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Conférence de presse à l'Elysée: les journalistes et Emmanuel Macron, une relation tumultueuse

Emmanuel Macron interviewé par Mediapart et BFMTV le 16 avril 2018.

Emmanuel Macron interviewé par Mediapart et BFMTV le 16 avril 2018. - FRANCOIS GUILLOT / AFP / POOL

Le président de la République reçoit plus d'une centaine de journalistes jeudi à l'Elysée pour sa première conférence de presse. Jusqu'à présent, il avait pourtant voulu garder la presse à distance.

"Une revanche de l'ancien monde". La conférence de presse d'Emmanuel Macron, organisée jeudi à 18h à l'Elysée, sonne comme "une rupture assez forte" et "une main tendue à la presse", estime un conseiller proche de l'exécutif. Voir Emmanuel Macron répondre aux questions des dizaines de journalistes conviés jeudi surprend après un début de quinquennat marqué par une mise à distance de la presse.

"Une incompréhension s’est installée. C’est sans doute lié à sa personnalité : il ne tient pas les journalistes en haute estime", confie un communicant dans Le Parisien.

"Il a déclaré à plusieurs reprises que, au fond, certains journalistes souhaitaient son échec parce que cela leur faisait plaisir, cela validait leur théorie", renchérit Thierry Arnaud, éditorialiste politique BFMTV. 

Un contact direct avec les Français

Dès son entrée à l'Elysée, Emmanuel Macron, qui jugeait la présidence Hollande trop bavarde, a pris le parti de cadenasser à double tour sa communication. Son credo: contourner les médias pour parler directement aux Français via les réseaux sociaux.

Ni conférence de presse donc, ni même d'interview au JT de 20 heures. Emmanuel Macron a également annulé dès son arrivée la traditionnelle interview télé du 14 juillet. Et s'il n'a pas pu échapper aux points de presse avec les chefs d'Etat étrangers ni aux conférences de presse post-sommets, il a immédiatement averti qu'il refuserait de répondre aux questions sur la politique française.

Cela n'a cependant pas empêché Emmanuel Macron de beaucoup parler. D'abord sur les réseaux sociaux, comme le prônaient son conseiller spécial Ismaël Emelien et sa conseillère presse Sibeth Ndiaye, tous deux partis aujourd'hui. Ensuite, lors d'échanges directs avec les Français qui l'interpellaient dans des bains de foule. Sous l'œil très attentif des caméras, le chef de l'Etat en a souvent profité pour laisser échapper des petites phrases parfois cassantes qui ont fait le buzz et forgé son image clivante.

Des critiques récurrentes

Par ailleurs, le président a choisi de parler longuement lors d'entretiens dans des journaux choisis comme l'hebdomadaire Le Point en 2017. Il a également privilégié des médias moins conventionnels comme lors de son interview sur notre antenne en partenariat avec Mediapart. Seule concession: en avril 2018, il a accepté de faire le très populaire JT de 13H de TF1. 

Emmanuel Macron n'a jamais caché sa méfiance pour la presse depuis son entrée à l'Elysée et il a multiplié les critiques publiques envers les journalistes.

"Quand je vois le temps passé depuis 4 mois, à ne commenter que mes silences ou mes dires, je me dis que ça devient un système totalement narcissique", avait-il répondu lors d'une conférence presse aux Nations Unies dès septembre 2017. 

Quelques jours plus tôt, lors d'une visite d'école à Forbach, il lançait: "les journalistes ne m’intéressent pas, ce sont les Français qui m’intéressent. Avant d'ajouter que les journalistes "ont un problème, ils s'intéressent trop à eux et pas assez au pays".

Des journalistes choisis lors des déplacements

Rebelote en juillet 2018 en pleine affaire Benalla: "Nous avons des journalistes qui ne cherchent plus la vérité", lâchait le président alors qu'il prenait la parole pour la première fois devant des parlementaires.

Cette distance avec les journalistes s'est aussi matérialisée à l'Elysée. En février dernier, la salle de presse qui donnait sur la cour du palais a déménagé à "deux minutes à pied" dans une salle plus grande "pour offrir des conditions de travail améliorées", selon la présidence. A l'annonce de cette décision, l'association de la presse présidentielle avait dénoncé "un verrouillage de l'Elysée".

Lors de ses premiers déplacements à l'étranger, Emmanuel Macron avait également bousculé les rédactions en disant vouloir choisir les journalistes qui l'accompagneraient. Dans les faits, il s'agit surtout pour la présidence de convier des spécialistes en fonction des déplacements. Par exemple, des journalistes diplomatiques pour les visites à l'étranger, comme ce fut le cas lors de sa dernière tournée en Afrique de l'Est.

La Ve République "revient au galop"

Mais l'ancien monde n'est jamais très loin. Tout au long de sa présidence, Emmanuel Macron a continué de communiquer sur l'application sécurisée Telegram avec plusieurs journalistes, rappelle Le Parisien. Et le 31 janvier dernier, pour tenter d'éteindre la polémique après de nouvelles révélations sur l'affaire Benalla, le chef de l'Etat avait cédé à une vieille pratique. Il avait convié discrètement quelques journalistes de plusieurs médias, dont BFMTV, pour un long échange dans son bureau. 

Avec cette conférence de presse, Emmanuel Macron renoue donc un peu plus avec la tradition d'un ancien monde qu'il voulait changer.

"Chaque nouveau président adopte une communication en rupture avec le précédent et finit par faire exactement la même chose", commente l'expert en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet. "Il voulait tenir la presse à distance et la réinvite à l'Elysée. Chassez la cinquième République, elle revient au galop."

Benjamin Rieth