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Sortie du nucléaire, Smic à 1500 euros... Le programme économique de Yannick Jadot

Le premier candidat écologiste depuis la présidentielle de 2012 propose une batterie de mesures économiques en faveur du climat mais ne prône pas pour autant la décroissance.

"L’écologie, ce n’est pas une douche froide dans le noir tous les mois." Invité en décembre au Sommet de l'économie du magazine Challenges, Yannick Jadot a tenu à montrer qu'il n'était pas l'ennemi de l'économie. Marquant

Si le "Projet pour une République écologiste" d’Europe Écologie - Les Verts (EELV) pour 2022 rejette le "modèle de la croissance à tout prix", le candidat n'embrasse pas pour autant celui de la décroissance.

"Notre horizon est celui d’une nouvelle économie, robuste, résiliente, souveraine, en phase avec les impératifs de la transition climatique", introduit le candidat en préambule de son programme.

Justice sociale, investissements de 60 milliards d'euros dans la transition écologique, lutte contre la fraude fiscale...

Le premier candidat écologiste depuis l'élection présidentielle de 2012 (EELV s'était rallié à Benoît Hamon en 2017) reprend les grands axes du programme d'Eva Joly. Avec le même objectif que la candidate malheureuse de 2012 (2,3% des voix) en termes d'emploi (création d'un million d'emplois sur le quinquennat) et de mix énergétique (sortie du nucléaire).

Le programme du candidat écologiste co-construit avec la participation de 10.000 contributeurs en ligne et 400 experts est dense et multiplie les propositions à travers 22 thématiques qui vont des modes de déplacement, à la construction européenne, en passant par le pouvoir d'achat et la sécurité.

Voici dans le détail les mesures économiques du programme de Yannick Jadot.

Ses propositions sur l'énergie

"Emmanuel Macron parle de mini centrales comme s’il s’agissait de mini déchets et de mini fusions de réacteurs nucléaires, assurait Yannick Jadot en octobre dernier après l'annonce du président de relancer le nucléaire. La réalité c’est que ce sont des maxi milliards de gâchés."

Le candidat entend totalement sortir du nucléaire entre 2040 et 2050 et assurer une électricité 100% renouvelable à cette date. Une dizaine de réacteurs seraient fermés d'ici 2035.

Pour compenser cette chute de la production, le président Jadot compterait déployer 3000 éoliennes terrestres d'ici 2027 en plus des sept parcs en mer prévus (soit 6000 éoliennes au total) ainsi que 340 km² de panneaux solaires. Des projets probablement impopulaires au niveau local. L'éolien terrestre a mauvaise presse et la construction de centrales photovoltaïques soulève aussi des oppositions comme ce projet de plus grande centrale de France (1000 hectares en Gironde). Mais dans son projet, le candidat EELV précise qu'il privilégierait les bâtiments et les parkings pour le solaire.

Un mix énergétique qui serait complété par le biogaz dont le candidat souhaite accroître la production à 32 TWh d'ici 2030 "grâce au développement de méthaniseurs de taille modeste".

Le candidat qui veut remettre à plat les règles du marché européen de l'électricité compte renationaliser EDF "afin d'éviter les hausses brutales de prix".

10 milliards d'euros seront enfin investis dans la lutte contre les passoires thermiques (le gouvernement actuel y a consacré 7 milliards entre 2020 et 2021) et les véhicules neufs à énergie fossiles seront interdits à la vente en 2030 (le projet européen prévoit 2035).

Ses propositions pour l'entreprise et la compétitivité

Une industrie au service de la transition climatique. Yannick Jadot entend conditionner les aides publiques versées aux entreprises (150 milliards d'euros par an) au respect des critères environnementaux, sociaux et d'égalité homme-femme.

"100 % des décideurs économiques suivront un parcours de formation aux enjeux de la transition écologique", souhaite le candidat écologiste.

