BFMTV
Procès

Aveux "téléguidés", penchants "pédophiles"... Ce qu'il faut retenir du procès de Nordahl Lelandais

Représentations de Nordahl Lelandais devant la cour d'assises de Grenoble.

Représentations de Nordahl Lelandais devant la cour d'assises de Grenoble. - Benoît Peyrucq

Le procès de Nordahl Lelandais pour le meurtre de Maëlys de Araujo et l'agression sexuelle de deux petites cousines s'achève ce vendredi avec le verdict. Les débats n'auront pas permis de répondre à plusieurs questions.

Pourquoi Nordahl Lelandais a-t-il tué Maëlys de Araujo dans la nuit du 26 au 27 août 2017? La petite fille a-t-elle crié? A-t-elle souffert? Existe-t-il un mobile sexuel dans ce crime? Ces questions centrales n'auront pas été tranchées pendant les trois semaines de débats qui viennent de s'écouler devant la cour d'assises de l'Isère. Les jurés se sont retirés pour délibérer et le verdict doit être rendu dans la journée.

"Vous avez à juger un homme. Ce n’est pas un monstre, mais un mystère", résumait Me Yves Crespin, avocat des associations L'enfant bleu et La voix de l'enfant.

Nordahl Lelandais s'est-il rendu coupable des faits qui lui sont reprochés? Quelle peine doit lui être infligée? Ces questions, ce sont désormais aux jurés d'y répondre en se basant sur ce qu'ils ont entendu dans cette salle d'audience du tribunal judiciaire de Grenoble. La réclusion criminelle à perpétuité a été requise, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans, à l'encontre de celui que l'avocat général a qualifié de "destructeur de bonheur", de "ravageur d'innocence" et de "massacreur d'enfant".

> Des aveux "téléguidés"

Il est un peu plus de 20 heures vendredi 11 février quand, dans les dernières minutes de l'audience, Nordahl Lelandais avoue. Il vient d'être interrogé pendant plus de 5 heures par la présidente de la cour d'assises, ses assesseurs, l'avocat général et les avocats des parties civiles. Jusqu'ici, l'accusé maintenait: il avait donné des "coups volontaires" à Maëlys mais n'avait pas l'intention de la tuer. Il n'avait pas plus l'intention de l'enlever, la fillette étant montée de son plein gré dans son véhicule, dit-il.

Mais face à son avocat, en cette fin de journée, le discours est tout autre. Nordahl Lelandais dit reconnaître "l'ensemble des faits qui lui sont reprochés", à savoir un meurtre, un enlèvement et une séquestration.

"J'ai surtout le sentiment que les aveux n'étaient pas en réalité des aveux, ça n'avait rien de sincère, dira quelques jours plus tard Me Fabien Rajon, l'avocat de la mère de Maëlys. Ils ont été téléguidés par son conseil. Ses prétendus aveux, il n'y croyait pas lui même. Interrogé aujourd'hui, il dit exactement l'inverse."

Quelques jours plus tard, réinterrogé sur ses aveux, Nordahl Lelandais dit "ne pas avoir enlevé Maëlys volontairement". "Je ne comprenais pas alors le terme d’enlèvement, de soustraire une enfant sans demander l’accord des parents", dit-il, maintenant que la fillette est montée dans sa voiture pour "aller voir" ses "chiens".

> Le meurtre d'Arthur Noyer omniprésent dans les débats

Pourquoi avoir frappé Maëlys au point de la tuer? La question a été posée et reposée. Dans une explication vécue comme une nouvelle provocation par la famille de Maëlys, Nordahl Lelandais a affirmé avoir asséné de violents coups à la fillette alors qu'elle "chouinait" après être montée dans son véhicule. Face à la bronca des parties civiles, Nordahl Lelandais s'était excusé affirmant que l'enfant avait "hoqueté" et qu'il lui avait donné des coups "volontaires". Pourquoi?

"Quand je tourne la tête, je vois le visage d’Arthur Noyer. Une peur surgit d’un coup et je veux que cette peur cesse ", expliquera-t-il.

