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Comment la primaire à gauche tourne à la guerre d'ego entre Anne Hidalgo et Christiane Taubira

Anne Hidalgo et Christiane Taubira.

Anne Hidalgo et Christiane Taubira. - AFP

Alors qu'Anne Hidalgo s'apprête à dévoiler son programme et que Christiane Taubira a officialisé sa candidature à la Primaire populaire, la division à gauche est plus forte que jamais.

Un imbroglio qui rappelle les pires heures du Parti socialiste. Alors qu'Anne Hidalgo s'est lancée à la surprise générale dans une primaire de gauche, elle fait désormais marche arrière. Christiane Taubira, elle, accélère et compte bien emporter cette consultation citoyenne.

C'est en décembre que le brouillard à gauche est monté d'un cran. "Il faut organiser une primaire de la gauche arbitrée par les citoyens", annonce la maire de Paris au début du mois sur TF1. Une façon comme une autre de tenter de contrer l'émiettement de la gauche et ses sept candidatures au premier tour de la présidentielle. Si sa décision a été prise à la surprise générale, y compris de la part de son entourage, on assume parmi ses proches.

Un échange avec Taubira, moteur d'un appel à la primaire

"On peut dire que son appel à une primaire était maladroit, pas concerté. Mais il faut entendre les remontées du terrain et les attentes des électeurs de gauche", fait valoir à BFMTV.com Nadège Azzaz, l'une des porte-paroles de campagne d'Anne Hidalgo.

C'est qu'un échange bref avec Christiane Taubira lui a fait comprendre que l'ancienne garde des Sceaux se préparait à lancer sa candidature à la présidentielle. Il fallait donc agir vite dans l'espoir de tarir les velléités de l'ex ministre de la Justice.

Peine perdue. La Guyanaise se lance dans la course quelques jours plus tard. Autre mauvaise nouvelle: alors qu'Anne Hidalgo espérait que Yannick Jadot participe à la Primaire populaire, seul dispositif déjà en place pour accueillir une compétition de la gauche, l'écologiste ferme la porte à cette option, tout comme Jean-Luc Mélenchon.

Des militants socialistes appelés à voter à la Primaire populaire

Le PS espère cependant les faire changer d'avis. Mi-décembre, Olivier Faure, le Premier secrétaire, appelle ainsi les militants à s'inscrire massivement à la Primaire populaire, ce mécanisme de désignation citoyenne, afin de voter pour leur candidate.

Alors que le parti de gauche se réclame de plus de 22.000 militants à jour de cotisation, le député de Seine-et-Marne est alors persuadé que leur ralliement à ce dispositif - qui compte actuellement plus de 300.000 inscrits - peut peser dans la balance et contraindre l'insoumis et l'écologiste à les rejoindre.

"D'une certaine façon, ça nous semblait tout bénef' pour nous. Soit elle gagnait et contraignait Jadot et Mélenchon à justifier leur maintien soit elle perdait et Jadot gagnait mais on apparaissait comme des personnes responsables", décrypte l'un de ses lieutenants.

En forte difficulté dans les sondages, l'éventuelle défaite d'Anne Hildago à la Primaire populaire lui aurait également permis de sauver les meubles aux législatives grâce à un accord avec EELV.

"Nous continuons de tracer notre route"

Mais les deux candidats ne reviennent toujours pas sur leur opposition franche, malgré les multiples appels d'Anne Hidalgo. Depuis ce week-end, la parisienne explique désormais ne plus vouloir participer à la Primaire populaire tout en maintenant sa candidature.

"Sa responsabilité était de prendre des risques, de faire bouger les lignes. Il s'avère que ceux qui pourraient changer la donne disent 'non merci'. Donc nous continuons à tracer notre route", assure Rachid Temal, porte-parole du PS.

A voir. Plusieurs participants au bureau national ce mardi ont pointé l'incohérence de cette décision. "On ne peut pas dire qu'on va participer à la primaire, appeler les militants à voter puis dire à nos sympathisants qu'on n'y va plus et qu'ils ne doivent pas voter. C'est incompréhensible", explique l'un de ses membres auprès de BFMTV.com.

Christiane Taubira, cible des socialistes

Certains disent plutôt leur soulagement à la perspective de cette absence. "La Primaire populaire, c'est tout sauf une primaire ouverte. C'est comme si, dans une commune, le préfet choisissait les candidats, les programmes et le mode d'élection", juge sévèrement un parlementaire socialiste, en référence aux modalités d'organisation de cette compétition.

Si les critiques se faisaient plus mezza voce quand la candidate envisageait de rejoindre le dispositif, c'est surtout Christiane Taubira qui, elle, à décider de rallier la Primaire populaire, qui concentre les les flèches socialistes

"Elle ne voulait pas ajouter de la division à gauche mais y va quand même. Je ne comprends pas. A part flatter son égo, je ne vois pas l'utilité", lâche ainsi un ancien député socialiste.

Parmi les proches de Christiane Taubira, on assure ne pas faire le jeu de la division de la gauche. "On veut rallier, fédérer. La gauche représente 30% au premier tour. On va tout faire pour ne pas gâcher ce capital et pousser à l'union", avance Johan Jousseaume, porte-parole du collectif Taubira pour 2022.

Arnaud Montebourg en embuscade

Si les deux femmes sont au coude-à-coude dans les sondages avec 3,5% des intentions de vote, leurs situations politique sont très différentes. Alors qu'Anne Hidalgo stagne depuis le lancement de sa campagne en septembre, l'ancienne député de Guyane atteint le même score en à peine 5 déplacements.

Anne Hidalgo bénéficie cependant du soutien de l'appareil socialiste et d'un programme qu'elle dévoilera ce jeudi. L'ex garde des Sceaux, elle, ne dispose pour l'instant que d'une toute petite équipe de campagne et n'a pour l'instant pas dévoilé de propositions concrètes. Elle espère cependant engranger des ralliements, notamment du côté d'Arnaud Montebourg.

"Nous avons des discussions, aucunement des négociations. Il y a loin de la coupe aux lèvres", assure cependant le sénateur Mickaël Vallet, son porte-parole auprès de BFMTV.com.

Difficile de croire cependant que le ralliement de l'ancien ministre du Redressement productif, seulement crédité de 1% des intentions de vote dans le sondage Elabe pour BFMTV et L'Express, change profondément la donne à gauche.

Marie-Pierre Bourgeois