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Karine Esquivillon.

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Meurtre de Karine Esquivillon: de la disparition aux aveux, le récit des 82 jours de recherches

Karine Esquivillon a été retrouvée morte le 16 juin en Vendée. Son mari a avoué l'avoir tuée, après avoir affirmé pendant plus de deux mois qu'elle avait disparu volontairement. Il a été mis en examen du chef de meurtre par conjoint.

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La fin d'un mystère qui conserve encore quelques zones d'ombres. Karine Esquivillon, 54 ans, a été retrouvée morte ce vendredi 16 juin 2023, deux mois et demi après sa disparition. Son mari, Michel Pialle, est passé aux aveux, confronté à une somme d'éléments pointant vers lui.

Le 26 mars est le dernier jour où la quinquagénaire a été vue en vie. Selon le récit du mari, après avoir disparu le 27, elle continue d'envoyer des SMS à ses proches jusqu'au 31 mars. Le dernier message envoyé l'a été à la plus jeune fille du couple, âgée de 12 ans, "l'informant d'un départ à l'étranger avec un ami", selon le parquet de La Roche sur Yon.

Le 3 avril, Michel Pialle signale la disparition de sa femme à la gendarmerie. Il dit qu'elle a quitté leur domicile de Maché, en Vendée, en pleine journée, alors que lui-même cherchait le chat de la famille dans le jardin. L'homme déclare que son épouse a emporté sa carte bancaire, une somme de 14.000 euros en espèces, des pièces d'or pour une valeur de 30.000 euros et un sac d'effets personnels, selon le parquet.

Mais quelques jours plus tard, un des enfants de Karine, né d'un premier mariage, appelle la gendarmerie pour s'assurer que Michel Pialle a bien signalé la disparition de sa mère. Il se montre bien plus inquiet que son beau-père, ce qui incite les gendarmes à accélérer les recherches.

Le téléphone de Karine trouvé dans un fossé

Le 9 avril, alors qu'il se promène avec son épouse, le maire de Maché découvre le portable de Karine dans un fossé, à trois kilomètres de la maison du couple.

"Là, on trouve un téléphone qui est parfaitement propre, sec, et qui s'allume", avec une batterie plutôt chargée, décrit-il à BFMTV.

Reconnaissant une photo de la fille aînée du couple dans le téléphone, Frédéric Rager se rend chez les Esquivillon-Pialle et appelle le père de famille qui mentionne un "abandon de foyer" de la part de sa femme. L'édile appelle également la gendarmerie, qui récupère le téléphone.

Les enquêteurs découvrent qu'à chaque fois que le téléphone de Karine Esquivillon s'est connecté au réseau après sa disparition - à des moments où des messages sont envoyés à ses enfants notamment -, il a activé les mêmes bornes que celui de Michel Pialle.

Ils repèrent aussi une tentative de connexion sur une application bancaire depuis le portable de Karine. Mais juste avant cette tentative, son mari avait tenté de se connecter à ses comptes bancaires depuis son ordinateur. Par ailleurs, Michel Pialle est sorti la nuit, la veille de la découverte du téléphone de Karine, selon les éléments de l'enquête.

Une enquête ouverte le 17 avril

Après une perquisition le 11 avril au domicile du couple, le 17 avril, le parquet de La Roche sur Yon ouvre une information judiciaire contre X pour "enlèvement et séquestration". Le 9 mai, un appel à témoins est émis par les gendarmes de la section de recherches de Nantes, participant à la médiatisation de l'affaire.

Dès cette période, Michel Pialle répond volontiers aux médias. Auprès de BFMTV, il se dit "certain" qu'elle est "partie volontairement". Il affirme que le jour de sa disparition, elle lui a envoyé un message lui disant qu'elle en avait "marre de vivre à deux mais pas en couple".

"Un enlèvement, c'est pas possible, parce qu'elle est partie d'elle-même", assure-t-il face à notre caméra, "elle avait préparé des affaires, elle avait préparé des choses". "Quand elle partie, pour moi ce n'était pas possible, c'est pour ça que j'étais persuadé qu'elle allait revenir", affirme encore Michel Pialle.

"Il n'y a rien qui prouve que c'est mon père"

La première fille du couple, Eva-Louise, prend elle aussi la parole dans les médias. Dans une interview accordée à BFMTV en mai dernier, elle demande à sa mère de "faire un signe" pour qu'elle "libère" sa famille.

"Même si elle a décidé de tirer un trait sur nous, ce qui est dur, [je veux savoir] qu'elle va bien [...] Si elle a peur de revenir, personne ne la jugera. Cela arrive de faire des erreurs", déclare-t-elle alors pour BFMTV.

La jeune femme estime alors "normal" que son père soit suspecté, mais ne croit pas en sa culpabilité. "Ils n'étaient plus ensemble dans une relation intime. Les gendarmes se sont tournés vers cette piste mais il n'y a rien qui prouve que c'est mon père", affirme-t-elle alors.

Certains témoignages interrogent sur la relation du couple. Mariés depuis huit ans, ils avaient trois enfants ensemble et vivaient avec les deux plus jeunes, âgés de 12 et 14 ans.

"C'est le couple formidable que tout le monde aurait voulu avoir. Tout le monde voudrait vivre une histoire pareille", déclare à BFMTV une amie de la disparue, qui décrit des "inséparables".

