'est engagé récemment autour du projet de réforme pénale présenté par le ministère de la Justice", écrit-il. Il demande au chef de l’Etat d’arbitrer ces désaccords.

La garde des Sceaux, de son côté, a vent de la lettre en pleine polémique sur les détenus relâchés de Chartres. Et c’est un euphémisme de dire qu’elle n’apprécie pas de ne pas avoir été prévenue. Elle se défend dans une lettre à François Hollande, et prépare l’offensive publique.

> Taubira répond devant les écologistes

C’est à l’université d’été d’Europe Ecologie – Les Verts que Christiane Taubira, invitée surprise, répond à son rival de l’Intérieur. Entre temps, celui-ci s’est fendu de déclarations polémiques sur le regroupement familial, peu appréciés des écologistes. C’est donc devant un public conquis que Christiane Taubira défend sa réforme pénale. Une réforme qui prévoit notamment des mesures alternatives à la prison pour les peines de moins de cinq ans, et la réforme du régime de réduction de peine.

"Nous allons détruire, pulvériser les méthodes qui consistent à prétendre que le bon sens veut qu'il faut enfermer, enfermer et enfermer sans cesse alors que cet enfermement sans cesse crée du danger pour la société", a martelé la ministre.

> A Marignane, Valls ne se laisse pas faire

En déplacement à Marignane, où un retraité a trouvé la mort en essayant de s’interposer dans un braquage, Manuel Valls rend hommage vendredi au "courage" de cet homme, et en profite pour souligner que les coupables doivent être punis… sévèrement. "Il appartient à la Justice de sanctionner très sévèrement, à la hauteur (de ce) crime lâche et intolérable", a-t-il déclaré. Tout acte délictuel doit être sanctionné dès le premier, pour que cet acte ne se reproduise pas". Pour lui, "la sanction s'impose, la prison joue totalement son rôle". "S'il n'y a pas sanction, il y a impunité", a ajouté le ministre.

> Une opposition pratique pour Hollande?

Un énième tacle envers la ministre de la Justice, dans un conflit qui porte sur le fond et la forme: Manuel Valls a occupé l'espace médiatique tout l'été, quand sa collègue garde des Sceaux a été plus discrète.

Malgré de vives réactions, cet antagonisme entre les deux ministres peut servir à François Hollande. "En vue des municipales, François Hollande pourrait trouver pratique de faire monter Valls face à la droite plutôt que Taubira, avec qui cela passerait moins", explique le politologue Thomas Guénolé. En attendant, si le président adoptait cette stratégie, il prendrait un risque: celui de ne laisser en mémoire du public que les dissonances au sein de son gouvernement. Des désaccords qualifiés de "zizanie" par Ségolène Royal jeudi, qui a averti: "les zizanies, ça angoisse les gens".

Ariane Kujawski