Nordahl Lelandais a rappelé à de nombreuses reprises au cours de ce procès qu'il avait tué le caporal Arthur Noyer au cours d'une bagarre. Des déclarations qui ont provoqué la colère de la famille du jeune militaire qui rappelle que l'accusé a été condamné pour meurtre à 20 ans de prison.

> L'agonie de Maëlys

Nordahl Lelandais a toujours affirmé avoir donné un coup, puis trois ou quatre, à Maëlys tombée inconsciente sur le coup. Toutefois, selon le témoignage d'un expert, "l'hypothèse d'un décès immédiat me paraît très peu probable".

L'enfant a pu rester en vie pendant plusieurs dizaines de minutes, même si ce délai semble difficile à évaluer. Nordahl Lelandais a déclaré avoir pris le pouls de la fillette après un intervalle, sans rien percevoir et n'avoir pas tenté de la réanimer. Une version compatible avec les données relevées lors de l'autopsie.

Une autopsie qui n'a pas pu déterminer avec certitude les causes de la mort, le corps de la fillette ayant été récupéré après six mois passés dans une forêt. Selon l'expert, elle a pu succomber aux lésions neurologiques provoquées par les coups reçus.

> Les penchants "pédophiles" de Nordahl Lelandais

Là encore, il aura fallu que la cour y revienne à plusieurs reprises pour que Nordahl Lelandais finisse par reconnaître des penchants "pédophiles". L'accusé était alors interrogé par Me Yves Crespin, l'avocat des deux associations de protection de l'enfance, parties civiles dans ce procès, sur les vidéos des deux agressions sexuelles commises sur ses petites cousines âgées de 4 et 6 ans au moment des faits.

De cet aveu, les parties civiles, convaincues que le mobile du meurtre de Maëlys de Araujo est sexuel, ont tenté de faire craquer Nordahl Lelandais. Même face à Colleen, la grande soeur de la petite victime, face à ce cri de colère, l'accusé nie.

"Dites la vérité, ayez un minimum d’empathie. Je veux juste que vous disiez la vérité. Ayez le courage et cette dignité, comme moi j’ai le courage de vous parler", lui a lancé la jeune fille de 16 ans. Avez-vous violé ma soeur?" L'accusé répondra d'un simple "non".

Nordahl Lelandais n'est pas jugé pour le viol de la fillette, il n'avait pas été renvoyé pour ce crime, faute d'éléments matériels. Dans leurs plaidoiries, ses avocats ont rappelé qu'il n'avait pas consulté de sites pédopornographiques, un "mythe" selon la défense.

> La "dangerosité" et le manque d'"empathie" de Lelandais

Que se passe-t-il dans la tête de Nordahl Lelandais? Pas moins de 10 experts, psychiatres et psychologues, l'ont rencontré en 4 ans et demi. Certains d'entre eux sont venus témoigner devant la cour d'assises de l'Isère.

Responsable de ses actes, les experts, dont les avis, chose rare, convergent, décrivent une personnalité psychopathique, un homme chez qui "deux mondes cohabitent et ne se rencontrent jamais". Une psychologue estime que ces comportements pathologiques se retrouvent "en germes" dans son histoire familiale.

L'accusé est décrit à la barre comme dénué de culpabilité et de remords. Un être "borderline, dyssocial et narcissique qui utilise l'autre "comme un objet ustensile en fonction de ses besoins en excitation".

"Cette position de toute puissance lui permet d’avoir une emprise sur ses victimes, un droit de vie ou de mort sur Maelys. Un homme sans empathie."

Nordahl Lelandais, dont "la dangerosité extrême" est décrite, serait loin de pouvoir atteindre la rédemption. Un à un, les experts ont exprimé leur pessimisme quant à une possible réinsertion.

"Sa personnalité pathologique rend le pronostic extrêmement inquiétant (…) sur le plan psychothérapeutique. Faire évoluer ce type de personnalité est extrêmement difficile." 

Lors de la dernière journée du procès, Me Alain Jakubowicz a balayé "le mythe du Nordahl Lelandais violent". "Pardon de le dire en ces termes mais Nordahl Lelandais, il nous ressemble, a plaidé l'avocat de la défense. Vous n’avez pas entendu un ami, un témoin, venu dire à la barre que Nordahl Lelandais avait eu un écart sérieux."

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV