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Russie: après la rébellion, un avenir encore incertain pour les 25.000 mercenaires de Wagner

Après leur rébellion en Russie ce samedi, les mercenaires du groupe paramilitaire Wagner échappent aux poursuites et devraient pouvoir continuer d'être embauchés via des contrats privés.

Après avoir passé un accord avec le Kremlin, Evguéni Prigojine, patron du groupe paramilitaire Wagner, a finalement annoncé en fin de journée que ses hommes "rentraient" dans leurs camps pour éviter un bain de sang avec les forces de sécurité russes.

Si la rébellion armée de Wagner en Russie a officiellement pris fin, de nombreuses questions restent en suspens. Parmi elles, le sort réservé à ses 25.000 mercenaires.

Milice préservée

Les troupes de Wagner présentes en Russie devraient regagner leurs camps. Elles ont déjà quitté les régions de Lipetsk et de Voronej, au sud de Moscou, ainsi que la ville de Rostov, ce dimanche matin.

Prigojine a obtenu que sa milice, qui devait intégrer l’armée russe, ne soit pas dissoute et que l’enquête pénale contre lui soit abandonnée, tandis qu’il rejoint la Biélorussie. Selon les renseignements américains, "dans le deal, il y aurait la tête [du ministre de la Défense russe Sergueï] Choïgou et [du chef d’état-major de l’armée Valeri] Guerassimov, ce que voulait Prigojine", indique encore Patrick Sauce, éditorialiste politique étrangère de BFMTV.

Les hommes ayant participé à l’opération échapperont aussi à toutes poursuites, d’après le Kremlin. "Personne ne persécutera les combattants, compte tenu de leurs mérites au front" en Ukraine, assure le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Plus tôt, le président russe Vladimir Poutine avait pourtant promis aux "traîtres" à la nation russe de les "punir".

Contrats possibles avec la Défense russe

La présidence russe a depuis affirmé que cette tentative de rébellion "n'affectera en aucun cas" la guerre en Ukraine. Les combattants pourront cependant être engagés contractuellement par le ministère de la Défense russe, selon le porte-parole de Vladimir Poutine.

"Un accord a été conclu pour que les troupes du PMC Wagner retournent dans leurs camps et leurs lieux de déploiement. Certains d'entre eux, s'ils le souhaitent, peuvent plus tard signer des contrats avec le ministère de la Défense", a déclaré Dmitri Peskov. "Cela s'applique également aux combattants, qui ont décidé de ne pas participer à cette ‘mutinerie armée’."

"La plupart des mercenaires ne rejoindra pas l'armée régulière russe", suppose de son côté Marat Gabidullin, ex-membre de Wagner, qui répondait aux questions de BFMTV ce dimanche, à cause de la paie et d’"un certain mépris des hommes de Wagner envers cette armée" russe.

Quelques jours avant l’entrée en rébellion du groupe Wagner, le Kremlin ne proposait pas ces contrats, mais prévoyait plutôt d’imposer à tous les groupes de volontaires de signer un accord avec le ministère de la Défense d’ici le 1er juillet. Evguéni Prigojine s’était alors opposé avec véhémence à dépendre d’un ministère "privatisé par un groupe d'individus". Il avait ensuite accusé l’armée russe de frappes de missiles sur ses camps arrière.

Poursuite des opérations extérieures

Wagner peut aussi encore lier des contrats à l’extérieur de la Russie, pour "répondre à des besoins ponctuels de pays ou d’entreprises qui ne sont pas très regardants sur les qualités et la discipline de ce type d’unités", note le général Jérôme Pellistrandi. Ces mercenaires ont des profils très différents, allant de "criminels recrutés dans les prisons pour la bataille de Bakhmout", à "des anciens militaires aguerris et des pilotes d’avions", détaille-t-il.

Beaucoup sont déployés à l’étranger. Au Mali, la junte militaire en place fait appel à environ 1.500 personnels de Wagner. Avec le Burkina Faso, ces deux pays devraient conserver leur partenariat sécuritaire avec Moscou.

Selon le général Jérôme Pellistrandi, les Soukhoï Su-25, les avions d’appui au sol livrés par Moscou il y a quelques mois aux forces maliennes, ont besoin des pilotes fournis par Wagner.

La société de sécurité privée mènent aussi des opérations privées de sécurité dans différents pays qui lui procurent un juteux paiement en nature, bien souvent issu de ressources pillées. Ses mercenaires sont ainsi employés à défendre des installations pétrolières, à garder des exploitations de bois tropicaux, ou à prospecter des mines d’or, à Madagascar, en République centrafricaine, au Mozambique, ou encore au Soudan.

Exil biélorusse

L’accord avec le Kremlin, conclu sous l’égide du président biélorusse Alexandre Loukachenko, permet aussi au patron de Wagner de rejoindre la Biélorussie.

Part-il seul? "Il sera certainement entouré de sa garde rapprochée - d’une quinzaine à une centaine [de personnes], cela va dépendre de l’accord négocié avec Loukachenko", hypothèse le général Jérôme Pellistrandi, consultant défense de BFMTV.

Selon le général Lord Richard Dannatt, ancien chef d’état-major de l’armée britannique, le départ de Prigojine vers la Biélorussie doit être suivi avec attention par les Ukrainiens.

"Le fait qu’il soit allé en Biélorussie est un sujet de préoccupation", a-t-il déclaré sur Sky News.

S’il a "gardé une force de combat efficace autour de lui, alors il représente à nouveau une menace pour le flanc ukrainien le plus proche de Kiev, où la guerre a commencé", a-t-il ajouté. Selon ce général, "il est tout à fait possible" que la Russie utilise le groupe Wagner pour tenter de reprendre Kiev.

Lucie Lequier