25 milliards d'euros seront consacrés chaque année dans les infrastructures de la transition et le renforcement de la recherche publique.

Il envisage des mesures protectionnistes comme le "buy european act" ainsi que l'extension du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières prévu en 2023 à l'ensemble des secteurs de l'économie.

Enfin, s'il ne compte pas interdire le versement de dividendes, ces derniers seront conditionnés sous sa présidence à des critères sociaux et environnementaux.

Ses propositions fiscales

Plus d'impôt pour les riches, moins pour les modestes. C'est la philosophie du programme fiscal du candidat écologiste.

La plus emblématique est évidemment la création d'un ISF climatique qui taxerait les patrimoines supérieurs à 2 millions d'euros et comporterait un système de bonus-malus en fonction de l'impact des actifs détenus sur le climat. Le candidat chiffre à 15 milliards d'euros les recettes de ce potentiel impôt.

Pour les ménages, Yannick Jadot souhaite supprimer le quotient conjugal (qui permet de faire baisser le taux d'imposition payé par le membre le plus aisé d'un ménage) et qui est accusé d’encourager les disparités de revenu au sein du couple. Le candidat souhaite par ailleurs baisser les taux des premières tranches d'impôt sur le revenu, ajouter des tranches supplémentaires pour les plus hauts et supprimer la flat-tax en alignant à nouveau les revenus du capital sur ceux du travail.

La TVA serait un levier aussi pour lui de décarbonation de l'économie avec un taux à 5,5% sur les transports collectifs (10% aujourd'hui), à 0% sur les produits alimentaires bio et à 20% sur les transports polluants.

Enfin pour les entreprises, Yannick Jadot veut "mettre fin à la course au moins-disant fiscal" en exigeant l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés en Europe, en portant à 25% le taux minimum de taxation des multinationales. Et à rebours de programmes de nombreux candidats (et du gouvernement actuel), il rétablirait les impôts de production supprimés en 2021 et généralement accusés de nuire à la compétitivité française.

Ses propositions pour les successions

Payer des impôts sur les successions sur le patrimoine reçu tout au long de sa vie. C'est la proposition principale de Yannick Jadot qui souhaite instaurer un abattement jusqu'à 200.000 euros (il est aujourd'hui de 100.000 euros en ligne directe)

Le candidat écologiste souhaite réformer la fiscalité de succession à travers deux points majeurs: un abattement calculé sur l'ensemble de la vie de l'héritier et non plus réinitialisé tous les 15 ans et une suppression des niches fiscales afférentes aux donations et aux successions.

D'après le chiffrage de l'Institut Montaigne, une telle mesure permettrait des recettes supplémentaires de l'ordre de 7,7 milliards d'euros par an.

Ses propositions pour le pouvoir d'achat

"On augmente de 10% le Smic à 1400 euros net (contre 1269 euros actuellement, NDLR) et on veut se diriger vers la fin du quinquennat à 1500 euros mais ça dépendra des niveaux d'inflation."

Sur BFMTV, Yannick Jadot a donné les grandes lignes de ses mesures pour le pouvoir d'achat.

Fortement augmenter le Smic ainsi que créer un revenu citoyen qui serait versé automatiquement à partir de 18 ans avec un revenu de base garanti de 740 euros par mois cumulable avec les allocations logement et la prime d'activité.

Le candidat propose enfin de créer un indice d'équité des rémunérations et d'un indice de partage de la valeur dans les entreprises et qui serait rendu public.

Ses propositions pour le logement

Le candidat compte consacrer 50 milliards d'euros par an pour l'investissement (2% du PIB) dont 10 milliards pour le logement et le bâtiment. 700.000 logements sociaux seraient ainsi construits durant son quinquennat, entraînant la création de 1,5 million d'emplois dans le secteur selon ses estimations.

Les seuils de la loi SRU qui oblige les communes à proposer 20% de logements sociaux serait progressivement à 30% durant le quinquennat.

