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Après la liquidation de Flink, est-ce la fin du quick commerce en France?

Flink s'est déclaré en cessation de paiements devant le tribunal de commerce de Paris.

Flink s'est déclaré en cessation de paiements devant le tribunal de commerce de Paris. - Flink

L'entreprise de livraison de courses à domicile, déjà chahutée l'année dernière a été liquidée ce vendredi. La disparition d'un des derniers acteurs du secteur pose la question de la survie du modèle.

La livraison de courses express à domicile vit-elle ses dernières heures en France?Après la débâcle de Getir et Gorillas en juillet 2023, c'est Flink qui quitte définitivement le marché français. Sa direction s'est déclarée en cessation de paiements devant le tribunal de commerce de Paris. La société employait 128 CDI et faisait appel à des intérimaires et prestataires.

En difficulté l'année dernière, l'entreprise avait été reprise par son directeur, la maison mère allemande et la start-up algérienne Yassir, entreprise de services de VTC.

Flink, reconnaissable à ses livreurs à vélo vêtus de rose, promettait la livraison de courses en quelques minutes, sept jours sur sept, de 8h à minuit. Elle faisait partie des derniers acteurs opérant dans le secteur de la livraison de courses rapide.

Inflation et réglementation

En 2021, de nombreuses start-up avaient fait irruption sur le marché français, à la faveur de l'épidémie et des restrictions de circulation. Gorillas, Cajoo, Flink, Getir, Yango Deli, tous pariaient sur un changement des habitudes de consommation. "Pendant le COVID, il y a eu une explosion de la demande de livraison à domicile, en quelques semaines la croissance était fulgurante", se remémore Guillaume Luscan, qui avait fondé la jeune pousse Cajoo avant de se faire avaler par Flink qu'il a ensuite redressé en tant que président-directeur-général.

Mais la demande, qui repose sur la paresse des consommateurs à aller faire leurs courses s'est émoussée.

L'inflation alimentaire, galopante depuis deux ans (+12,8% en 2023) a détourné les consommateurs de la livraison express. Chez Flink, se faire livrer nécessitait de débourser au maximum 4,99 euros, des frais dégressifs en fonction du panier de courses. À une époque où chaque euro compte, le service rendu contre paiement ne paraît plus évident.

Pour s'implanter sur le marché, les différents acteurs se sont livrés à une concurrence agressive, rognant sur les marges.

Il y avait beaucoup d'acteurs au départ, très bien financés. Ça a été la course à celui qui allait survivre. Au départ, on a assumé de perdre de l'argent, pour continuer à grandir, explique Guillaume Luscan.

Le plus gros allait manger les autres. "Dans le digital la logique c'est le 'winner takes all', résumait déjà Olivier Dauvers à BFM Business en octobre 2021. "Il y aura beaucoup moins d'acteurs à l'avenir. Et ça va se jouer sur quatre critères: le cash pour survivre aux coûts, la capacité à tenir la promesse de la livraison rapide, la qualité des produits frais livrés et l'équilibre entre la largeur de l'offre et la productivité."

Et effectivement, l'offre s'est rétrécie, de consolidation en abandon du marché. Puis, avec la remontée des taux, les investisseurs ont réclamé la rentabilité et ont asséché les financements selon l'ex-directeur de Flink.

Mais ce que n'avaient pas anticipé les spécialistes de la grande distribution et de l'alimentaire, c'était le durcissement du volet réglementaire. Le législateur en considérant les stocks comme des entrepôts et non des commerces traditionnels en mars 2023 a donné le coup de grâce. "Utiliser un local commercial dont la destination n'est plus la bonne nous a mis en risque pénal, confie Guillaume Luscan. On courait aussi le risque d'amendes financières. Puisque les commerces nous étaient interdits, retrouver des entrepôts en centre-ville n'a eu rien d'évident."

Les municipalités ont eu les coudées franches pour réglementer avec le plan local d'urbanisme les fameux "dark stores", ces locaux aux vitrines aveugles. À la suite de cette décision, le turc Getir s'est retiré du marché français.

Uber Eats et Deliveroo rentrent dans le jeu

Les acteurs spécialisés dans la livraison de courses à domicile ont jeté l'éponge. Mais d'autres plateformes, à l'origine dédiées à la livraison de produits cuisinés ont étoffé leur offre. Uber Eats et Deliveroo proposent notamment la livraison de courses des enseignes comme Monoprix ou Carrefour.

La demande de livraison de courses en express se recentre désormais autour des magasins et des plateformes de livraison déjà bien implantées.

Lechypre d’affaires : Flink et Getir en faillite, la chute du "quick commerce" - 09/06
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La gestion opérationnelle est différente puisqu’assortiment et mise en sac se font depuis les rayons du magasin. Pour Guillaume Luscan, la méthode ne sera pas forcément viable: "Confier le système de quick commerce à des magasins alimentaires c'est prendre le risque d'erreurs, des produits manquants ou intervertis. Il y a aussi la gêne de flux de livraisons inadaptés à proximité du site."

Si pour la France, l'aventure des jeunes pousses ultra-spécialisées s'arrête là, le quick commerce se porte bien dans d'autres pays européens. En Allemagne, notamment où le volet réglementaire est plus souple qu'en France.

Marine Landau