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Présidentielle

Pourquoi la macronie veut son "grand parti démocrate" avant la présidentielle

Emmanuel Macron et François Bayrou, le 14 janvier 2020 à Pau

Emmanuel Macron et François Bayrou, le 14 janvier 2020 à Pau - AFP / Georges Gobet

LaREM pousse aujourd'hui à la création d'un parti de coalition, réclamée par François Bayrou. Entre cadeau au MoDem et besoin de se réinventer, zoom sur cette future maison commune des centristes.

"Nous devrons bâtir un grand parti démocrate français d’ici aux législatives". La citation est signée Stéphane Séjourné, le conseiller politique d'Emmanuel Macron, dimanche 5 septembre dans le Journal du dimanche. Alors que La République en marche commence à se mettre en ordre de bataille pour 2022, le député européen reprend une proposition de longue date de François Bayrou.

Allié à la macronie depuis 2017, le maire de Pau avait trois jours plus tôt dans les colonnes du Figaro relancé l'idée. "Nous devons inventer un modèle nouveau, coopératif: chacun vient avec ce qu’il est et avec ce qu’il a, les sensibilités sont préservées (...). Seul un mouvement unitaire et large, à vocation populaire, pourra rassembler, accueillir, et nous permettre de nous enraciner."

Une sorte de maison commune qui permettrait de rassembler sous la même bannière LaREM, le MoDem ou encore Agir, l'aile droite de la majorité... "C'est une idée qui ressemble furieusement à l'UDF de 1978", juge Alexandre Vatimballa, politologue et directeur du Centre de recherche et d'étude du centrisme.

Appuyer la future candidature de Macron en 2022

Lancée avec l'aval du président de la République de l'époque, Valéry Giscard d'Estaing, ce mouvement politique réunit alors des partis du centre et de la droite non gaullistes. Permettant de gagner les législatives quelques semaines après sa création, l'UDF sera l'instrument de victoires électorales.

"Un parti présidentiel qui rassemble toutes les composantes de la majorité, c'est un moyen de donner de l'élan à la candidature d'Emmanuel Macron", estime d'ailleurs Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie ce matin, sur BFMTV ce matin.

La macronie se voudrait unie face à une opposition divisée

"L'idée de ce mouvement, ce serait de réunir sous la même bannière les points de vue qui vont des sociaux-démocrates à la droite libérale ou de Manuel Valls à Alain Juppé", explique pour sa part l'historien Jean Garrigues.

L'opération aurait en effet le mérite de permettre à LaREM d'afficher un visage uni alors que la droite et la gauche devraient chacune présenter plusieurs candidats à la présidentielle.

"Ce sera également une manière de préparer les législatives. Même si Macron l'emporte largement à la présidentielle, il aura besoin d'élargir son socle pour faire élire des députés et rentrer d'une certaine façon dans une logique de coalition", continue l'expert.

"Le terme démocrate d'ailleurs a une certaine puissance", avance de son côté Elodie Mielczareck, spécialiste de la communication politique, auteure d'Antibullshit, communiquer avec transparence et authenticité. "Il renvoie à des valeurs qui vont fédérer des individus autour de lui en définissant ce que l'on est et en sous-entendant ce que l'on n'est pas."

Pas de chèque en blanc au MoDem

Un mot fort donc, qui pourrait s'inscrire dans une stratégie gagnante pour LaREM, mais pas à n'importe quel prix pour ses partenaires. Pas question, par exemple, d'appartenir au même groupe parlementaire, après les prochaines législatives, précise d'ailleurs François Bayrou dans les pages du Figaro.

"Jamais le MoDem ne voudra apparaître comme l'appendice d'Emmanuel Macron. Un mouvement commun, oui, être des jumeaux politiques, non", insiste le spécialiste du centre, Alexandre Vatimballa.

"C'est bien pour lui forcer la main et l'obliger à rejoindre ce grand mouvement que Stéphane Séjourné a repris l'expression qu'utilise François Bayrou depuis des années. Ce dernier a plutôt des velléités d'indépendance", analyse le politologue.

Le progressisme ne fait plus rêver

Les marcheurs auraient même préféré l'usage d'un autre nom, celui d'un grand parti progressiste. Le président de la République lui-même avait tenu à installer le clivage entre "progressistes" et "nationalistes" aux dernières élections européennes.

Mais la notion a été abîmée, pense Jean Garrigues, par deux anciens conseillers de l'Élysée, David Amiel et Ismaël Emelien, depuis la sortie de leur livre, Le progrès ne tombe pas du ciel.

Considéré comme une "théorie du progrès en politique", le livre a fait flop et n'a pas convaincu, même parmi la majorité.

"Et puis, progressisme rime beaucoup trop avec Emmanuel Macron et le parti qu'il a créé. Parler d'un rassemblement des démocrates, ça permet aussi de faire oublier LaREM, qui est une coquille vide et qui n'est pas le meilleur outil pour faire campagne", continue le président du Comité d'histoire politique et parlementaire.

Vers une américanisation de la société française?

Enfin, le terme proposé par Stéphane Séjourné a le mérite d'avoir un petit air d'outre-Atlantique qui fait rêver les politiques français. "Souvenez-vous des déclarations de Manuel Valls qui souhaitait inventer un grand parti démocrate à l'américaine en 2015", rappelle ainsi la sémiologue Elodie Mielczareck.

"Si l'on a d'un côté des démocrates qui rassemblent les macronistes et les centristes et de l'autre, des républicains représentés par les LR, alors nous verrons une véritable américanisation de la société française. D'une certaine façon, on retrouve la dualité qu'Emmanuel Macron avait promis d'effacer: la gauche versus la droite."

Les différentes universités d'été des partis de la majorité dans les semaines à venir - le week-end du 25 septembre dans le Morbihan pour le Modem et à Avignon pour LaREM le week-end du 2 octobre - pourraient être l'occasion d'ouvrir le sujet.

Marie-Pierre Bourgeois