Concernant les loyers, ils seraient encadrés dans les zones tendues et une garantie universelle des loyers serait créée pour se substituer aux cautions. Elle serait financée à part égale par l'Etat et les propriétaires de logement.

Ses propositions pour le temps de travail

"Le sens de l'histoire, c'est la réduction du temps de travail." Sur RTL le 2 février, Yannick Jadot a évoqué des pistes pour faire en sorte que les Français travaillent moins.

S'il envisage la semaine de quatre jours comme une possibilité, il ne souhaite pas l'imposer à l'ensemble du pays et plaide plutôt pour une grande conférence sur le sujet avec les partenaires sociaux.

La réduction du temps de travail pourrait alors ne plus se concevoir sur le plan hebdomadaire mais au niveau annuel ou pluri-annuel avec de très longs congès rémunérés.

"Cela peut être 6 mois au bout de 5 ans ou une année au bout de 10 ans", évoque ainsi le candidat.

Ses propositions pour les retraites

Le candidat est plus flou sur ce point. S'il assure qu'il ne repoussera pas l'âge légal de départ à la retraite (actuellement de 62 ans), il promet qu'il permettra à ceux qui exercent des métiers pénibles de partir plus tôt, sans plus de détail.

Sur le grand âge, Yannick Jadot souhaite que les Ehpad étoffent leur personnel avec au moins huit accompagnants pour 10 résidents. Des Ehpads que le candidat souhaite "à taille humaine" avec une allocation personnalisée d'autonomie revue à la hausse pour permettre de réduire le reste à charge aux résidents précaires.

Ses propositions pour les transports

Les transports étant le premier secteur d'émissions de gaz à effet de serre, c'est une thématique majeure dans le programme du candidat écologiste.

Yannick Jadot souhaite qu'à la fin de son mandat, il y ait moins de voitures sur les routes françaises. Pour cela, il veut faire en sorte que les employeurs financent avec le forfait mobilité durable l'intégralité des frais de covoiturage, d'autopartage, de vélo et de transports en commun des salariés. Des voies seraient même réservées sur les routes aux covoitureurs.

Le vélo devra représenter 15% des transports quotidiens à horizon 2030 et pour cela le président Jadot abonderait le fonds vélo à hauteur de 500 millions d'euros par an et ferait en sorte que chaque jeune de 16 à 25 ans ait droit à un vélo.

L'accent sera mis aussi sur le train avec 4 milliards d'euros investis chaque année dans la modernisation des infrastructures et l'ouverture de petites lignes "partout en France". Par ailleurs, 15 nouvelles lignes de train de nuit seront ouverte et le candidat s'engage à doubler la part du fret ferroviaire dans le transport durant son quinquennat.

Enfin, les lignes aériennes seront interdites s'il existe un trajet en train de moins de 4 heures. Et au niveau européen, si une alternative en train en moins de 6 heures est possible.

Ses propositions pour l'agriculture

Du bio et du bien-être animal au programme de Yannick Jadot. A horizon 2027, 100% des repas seront bio dans les cantines, hôpitaux, administrations et prisons de France.

Le candidat EELV veut ainsi diviser par deux l'usage des engrais et pesticides de synthèse d'ici 2027 et en fera la demande au niveau européen pour 2030. Dès 2022, ce sont les néonicotinoïdes, le glyphosate et les pesticides et fongicides qui seront interdits et l'ensemble des pesticides de synthèse au niveau européen d'ici 2035.

Concernant la viande, l'élevage en cage sera interdit dès 2025, les méga-installations d'élevage seront interdites et les abattoirs mobiles seront généralisés.

Yannick Jadot garantirait aux paysans un "revenu digne", sans plus de précision. Il précise qu'il ferait reprendre par la Caisse des dépôts et consignations les dettes des paysans surendettés. Enfin, il inciterait financièrement à la transmission des exploitations avec une prime au cédant pour une installation en système agroécologique.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco