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Présidentielle: avant le vote, Taubira éclipse les candidats déclarés à la Primaire populaire

L'ancienne ministre Christiane Taubira le 18 décembre 2021 à Saint-Denis, près de Paris, où elle a effectué son premier déplacement depuis l'annonce de sa possible candidature à l'élection présidentielle

L'ancienne ministre Christiane Taubira le 18 décembre 2021 à Saint-Denis, près de Paris, où elle a effectué son premier déplacement depuis l'annonce de sa possible candidature à l'élection présidentielle - JULIEN DE ROSA © 2019 AFP

Si sept personnalités sont en lice pour le scrutin qui aura lieu du 27 au 30 janvier, quatre seulement se sont volontairement portées candidates et reconnaissent ce processus.

Sept candidats, dont seulement quatre s'engagent à reconnaître l'issue du vote. Parmi eux, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon, Christiane Taubira, Pierre Larrouturou, Anna Agueb-Porterie et Charlotte Marchandise. Ces quatre derniers - deux "politiques" et deux autres estampillées "société civile" - se sont volontairement portés candidats à la Primaire populaire. A l'inverse, les trois premiers clament qu'ils ne reconnaîtront aucun résultat issu de ces urnes et ne veulent guère en entendre parler.

Si le processus de la Primaire populaire, inédit en France et visant à faire émerger une candidature unique à gauche en vue de la présidentielle, a germé en 2020, ce n'est que ces dernières semaines qu'il a été particulièrement mis en lumière, spécialement par le biais de Christiane Taubira qui a annoncé s'y soumettre début janvier. Un éclairage à double tranchant, tant la lumière est semble-t-il captée par l'ancienne garde des Sceaux de François Hollande au détriment des autres candidats.

"Que des paroles"

Ceux-là, outre l'ancienne députée de Guyane, sont au nombre de trois. L'un est déjà élu et introduit dans l'arène politique, il s'agit de Pierre Larrouturou, fondateur de Nouvelle Donne et député européen, ainsi que de deux autres candidates: Charlotte Marchandise, ancienne adjointe socialiste à la mairie de Rennes (Ille-et-Vilaine) et Anna Agueb-Porterie, militante écologiste implantée à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).

Pour ces dernières, l'annonce de Christiane Taubira, qui fut déjà candidate à la présidentielle de 2002 sous la bannière du Parti radical de gauche (PRG), laisse un goût doux-amer.

"J'ai trouvé ça très noble de sa part, d'affirmer reconnaître les règles de la Primaire populaire, mais force est de constater qu'aujourd'hui, ce ne sont que des paroles", tranche Anna Agueb-Porterie auprès de BFMTV.com.

La militante de 24 ans, benjamine du scrutin, estime que la position de l'ancienne ministre de la Justice est ambiguë sur son soutien si d'aventure une autre personnalité était investie.

"La logique de la primaire, ce n’est pas de rentrer chez soi pour les perdants, c’est s’organiser en équipe autour du choix qui est fait par les électeurs (...) Ce n'est pas une logique de l'élimination, c’est une logique de rassemblement", avait toutefois déclaré la candidate la semaine passée sur France Inter.

"Elle ne veut pas débattre"

"Elle a dit qu'elle se plierait aux règles, mais elle refuse", cingle également Anna Agueb-Porterie, citant le débat sur franceinfo lundi soir, où Christiane Taubira était représentée par l'un de ses proches, l'ancien député de Seine-Saint-Denis Daniel Goldberg, aux côtés des trois candidats favorables à la primaire.

"On fait une fixette sur Mme Taubira parce qu'elle a accepté de se plier aux règles de la Primaire populaire, mais au final elle ne veut pas débattre (...), donc pour moi ce n'est pas du positif", tance Anna Agueb-Porterie.

"Ce que je regrette, ce n'est pas tant qu'on parle de Christiane Taubira mais qu'on n'ait pas cette opportunité de débattre avec toutes les tendances des gauches", souligne à l'unisson Charlotte Marchandise, 47 ans.

Mais pour Anna Agueb-Porterie, plus que la candidature de Christiane Taubira en elle-même, ce qui "efface" les candidatures souffrant d'un manque de notoriété, c'est "le fonctionnement des partis traditionnels" et un dialogue qui "a été coupé court très vite", selon elle.

Le "coup de projecteur médiatique qu'on attendait"

"Qu'une grande figure comme (Christiane Taubira) dise qu'elle se soumet aux règles, ça a donné le coup de projecteur médiatique qu'on attendait", se réjouit néanmoins Charlotte Marchandise.

"Ce qu'a fait Taubira, c'est une bonne chose, abonde Anna Agueb-Porterie. Par son acceptation, elle légitime le processus. Ce qui est dommageable pour les candidats qui ne l'ont pas fait."

Pour Charlotte Marchandise, ancienne adjointe à la mairie de Rennes, il y a eu un net changement à partir de l'annonce de Christiane Taubira début janvier, après avoir quelques jours avant Noël déclaré "envisager" une candidature à la magistrature suprême.

"J'ai vu la différence" sur les marchés, lors des tractages, constate aujourd'hui Charlotte Marchandise, consultante en santé publique pour l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Anne Hidalgo aussi avait un temps envisagé un recours à la Primaire populaire. En lançant début décembre à la surprise générale un appel à une primaire à gauche pour désigner un candidat commun, la socialiste avait cité l'initiative. "Il existe une Primaire populaire qui rassemble déjà plus de 230.000 citoyens. On peut s'appuyer dessus et envisager des modalités plus larges", avait-elle glissé au Monde. Lasse, elle a finalement enterré l'initiative, refusant d'y prendre part sans Yannick Jadot.

"Les jeux ne sont pas faits"

Malgré des déconvenues, Charlotte Marchandise refuse de croire que les dés sont jetés. "Je ne crois pas qu'elle ait capté (la lumière) pour elle, je sais qu'il y a énormément d'insoumis qui vont voter, énormément de gens qui ne sont pas d'un parti", croit savoir la Rennaise.

"J'entends la petite musique", admet Samuel Grzybowski auprès de BFMTV.com. Mais pour le porte-parole de la Primaire populaire, la Guyanaise n'éclipse pas les autres, eux ont de fait "une notoriété moins importante maintenant". "Les jeux ne sont pas faits, et on n'est pas du tout dans une 'primaire Taubira'", assure-t-il.

Dimanche 23 janvier, quelques heures avant la clôture des inscriptions pour faire partie du corps électoral, Christiane Taubira vantait sur Twitter les vertus de l'initiative, soulignant que "jamais, dans une élection présidentielle en France, des centaines de milliers de citoyennes et de citoyens n'avaient décidé de s'organiser eux-mêmes pour choisir leur candidat".

À l'échéance, dimanche à minuit, les organisateurs ont revendiqué l'inscription de 467.000 personnes, soit autant de potentiels électeurs. Un afflux notable. À titre de comparaison, la primaire écologiste avait réuni 122.000 votants et celle des Républicains 140.000. L'engouement bénéficiera-t-il à Christiane Taubira? "Il y a un vrai mystère", veut croire Samuel Grzybowski. "Il peut se passer plein de choses dimanche soir."

Clarisse Martin Journaliste BFMTV