Pourtant, le couple était séparé depuis "deux ou trois ans" mais vivait toujours sous le même toit, selon leur fille aînée Eva-Louise. Une façon pour eux de faire des économies de loyer. Lors d'un entretien à BFMTV en mai, elle décrit une relation sans "violences" ou "menaces".

Un homme "contrôlant" sa femme

Des témoins disent toutefois aux enquêteurs que Michel Pialle avait la main sur tous les téléphones de la famille, qu'il savait tout ce qu'ils contenaient, et qu'un jour, il avait pointé une arme à feu sur Karine, ce qu'il avait contesté auprès du Parisien. La sœur de la victime dit aussi à BFMTV qu'elle ne la sentait "pas si libre" dans son usage du téléphone.

Adelaïde n'avait pas vu Karine depuis 2015 et relate "une distance qui se creusait" entre les deux sœurs.

"Je le sentais toujours très présent et contrôlant", estime-t-elle à propos de son beau-frère.

Elle raconte notamment un épisode qui l'a "profondément troublé". Sur notre antenne, elle revient sur un SMS envoyé à sa sœur pour lui souhaiter un joyeux anniversaire. Mais la réponse de sa sœur lui a semblé étrange. "C'était pas elle, c'était froid, c'était pas Karine", affirme-t-elle.

Une disparition volontaire ne lui ressemble pas

Depuis plusieurs semaines, et contrairement aux affirmations de Michel Pialle, des proches de Karine comme sa sœur ou un de ses fils jugeaient très improbable qu'elle soit partie sans prévenir ses enfants. Elle est décrite par sa fille Eva-Louise, âgée de 20 ans, comme une "maman poule", "très présente" pour ses enfants.

"Cela ne lui ressemble pas. C'est ce qui est surprenant, c'est pourquoi au début on n'y croyait pas (...) Surtout en laissant un texto qui n'explique rien et qui dit qu'elle va revenir", estime l'étudiante.

L'ex-mari de Karine Esquivillon, Christophe Kedzior, assure aussi sur BFMTV que Karine avait fui leur domicile lorsqu'ils étaient encore ensemble, mais qu'il ne croit pas pour autant à une "disparition spontanée". "Dans ces circonstances, je ne pense pas", déclare-t-il.

Des aveux après plus de deux mois

Afin d'explorer la piste d'un rôle de Michel Pialle dans la disparition de Karine Esquivillon, les enquêteurs auditionnent l'ex-femme du brocanteur en ligne. Elle dessine le portrait d'un homme ayant tendance à mentir régulièrement (il lui aurait par exemple déclaré avoir été agent secret), accro aux jeux d'argent et multi-condamné pour escroquerie.

L'ex-femme se dit également persuadée qu'il a par le passé essayé de l'empoisonner avec une omelette au champignon. Il a été reconnu coupable d'abandon de famille et de non-paiement d'une pension alimentaire dans le cadre de ce précédent foyer.

Tous ces éléments réunis au fil des recherches mènent les gendarmes à placer Michel Pialle en garde à vue ce mercredi 14 juin. Une deuxième perquisition est menée à son domicile, où la carte d'identité de Karine Esquivillon est retrouvée. Jusqu'à sa dernière audition, l'homme affirme n'avoir aucun lien avec la disparition de sa femme. Mais en fin de soirée jeudi, il passe aux aveux.

"Il a indiqué qu'il n'avait pas vu que la carabine, qu'il prenait en photo en vue de sa mise en vente sur internet, était chargée et que le coup de fusil était parti accidentellement", explique la procureure de la République de La Roche sur Yon dans un communiqué vendredi.

Blessée au flanc gauche, elle serait décédée "très rapidement", malgré les tentatives de son mari de la réanimer, selon les déclarations du mis en cause.

Michel Pialle mis en examen pour meurtre sur conjoint

Les enquêteurs sont sceptiques sur cette version des faits. Ils ont notamment trouvé que le SMS évoqué par Michel Pialle sur l'envie de partir de Karine avait été envoyé une première fois le 14 mars, avant d'être effacé du portable de la mère de famille. Ce message envoyé une nouvelle fois le 27 mars, jour de sa disparition, laisse penser à une préméditation.

Mythomane, multicondamné: le profil troublant du mari de Karine Esquivillon
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15:07

Sur les indications de Michel Pialle, le corps de Karine Esquivillon est retrouvé dans un bois à 10 kilomètres de leur domicile. Il affirme l'avoir placé là après avoir pris peur. Le fusil qui l'aurait tuée n'a pas encore été retrouvé, mais le suspect assure l'avoir jeté dans une rivière passant par Maché. Ce cours d'eau se nomme "La Vie".

L'homme est ensuite mis en examen pour "meurtre sur conjoint". En 2021, 122 femmes ont été tuées par leur (ex-)compagnon en France, selon le ministère de l'Intérieur.

3919: le numéro de téléphone pour les femmes victimes de violences

Le "3919", "Violence Femmes Info", est le numéro national de référence pour les femmes victimes de violences (conjugales, sexuelles, psychologiques, mariages forcés, mutilations sexuelles, harcèlement...). C'est gratuit et anonyme. Il propose une écoute, informe et oriente vers des dispositifs d'accompagnement et de prise en charge. Ce numéro est géré par la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF).

Sophie Cazaux