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TOUT COMPRENDRE. Grève SNCF: pourquoi les contrôleurs font-ils grève?

Les deux syndicats majoritaires des chefs de bord maintiennent leurs préavis pour ce week-end malgré les annonces de la direction. Quelles sont les raisons de la colère?

Il y aura donc bien une grève des contrôleurs (chefs de bord) de la SNCF ce week-end de départs en vacances pour la zone A. A l'issue d'un nouveau round de négociations avec les syndicats lundi soir, deux organisations ont maintenu leur préavis à partir de jeudi soir et jusqu'à lundi, à savoir SUD-Rail et la CGT qui représentent 60% des 8.000 contrôleurs de la SNCF.

Un mouvement qui intervient en plein week-end de départs en vacances pour les académies de Besançon, Dijon, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lyon, Limoges et Poitiers. Mais également au beau milieu des vacances scolaires des académies de l'Ile-de-France ainsi que de Montpellier et Toulouse.

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Le plan de transport sera connu ce mercredi, la SNCF indique qu'elle mettra la priorité sur "les trains qui vont aux vacances de neige".

Quelles sont les raisons de qui poussent les contrôleurs à se mettre en grève?

• Quelles sont les promesses jugées non tenues?

Cela fait (encore) plusieurs mois que la colère monte chez ces salariés réunis au sein de collectifs qui agissent en dehors des syndicats. En cause, des engagements pris par la direction au sortir de la grève de décembre 2022 basées sur les revendications des chefs de bord.

Sont concernés d'après eux, les nouvelles modalités sur la cessation progressive d’activité (alors que le temps de travail s'allonge selon les contrôleurs), la non prise en compte des contraintes liées à leurs activités (déplacements, travail le week-end, congés imposés, pénibilité) lors de leur départ en retraite, la présence de deux contrôleurs à bord de tous les TGV et évidemment la rémunération à travers une hausse de la prime de travail.

"Aujourd'hui, les contrôleurs veulent se battre pour eux pour des questions de rémunération et je pense que les gens entendent ça. Notre outil de revendication, c'est la grève. On n'en a pas d'autres, on ne peut pas bloquer des autoroutes, on ne peut pas mettre de lisier sur les préfectures", explique ce mardi sur BFMTV, Fabien Villedieu, délégué Sud Rail.

• Quelles sont les propositions de la SNCF?

Face au malaise de ces salariés et à leurs revendications, la direction de la compagnie ferroviaire a pris le temps de recevoir les syndicats deux fois la semaine dernière, et ce lundi. Le patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, s'est lui-même impliqué dans les négociations.

La SNCF rappelle d'abord que tous les engagements pris en décembre 2022 sont tenus ou sont en cours de réalisation.

Exemple avec la présence de deux contrôleurs par TGV. "La montée du taux d'équipement est conforme à ce que nous avons convenu", écrit Alain Krakovitch, patron de TGV-Intercités dans un courrier interne destiné aux contrôleurs. La SNCF assure que 87% des TVG roulent aujourd'hui avec deux contrôleurs.

La direction a par ailleurs confirmé le recrutement de 200 contrôleurs, une hausse de l'indemnité de résidence (50 euros de plus par mois pour 80% des contrôleurs), 400 euros de prime versée en mars (en plus d'une précédente prime de 400 euros) et 1.200 euros d'intéressement qui seront versés en mai.

Face à ces annonces confirmées, la SNCF estime avoir fait ce qu'il faut: "Ce sont de vraies avancées sociales: le pacte est respecté et des nouvelles mesures sont annoncées. Dès lors, il sera difficile de comprendre que le mouvement perdure", souligne Alain Krakovitch dans son courrier.

• Quels sont les points qui bloquent?

Selon nos informations, lors des négociations, Sud Rail et la CGT ont exigé une augmentation mensuelle de 500 euros (via la prime de travail) pour les chefs de bord, une demande inacceptable pour la direction.

"Les contrôleurs voient que les trains sont pleins, ils savent que la SNCF fait beaucoup d'argent. La SNCF est l'entreprise ferroviaire la plus rentable d'Europe. Les cheminots se disent "pourquoi je n'ai pas ma part de gâteau ?" et une part de gâteau, ce n'est pas une prime de 400 euros au mois de mars. C'est une vraie augmentation de salaire et en l'occurrence de la prime de travail revendiquée par les contrôleurs", indique Fabien Villedieu, délégué Sud Rail.

Ce mardi sur RTL, Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF rappelle que "pour les contrôleurs comme les autres cheminots, la rémunération mensuelle moyenne a augmenté de 20% en trois ans, ce qui est beaucoup plus que l'inflation".

"Si on arrivait à une augmentation mensuelle brute de 150 à 200 euros, on pourrait éviter cette grève", indique aujourd'hui Fabien Villedieu de Sud Rail.

Autre point sensible, les modalités sur la cessation progressive d’activité. Selon nos informations, la direction de la SNCF ne veut pas s'engager dans des négociations catégorielles même si elle est prête à avancer le calendrier de discussions.

Pour la compagnie, ces questions, tout comme la rémunération, doivent faire partie de négociations globales et pluriannuelles à travers une "plateforme de progrès social". Pour le groupe, c'est une question d'équité et de méthode selon elle.

Jean-Pierre Farandou a d'ailleurs mis l'accent sur "la cohérence et l'unité sociale" dans les rangs de la SNCF, rappelant que "ce que je donne aux contrôleurs, il faut que je puisse le donner à tous les cheminots, sinon c'est inégal."

Mais pour la CGT et Sud-Rail, cette revendication doit être satisfaite au plus vite.

Enfin, les chefs de bord dénoncent le fait que la prime de travail n'est pas prise en compte dans le calcul de leurs pensions, or cette prime représente une part très importante du salaire des chefs de bord en fin de carrière.

• Quel est le malaise dénoncé par les chefs de bord?

Au-delà des revendications, c'est le manque de considération qui est à nouveau dénoncé par ces salariés.

"La colère monte depuis 2007 en réalité avec la dégradation de nos conditions de travail, la question de l'avancement, la hausse de la pénibilité du travail de contrôleur et toujours plus de responsabilités. En fait, la non reconnaissance des difficultés de notre métier. On considère qu'il y a une vraie maltraitance de la part de la direction et un vrai manque de dialogue social", nous expliquait un des fondateurs du collectif de chefs de bord CNA-ASCT qui compte à ce jour 3.700 membres sur Facebook.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business