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Interdire la grève à la SNCF à certaines périodes? Le ministre des Transports est contre

Suite à la nouvelle grève des contrôleurs de la SNCF pendant les vacances de février, le débat sur un encadrement plus strict du droit de grève dans les entreprises publiques avait ressurgi.

La dernière grève des chefs de bord de la SNCF pendant les vacances d'hier, provoquant la suppression de la moitié des TGV, a relancé le vieux débat de l'encadrement du droit de grève dans les entreprises publiques comme la SNCF.

Les Experts : Faut-il restreindre le droit de grève ? - 21/02
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18:27

Hervé Marseille, le président du groupe centriste du Sénat ainsi déposé une proposition de loi visant à mettre en place chaque année des périodes de 15 jours maximum au cours desquelles le gouvernement pourra interdire les grèves pour les personnels des services publics de transports avec un maximum de jours de grève interdits de 60 par an.

Une piste finalement rejetée par le gouvernement. Sur France Inter ce mercredi, Patrice Vergriete, le ministre délégué aux Transports estime: "Je ne pense pas qu'il y ait besoin de réformer le droit de grève aujourd'hui. S'il y avait des périodes (sans grèves, NDLR), qu'est-ce qu'on privilégie, les vacances ou alors le quotidien des Français?".

"Je préfère en appeler à la responsabilité des acteurs. La SNCF est un joyau, ça appelle à la responsabilité: de la direction pour animer un dialogue social sérieux mais aussi responsabilité au niveau des syndicats. La grève, c'est l'ultime recours et il faut que les syndicats fassent preuve de responsabilité. La grève ne doit pas être le début de la négociation et s'il y a négociation, on ne fait pas grève, c'est l'ultime recours", poursuit-il.

Changement de ton

C'est un changement de ton sensible par rapport à son prédécesseur, Clément Beaune. Il avait laissé entendre que le gouvernement pourrait proposer l'instauration de "périodes préréservées" donc interdites à la grève, "d'un service minimum afin de maintenir une continuité des services de transport en temps de grève en augmentant les délais de préavis".

Du côté de la direction de la SNCF, les revendications doivent faire partie de négociations globales et pluriannuelles à travers une "plateforme de progrès social", une nouvelle approche mise en place récemment. Pour le groupe, c'est une question d'équité et de méthode.

Jean-Pierre Farandou, son PDG, a d'ailleurs mis l'accent sur "la cohérence et l'unité sociale" dans les rangs de la SNCF. Traduction, cette "plateforme de progrès social" est une sorte de négociation permanente qui doit permettre d'éviter d'agiter à chaque revendication une menace de grève.

De toute manière, encadrer ou limiter le droit de grève s'apparenterait à un parcours du combattant pour le gouvernement.

Parcours du combattant

Pour Thierry Meillat, avocat associé au sein du cabinet Hogan Lovells, "selon la Constitution, le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le règlementent, donc le droit de grève n'est pas absolu, on peut y mettre des aménagements dans le cadre de la loi. C'est le cas déjà pour les préavis dans les transports publics qui ont été mis en place par la loi dans les années 2000 et le Conseil constitutionnel a validé", explique-t-il sur BFM Business.

"La difficulté est que le Conseil constitutionnel regarde si c'est proportionnel à d'autres principes comme celui de la continuité du service public. 'Est-ce que l'attaque portée à l'exercice du droit de grève avec un cadre spécifique se justifie par la continuité du service public?' Et là, c'est difficile de répondre, je ne pense pas que le Conseil irait jusqu'à accepter la proposition qui a été faite par ce sénateur", poursuit-il.

Un avis partagé par Emilie de Goys, avocate au sein du cabinet Desfilis: "Une telle proposition risque d’être censurée par le Conseil constitutionnel. Interdire la grève dans le secteur des transports pour assurer les départs en vacances scolaires risque d’être considéré comme une atteinte disproportionnée au droit de grève".

Jeux olympiques et transports: pour le ministre, "il n'y aura pas grève"

Face aux menaces de grèves pendant les JO de Paris, Patrice Vergriete, le ministre délégué aux Transports indique ce jeudi sur France Inter "n'être absolument pas" inquiet.

"Je ne crois pas un seul instant que les ouvriers, les salariés, les syndicats mettront en péril l'image de la France ou de leur entreprise aux yeux du monde entier, je n'y crois pas un seul instant. Il n'y aura pas grève, ce n'est pas du tout dans la culture ouvrière, ou alors je change de pays et je ne comprends plus rien au monde ouvrier", avance-t-il.

"On est attaché à son entreprise quand on est ouvrier ou syndicaliste, on est attaché à l'image de son pays et je ne crois pas un seul instant qu'il y aura des grèves".

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business