BFM Business
Défense

Armement, veto allemand sur les exportations... le patron de Dassault en dit plus sur le Scaf

Lors d'une rencontre avec l'Association des journalistes défense (AJD), le patron de Dassault Aviation, Éric Trappier, a dévoilé sa vision de l'avion du futur. Il s'interroge sur le veto allemand sur les exportations et sur la volonté de la Belgique d'acheter un jour des avions européens.

Après quelques années de bras de fer entre les états, puis entre industriels, le programme Scaf se dessine un peu depuis l'entrée dans la phase d'étude (1B) qui durera trois ans. Lors d'une rencontre avec l'Association des journalistes défense (AJD) ce mardi, Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, a donné quelques précisions sur le NGF (New generation fighter), l'avion de combat de 6e génération au cœur du système de combat qui doit succéder aux Rafale et Eurofigher dès 2040.

"La problématique est de pouvoir opérer dans des espaces parfaitement défendus, c’est-à-dire où les avions devraient être interdits par une défense sol-air puissante et dissuasive", explique Eric Trappier.

• Une version marine, comme pour le Rafale

Pour la version "Marine" destinée au futur porte-avions français, Dassault a démarré le travail avec Naval Group chargé de construire ce navire. La conception des futurs chasseurs a été considérée dès le début des travaux d'étude pour ne pas créer deux versions de l'appareil, mais une seule avec des adaptations, comme pour le Rafale. Contrairement aux appareils américains, le NGF ne sera pas de dimensions disproportionnées.

"Dès les premiers coups de crayon du démonstrateur, il faudra tenir compte de ces impératifs. On ne 'navalise' pas un avion de combat, on conçoit dès le départ un avion capable d'équiper un porte-avions. On fera comme pour le Rafale".

• Le couple avion-drone

Pour circuler dans ces espaces, le NGF devra pouvoir circuler en évitant ces défenses et au besoin "les traiter". "C'est pour cela que le couple avion de combat et drone de combat pourrait être plus efficace qu'un avion seul". Ce drone sera-t-il le NeurOn qui volera avec le Rafale F5 après 2030 ou un aéronef plus gros, plus lourd? La réflexion est en cours.

L'autre voie de recherche est bien sur la furtivité. Cette fonctionnalité doit permettre à un appareil de s'approcher des défenses ennemies sans être repéré. Et pour cela, c'est encore le couple avion-drone qui est envisagé.

"Les drones et la furtivité permettront d'entrer encore plus efficacement dans ces espaces ultra-défendus", précise le patron de Dassault.

• Un canon laser dans le NGF?

Quel sera l'armement du NGF? Impossible de répondre encore à cette question, mais Eric Trappier rappelle que les missiles Meteor ou les Scalp qui équipent les Rafale sont des armes parmi les plus efficaces. Et les rayons laser qui ont été évoqués?

"Ce n'est pas de la science-fiction, c'est de la science, mais pour l'instant on n'y est pas. Il faudrait gérer des énergies [d'une puissance] extraordinaires et dans un avion tout est compliqué. Les volumes sont petits, le moteur produit l'énergie pour que l'avion puisse voler. Pour l'instant, on ne prévoit pas ce type d'armement", a répondu Eric Trappier.

• L'Allemagne et son droit de veto

Le dirigeant s'est aussi exprimé sur les partenariats internationaux et les rumeurs lancées par la presse anglo-saxonne sur une possibilité que l'Allemague quitte le Scaf pour rejoindre le GCAP/Tempest, le programme concurrent lancé par les Britanniques avec le Japon et l'Italie.

"Je ne sais pas qui a fait passer cette rumeur et pourquoi. L'Allemagne n'a pas menacé de sortir. D'ailleurs, le projet Tempest est d'abord une coopération entre Britanniques et Japonais. Ça n'a rien d'Européen", estime le patron de Dassault en rappelant que la Suède vient de quitter ce groupe.
90 Minutes Business du lundi 19 juin
90 Minutes Business du lundi 19 juin
1:20:57

Il ajoute aussi qu'avec l'affaire des Eurofighter-Typhoon pour l'Arabie saoudite, les relations entre les deux pays ne sont pas des meilleures. Mais ce veto allemand soulève une ombre dans le programme Scaf. Les Allemands pourraient-ils s'opposer à la vente de NGF dans les pays déjà clients de la France avec le Rafale. Éric Trappier se dit "inquiet pour l'exportation".

"On me répond qu'il n'y a pas de problème, mais je vois ce qu'il se passe aujourd'hui avec le Typhoon alors qu'on assurait au Royaume-Uni qu'il n'y aurait pas de problème".

• Quel rôle pour la Belgique?

Et la Belgique qui frappe à la porte du Scaf en assurant par la voix de sa ministre de la Défense, Ludivine Dedonder, qu'elle sera pleinement membre du programme dès 2025?

"On ne peut pas s'autoproclamer partenaire. Le statut d'observateur est celui qui a été décidé. Après je sais que la Belgique souhaite faire travailler au plus vite ses industriels".

Pour Eric Trappier, la raison de cet empressement est à voir du côté des 34 F-35 pour lesquels les Belges ont signé en espérant obtenir des retours industriels.

"On ne fait pas un Scaf pour faire travailler des industriels. C'est d'abord un besoin des forces armées et nos pays comptent acheter ces appareils. La Belgique compte-t-elle un jour acheter des avions de combat non-américains? Je n'ai pas entendu de réponse des autorités belges. En trente ans, ils ne l'ont jamais fait."
Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco