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Covid-19: les questions que poserait la généralisation du pass sanitaire en entreprise

Le gouvernement envisage de généraliser le pass sanitaire à l'ensemble des entreprises. Une mesure qui concernerait plus de 25 millions de personnes.

A l’issue d’une réunion en visioconférence avec les partenaires sociaux, Elisabeth Borne a fait savoir ce lundi que l’hypothèse d’un pass sanitaire généralisé en entreprise avait bien été abordée pour faire face à la propagation du variant Omicron. Mais "rien n’est acté à ce stade", a tempéré la ministre du Travail.

Car si l’extension du pass sanitaire à toutes les entreprises, privées comme publiques, aurait pour but d’inciter à la vaccination les derniers réfractaires (près de 6 millions de personnes en France), ses modalités d’application devront être clairement définies en amont. Notamment pour répondre aux préoccupations des organisations syndicales et patronales qui accueillent cette possible mesure avec scepticisme, voire une claire opposition pour certaines d'entre elles.

Selon François Asselin, président de la CPME, au fil de la réunion, il y a eu "plus de questions abordées que de réponses apportées". Il a cité notamment le contrôle du pass, la situation des salariés qui ne repassent pas tous les jours dans l'entreprise ou encore la question du secret médical.

• Pass sanitaire ou vaccinal?

C'est l'autre sujet sur la table. Vendredi, Jean Castex a annoncé que le gouvernement allait présenter un projet de loi début janvier pour transformer le pass sanitaire en pass vaccinal. Exit les tests PCR, antigéniques, autotests… "Seule la vaccination sera prise en compte dans le pass", a prévenu le Premier ministre.

La même règle s’appliquera-t-elle en entreprise dans l’hypothèse où le pass y ferait son entrée? Vraisemblablement pas. C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre Olivier Véran sur France Inter: "On ne peut pas empêcher les gens d'aller travailler s'ils ne sont pas vaccinés mais on peut exiger d'eux qu’ils passent par un test s'ils ne sont pas vaccinés. Cela fait partie des questions qui doivent être posées", a déclaré le ministre de la Santé.

Pour le secrétaire général de la CGT, c'est de toute façon "non". Philippe Martinez se dit opposé au pass sanitaire en entreprise, quand bien même les tests seraient acceptés: "Nous y sommes opposés parce que ça correspond à une obligation vaccinale. Nous préférons (...) renforcer les gestes barrière, inciter plus à la vaccination plutôt que l'instauration de ce pass", a-t-il lancé sur Franceinfo.

• Combien de personnes concernées?

Aujourd’hui, 1,8 million de personnes travaillant dans un établissement recevant du public (restaurants, cinémas…) doivent déjà présenter un pass sanitaire valide pour exercer leur activité. Tandis que 2,7 millions de personnes, principalement des soignants, sont soumises à l’obligation vaccinale.

Si la règle du pass sanitaire était étendue à toutes les entreprises, plus de 25 millions de personnes seraient concernées, dont 19,5 millions dans le secteur privé et 5,7 millions dans la fonction publique.

• Qui va se charger de vérifier le pass sanitaire?

L’obligation du pass sanitaire en entreprise pourrait vite tourner au casse-tête pour les employeurs. C’est en tout cas l’inquiétude des organisations patronales. Se pose notamment la question du contrôle. "Est-ce aux chefs d’entreprise d’exercer d’une certaine manière des pouvoirs de police en s’exposant à des peinent très lourdes?", s’interroge sur France info Patrick Martin, président délégué du Medef.

Selon Xavier Dulin, avocat associé chez Barthélémy Avocats, la responsabilité de vérifier les pass sanitaires revient bien aux chefs d’entreprise. Mais ces derniers peuvent mandater une personne pour s’en charger, en faisant appel, par exemple, à des agents de sécurité. Ce qui est toutefois peu envisageable pour les petites entreprises. En revanche, un salarié ne peut en aucun cas recevoir la mission de contrôler les pass.

• Que risquent les patrons qui ne contrôlent pas?

Des pénalités financières sont déjà prévues pour les patrons concernés en cas de non-respect de l’obligation du pass sanitaire. Pour une personne physique, l’amende sera de 1500 euros dès la première infraction. Et elle pourra être relevée à 9000 euros et assortie d’une peine pouvant aller jusqu’à un an de prison "au bout de la troisième réitération".

Pour une personne morale, le montant de l’amende est fixé à 7500 euros pour les premières infractions et à 45.000 euros avec un an d’emprisonnement à compter de la cinquième verbalisation. Reste à savoir si ces sanctions seront les mêmes dans l’hypothèse où le pass sanitaire serait étendu à toutes les entreprises.

• Quelles conséquences pour les salariés qui refusent la vaccination?

L’autre crainte des chefs d’entreprise, en cas d’instauration du pass sanitaire dans leurs locaux, c’est de perdre une partie de leurs effectifs. En effet, que deviendront les salariés qui refuseront de se faire vacciner? En théorie, ils pourront toujours se faire tester, mais la durée de validité d’un test ayant été abaissé à 24 heures, cette option semble difficilement envisageable en pratique.

Il y a aussi la solution du télétravail mais "si on leur dit, ‘Mettez-vous en télétravail’, on a un vrai risque d’avoir un effet d’aubaine et il ne faut pas perdre de vue que 60% des salariés français ont des activités qui ne leur permettent pas de télétravailler. Ça veut dire qu’on risque d’avoir une baisse de la capacité de production", a estimé sur France info Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH (Association nationale des DRH).

D’après lui, les entreprises n'auront d'autre choix que de suspendre les réfractaires: "Juridiquement, je ne vois pas comment on pourrait faire autrement. On n'a pas le droit de le contraindre à se faire tester et avoir un pass sanitaire à ce jour. Par conséquent il faudrait suspendre son contrat: vous imaginez l'ambiance dans l'entreprise. Ça veut dire que la personne reste salariée mais n'a plus de salaire. On aurait à gérer une tension sociale renouvelée sans doute minoritaire car il y a beaucoup de gens vaccinés mais quand même".

Si les chefs d’entreprises dont les salariés ne respectent pas l’obligation de présenter un pass sanitaire peuvent effectivement suspendre leur contrat de travail, ils n’ont pas la possibilité de les licencier. Du moins pas immédiatement. En revanche, "si la suspension (de contrat) dure trop longtemps et qu'elle empêche le bon fonctionnement de l'entreprise, on peut être licencié", rappelle Olivier Angotti, avocat associé à FMTS Avocats.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco