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Défense

Guerre des étoiles: comment se prépare la chasse aux satellites

L'Onera, le centre français de recherche aérospatiale, met au point une arme laser capable de rendre inopérant des satellites ennemis jusqu'à 700 km d'altitude

L'Onera, le centre français de recherche aérospatiale, met au point une arme laser capable de rendre inopérant des satellites ennemis jusqu'à 700 km d'altitude - Onera

La guerre des étoiles avance à pleine vitesse. Plusieurs pays mettent au point des armes d'attaques ou de défense des satellites. Les méthodes sont nombreuses: missile, bombe nucléaire, rayon laser, cyberattaques ou même une simple collision

La guerre de haute intensité ne se limite pas à des combats terrestres, navals ou aériens, mais aussi dans l'espace. Pour ralentir une armée ennemie, couper des unités de leur commandement ou même empêcher les populations civiles de moyens de communication, il suffit de détruire des satellites commerciaux ou militaires.

Comment? Chaque pays développe sa méthode quitte, pour certains, à enfreindre le Traité de l'espace de 1967 qui réglemente l’usage d’armes dans l’espace extra-atmosphérique. Les moyens sont nombreux: missile, bombe nucléaire, rayon laser, cyberattaques ou même en organisant une collision pouvant passer pour un simple accident.

De la science-fiction? Pas vraiment. Ces méthodes ont été testées ou sont en développement les pays (Chine, Russie, Etats-Unis, Inde ou France) pour lancer des attaques ou dissuader d'en mener contre ses intérêts. Difficile de savoir précisément qui fait quoi. Selon leur stratégie de défense ou d'intimidation, les Etats laissent filtrer informations dont certaines sont vérifiables.

Mais le danger est réel. Jeudi, Konstantin Vorontsov, un haut responsable du ministère russe des Affaires étrangères, a lancé une menace contre les satellites occidentaux utilisés pour fournir des communications ou du renseignement aux Ukrainiens.

Missiles anti-satellites

Les Asat (anti satellite activities) sont des missiles balistiques modifiés pour abattre des cibles spatiales. Quatre pays ont déjà testé ces engins: les Etats-Unis, la Chine, la Russie (et l'ex URSS) et l'Inde.

Les Etats-Unis avaient arrêté les essais en 1985 mais les ont repris en 2008 après l'arrivée de la Chine sur cet armement en 2007 avec la destruction d'un satellite météo. Selon un rapport du Pentagone publié en 2021, Pékin dispose désormais d'un arsenal pour détruire des satellites situés dans l’orbite basse de la Terre.

En 2019, l'Inde a abattu l'un de ses satellites en orbite basse à une distance de 300 kilomètres avec un Asat lors d'un exercice intitulé "Mission Shakti" ("force" en hindi). L'information avait été annoncée par le Premier ministre Narendra Modi. L'opération n’a duré que trois minutes.

La Russie a poursuivi les programmes anti-missiles de l'URSS. Deux essais ont été menés en 2015 et en 2021. Ce dernier test, qui visait un vieux satellite hors service a provoqué un tollé international. Les débris ont mis l'ISS en état d'alerte avec la crainte qu'ils endommagent la station spatiale.

Ogive nucléaire de 10 mégatonnes

Tous les pays disposant de l'arme atomique pourraient l'utiliser contre des cibles orbitales, mais à ce jour, un seul chercherait à mettre au point un tel engin. Selon Asia Times, la Chine aurait fait des simulations pour détruire des constellations de satellites à différentes altitudes. Ces expériences seraient menées par le Northwest Institute of Nuclear Technology, un institut de recherche dépendant de l'armée populaire de libération.

Une ogive de 10 mégatonnes explosant à une altitude de 80 kilomètres provoquerait un nuage radioactif gigantesque capable de détruire des satellites. Une explosion nucléaire dans l'espace n'aurait pas l'effet escompté car le manque d'air ne générerait pas le nuage nécessaire à la destruction des objectifs.

Cyberattaques

La cyberattaque est le moyen le plus discret et le moins dangereux car il ne produit pas de débris. Par contre, il est efficace en mettant hors service un satellite ou en changeant son orbite pour l'envoyer dans les confins de la galaxie.

Tous les pays participant à la conquête spatiale en ont les capacités. L'usage le plus récent et le plus connu est la cyberattaque que la Russie a lancée en Europe une heure avant de lancer son assaut sur l'Ukraine. La cyberattaque a visé le réseau de satellites KA-SAT, exploité par Viasat.

Selon un communiqué de l'Union européenne, cette "attaque a causé des perturbations importantes dans les communications qui ont affecté les services publics, les entreprises et les citoyens utilisateurs en Ukraine, mais aussi plusieurs États membres de l'UE".

Un rayon laser aveuglant

Plutôt que de détruire un satellite, mieux vaut le rendre sourd, muet et aveugle. C'est le principe de la "guerre électro-optique". C'est la voie choisie par la France pour protéger ses engins spatiaux des satellites qui voudraient s'en approcher pour les pirater ou les endommager.

Avec l’Onera (Office national d’études et de recherches aérospatiales), le ministère des Armées travaille sur un laser capable de neutraliser un satellite ennemi sans le détruire physiquement. Cette arme défensive sera capable d'atteindre des objectifs situés entre 400 et 700 km d'altitude.

La France n'est pas le seul pays à développer un laser défensif. Le général Michel Friedling, qui dirige le commandement interarmées de l'espace (CIE), indiquait en 2018 que la Russie dispose de lasers aéroportés Sokol sur plateforme Iliouchine 76 ainsi qu’un laser dénommé Peresvet", lequel "pourrait avoir une capacité antisatellite".

En juiller dernier, "The Space Review" a détecté dans des documents officiels publiés en Russie des recherches sur un nouveau laser antisatellite dont le pas de tir sera installé sur un site relevant du centre spatial de Krona.

La Chine aurait également une arme laser antisatellites. Pékin n'en dit mot, mais selon le commandant de la force spatiale américaine John Raymond, elle développe un rayon pour aveugler les satellites ennemis. "Il est clair que la Chine prévoit d'utiliser ces menaces contre nous dans un conflit", affirmait John Raymond lors de sa prise de fonction en 2019.

Collision ou attaque spatiale

En marge de ces innovations technologiques, des méthodes plus rudimentaires sont explorées et peut-être même déjà utilisées. En tête, la collision entre deux engins spatiaux qui pourrait passer pour un simple accident sans crainte de déclencher un conflit.

En 2009, le satellite américain Iridium 33 et russe Cosmos 2251 se sont percutés en orbite terrestre basse au nord de la Sibérie. Officiellement, c'est un accident qui a tout de même créé des débris spatiaux.

Ces débris projetés à des vitesses fulgurantes et gravitant autour de la terre deviennent à leur tour des projectiles. En mars 2021, un satellite chinois s’est désintégré après une collision avec un morceau d’une ancienne fusée russe.

Pour éviter ces situations, le CNES surveille les satellites en orbite basse dont il a le contrôle et procède aux manœuvres d'évitement nécessaires.

Enfin, des satellites d'attaque sont également mis au point. Selon le rapport du Pentagone sur la menace spatiale chinoise, Pékin développer des satellites qui pourront attaquer les autres. Ces engins pourraient servir à protéger la station spatiale chinoise.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco