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Rassemblement national

Comment le RN veut piéger les députés avec sa niche parlementaire à l'Assemblée nationale

Marine Le Pen à l'Assemblée nationale le 10 octobre 2023

Marine Le Pen à l'Assemblée nationale le 10 octobre 2023 - Miguel MEDINA / AFP

Les élus de Marine Le Pen présentent dans l'hémicycle plusieurs propositions de lois déjà défendues par la gauche et Les Républicains. De quoi embarrasser les députés et les contraindre à l'équilibrisme.

Une journée pensée avec grand soin. Le Rassemblement national présente ce jeudi plusieurs propositions de loi dans l'hémicycle à l'occasion de sa niche parlementaire. Au menu de ce rendez-vous, qui a lieu une fois par an et qui permet au parti d'avoir la main sur les sujets, évoqués: des textes qui brassent très large et qui pourraient bien enflammer l'hémicycle.

"Une stratégie attrape-tout"

"Le but de notre niche est de proposer des choses utiles aux Français. On est là pour défendre l'intérêt général", explique le député RN Laurent Jacobelli auprès de BFMTV.com.

Plus cash, un député de son groupe défend "une stratégie attrape-tout pour parler de tous les sujets à tous les Français et qui peut mettre un peu le bordel à l'Assemblée".

Si plusieurs propositions de loi correspondent à l'ADN du mouvement comme l'automaticité des tests osseux pour les mineurs non accompagnés et l'interdiction de l'écriture inclusive dans les manuels scolaires, d'autres piochent volontairement dans des thématiques de gauche, à l'instar du rétablissement du tarif réglementé du gaz.

Certaines se paient même le luxe d'être très consensuelles à l'instar de celle sur l'endométriose, déjà évoquée dans le programme présidentiel de Marine Le Pen.

"Compliqué" de s'opposer sur l'endométriose

Les députés RN veulent permettre aux quelque 1.5 à 2.5 millions de femmes atteintes de cette maladie, qui se traduit notamment par des règles très douloureuses, d'avoir accès au statut d'affection de longue durée (ALD).

Concrètement, ce statut permet une prise en charge totale des soins par la sécurité sociale. Ils proposent aussi d'accorder aux femmes qui le souhaitent un statut de travailleuse handicapée.

"C'est compliqué de s'opposer sur un sujet comme ça, c'est sûr. C'est bien pour ça qu'ils l'ont choisi d'ailleurs. Quand vous refusez de voter un texte de ce type, vous passez forcément pour un méchant", grince un député Renaissance.

La macronie gênée

Embarrassée, la majorité présidentielle, qui ne devrait pas voter cette proposition, assure que le texte défendu par le RN "propose moins que le droit existant", d'après la députée Stéphanie Rist, rapporteure du budget de la sécurité sociale.

La macronie ne devrait pas non plus se priver de rappeler qu'Emmanuel Macron est le premier à avoir lancé une stratégie nationale de lutte contre l'endométriose. Mais en attendant, cette maladie ne rentre pas dans la liste des affections qui ouvrent automatiquement droit à une ALD. Cette maladie ne figure que sur ce qu'on appelle "l'ALD 31", bien plus difficile à obtenir.

La gauche à l'avant-poste

Ce texte plonge également la gauche dans la gêne. La députée insoumise Clémentine Autain avait fait voter en janvier 2022 une résolution pour faire reconnaître l'endométriose comme une ALD, contre l'avis du gouvernement. La parlementaire avait ensuite espéré que l'exécutif s'en empare.

Depuis, la question est au point mort malgré son appel au ministre de la Santé Aurélien Rousseau, lui demandant un décret en urgence "pour couper l'herbe sous le pied du RN" dans L'Obs.

Ce rendez-vous à l'Assemblée aura cependant un goût de déjà-vu. La France insoumise s'était pris les pieds dans le tapis lors de la première niche parlementaire du RN en janvier 2022.

Un air de déjà-vu

Les députés de Marine Le Pen avait repris à leur compte la proposition de loi des insoumis pour réintégrer les soignants non-vaccinés, portée par Caroline Fiat. Mais la commission des Affaires sociales avait refusé que le texte soit défendu par un rapporteur RN.

Dans ce cas, la défense de la proposition de loi est censé revenir au camp qui la portait précédemment, avec donc l'insoumise Caroline Fiat. Face au tollé de leurs partenaires de gauche, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon avait fini par retirer leur texte.

La droite devrait voter pour certaines des mesures du RN

Les Républicains ne sont pas non plus épargnés par les hésitations. Plusieurs députés ont déjà laissé entendre qu'ils pourraient voter en faveur de la proposition de loi RN sur la suspension des allocations familiales pour les parents de mineurs délinquants condamnés par la justice.

"On vote quand c'est utile à l'intérêt des Français. Il n'y a pas de cordon sanitaire autour de nos idées", a assumé Olivier Marleix, le président des députés LR début octobre..

Et pour cause: la mesure a été mise en avant par les députés LR lors des émeutes liées à la mort du jeune Nahel tué d'un tir de policier. Même topo pour l'interdiction de l'écriture inclusive dans les manuels scolaires et les actes administratifs.

"Honnêtement, on ne va pas être nombreux demain donc ça ne devrait pas trop se voir qu'on vote des textes de Marine Le Pen", soupire un élu proche d'Aurélien Pradié. "Un bel exemple de courage", tance le député RN Laurent Jacobellli.

Marie-Pierre Bourgeois