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Rébellion avortée de Wagner: l'armée russe peut-elle se passer des combattants de la milice?

La mutinerie menée par le groupe Wagner a déstabilisé pendant 24 heures le pouvoir russe. Si une enquête a été ouverte contre son chef Evguéni Prigojine, le devenir de cette milice, cruciale pour Moscou, reste incertain.

24 heures de déstabilisation du Kremlin. Après la rébellion du chef du groupe paramilitaire Wagner Evguéni Prigojine menée vendredi et samedi contre le Kremlin, le devenir de la milice reste encore incertain. Si certains des combattants pourraient rejoindre les rangs de l'armée régulière russe, le départ de l'ensemble de ces hommes constituerait une perte pour Moscou.

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"Un fer de lance à Bakhmout"

En quelques mois, la milice privée, au service de Moscou, a pris une place cruciale au sein du conflit, mettant en lumière son chef au passé sulfureux Evguéni Prigojine.

À tel point que "la Russie ne peut pas se passer (de Wagner)" désormais, estime le général Jérôme Pellistrandi, consultant Défense pour BFMTV.

"Wagner a vraiment été le fer de lance (des combats) durant le printemps pour essayer de conquérir Bakhmout", appuie-t-il notamment.

Des combattants "violents" et "expérimentés"

Le nombre d'hommes appartenant à ce groupe et présent sur le front ukrainien est actuellement incertain. Evguéni Prigojine revendique 25.000 hommes, d'autres parlent de seulement 5000.

"La vérité est entre les deux", estime le général Pellistrandi.

Dans tous les cas, ce sont potentiellement des milliers de bras en moins pour les forces de Moscou. D'autant que les hommes de Wagner, conglomérat entre volontaires et anciens prisonniers, sont des combattants "aguerris", "violents" et "expérimentés". Notre consultant Défense assure qu'ils s'avèrent indispensables pour "leur brutalité", n'obéissant pas aux règles d'une armée classique.

Un manque à "long terme"

Faut-il alors s'attendre à un tournant dans le conflit dès à présent? Sur le terrain, la perte de ces hommes, alors que la Russie réussit globalement à maintenir ses positions, ne fera pas forcément sentir tout de suite, selon le général Pellistrandi.

La situation n'a d'ailleurs pas vraiment changé pour le moment sur le front. Les Ukrainiens butent toujours sur les lignes de défense ennemies et la ministre de la Défense ukrainienne n'a revendiqué dans son dernier point des avancées que de 1 à 2 km.

Cependant, la perte de Wagner pourrait constituer un problème à plus "long terme" si le conflit perdure, estime notre consultant Défense.

Une présence précieuse en Afrique

Les combattants d'Evguéni Prigojine s'avèrent par ailleurs une force nécessaire pour Moscou en Afrique et en Amérique du Sud, où Wagner est présent.

"Ils ont au moins 5000 hommes en Centrafrique, au Mali, en Libye, en Syrie. C'est (Prigojine) qui a des connexions (sur place)", rappelle sur BFMTV la journaliste Alexandra Jousset, coréalisatrice du documentaire "Wagner, l’armée de l’ombre de Poutine".

Si jamais les hommes de Wagner intègrent l'armée régulière, la donne s'en trouverait fortement changée dans cette partie du monde. "Qu’est-ce que vous faites si vous réintégrez des soldats de Wagner? Est-ce que vous dites que c’est officiellement la Russie qui va aider ces États (africains)? Aujourd'hui, on ne dit pas que c’est la Russie, mais une société militaire privée", souligne-t-elle.

S'ils ne sont pas intégrés, ces hommes pourraient aussi se retrouver "livrés à eux-mêmes" et pourraient simplement décider de partir et donc la Russie ne serait plus présente dans cette partie du monde.

Une intégration incertaine au sein de l'armée régulière

Pour ce qui est du devenir des mercenaires, leur intégration n'est, d'une part, pas certaine. "Tout dépendra de ce que Moscou mettra sur la table pour attirer Wagner au sein de l’armée régulière", estime Jérôme Pellistrandi, rappelant au passage que ces hommes ont au départ choisi de travailler pour une société privée et donc combattent contre rémunération.

D'autre part, il n'est pas garanti que leur intégration au sein de l'armée régulière soit nécessairement aisée. "Parmi les 25.000 hommes, il y en avait 15.000 qui étaient des détenus et n'étaient pas si motivés que ça, mais il y en a 10.000 qui sont des gens galvanisés, presque fanatiques, présents depuis longtemps. Il y en a pas mal qui croient en leur chef (Evguéni Prigojine)", souligne Alexandra Jousset.

Ces hommes n'ont pas non plus l'habitude de répondre à une hiérarchie militaire et une discipline classiques, différentes de celle d'une milice. La transition ne s'annonce donc "pas simple", selon le général Pellistrandi.

Juliette Desmonceaux