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TOUT COMPRENDRE - Flambée des carburants: pourquoi ce n'est pas simple d'aider les automobilistes

Face à la hausse sans précédent des prix de l'essence, le gouvernement est face à une équation compliquée: comment agir vite et de manière ciblée et efficace?

Si le gouvernement semble avoir trouvé la solution pour contenir la hausse des factures de gaz et d'électricité des Français, le problème est plus complexe en ce qui concerne la hausse sans précédent des prix des carburants.

Ce n'est pas la première fois que l'Etat est face à ce genre de situation et on sait que les marges de manoeuvre sont étroites. La problématique est d'autant plus aiguë pour le gouvernement que les élections présidentielles approchent à grands pas.

Et le sujet est hautement inflammable: la crise des gilets jaunes trouve son origine dans le prix de l'essence... Il faut donc aller vite, trouver le bon outil pour préserver le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes tout en respectant les objectifs de transition écologique.

"On va voir si cette hausse se confirme (...) On est en train de travailler pour trouver les bonnes solutions pour protéger le pouvoir d'achat de ceux qui prennent tous les jours leurs voitures pour aller travailler", a ainsi répété Elisabeth Borne, la ministre du Travail sur Europe 1 ce jeudi, "on veut une solution efficace".

Quelles peuvent être ces solutions "efficaces" et quelles sont leurs limites?

· Baisser la TVA?

Deux types de TVA sont facturés dans un litre de carburant: la TVA sur le produit et la TVA sur la TICPE. Elles représentent 16% du prix d'un litre de sans-plomb 95 et 17% du prix d'un litre de gazole. Le taux de TVA sur l'essence et le gasoil est de 20%. Baisser la TVA sur les carburants à 5,5% permettrait par exemple de gagner une dizaine d'euros sur un plein d'essence.

Baisser la TVA a un avantage: la mesure est rapide à mettre en place.

Problème, elle s'appliquerait à tous les ménages de manière unilatérale et pourrait donner l'impression de donner un coup de pouce aux foyers les plus favorisés.

Pour le gouvernement, cette solution ne semble pas faire l'unanimité: "ça fait en théorie partie des pistes, il ne s'agit pas non plus d'encourager ceux qui ont des gros SUV, qui n'ont pas de problème de pouvoir d'achat", souligne Elisabeth Borne qui ajoute que l'objectif est d'aider "les ménages modestes qui doivent prendre leur voiture pour aller travailler".

Il s'agirait également d'un gros manque à gagner pour les caisses de l'Etat.

· Baisser la TICPE?

La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques représente la part la plus importante du coût d'un litre de carburant: 40% pour un litre de gazole et 42% pour un litre de sans-plomb 95.

Agir sur cette taxe permettrait une baisse rapide du prix final. Mais le manque à gagner serait terrible pour les caisses de l'Etat et des collectivités. En effet, depuis 2005, une partie du produit de la TICPE est transférée aux régions et aux départements pour compenser le transfert de compétences de l'Etat. Cet argent sert à financer des infrastructures de transports durables, ferroviaire ou fluvial.

En 2019, la TICPE avait rapporté 13,6 milliards d'euros à l'Etat et 12,3 milliards d'euros aux collectivités locales.

· Un chèque carburant?

Il a été mis en place dans la région Haut-de-France en 2016 et vise sous conditions les habitants contraints de prendre leur voiture pour aller travailler. Son montant: 20 euros par mois. Il a également été instauré dans la métropole de Nice (60 euros par trimestre) entre 2019 et 2021.

L'avantage d'une telle mesure est de pouvoir cibler les ménages les plus fragilisés par la hausse des prix. Une aide de 20 euros par mois ferait en effet plus que compenser la hausse des prix.

Problème: sa mise en oeuvre risque d'être complexe, longue (n'oublions pas que l'élection présidentielle est dans 6 mois) et surtout coûteuse. Si 5% des salariés devaient être éligibles, son coût atteindrait un peu plus de 300 millions d’euros par an. Et évidemment le double pour toucher 10% des salariés, soit 2,5 millions de ménages.

· Faire baisser les marges des distributeurs?

Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique a "demandé aux distributeurs de faire un geste". La distribution représente 9,5% du prix d'un litre de sans-plomb 95 et 10% du prix d'un litre de gazole. Pour autant, la marge réalisée par la station-service ne représente que moins de 1% du prix final.

En clair, réduire cette marge n'aurait qu'un effet minime sur le prix final payé par le consommateur. Sur RMC, Michel-Edouard Leclerc a ainsi confirmé que sa chaîne d'hyper et de supermarchés n'en avait "pas beaucoup sous le pied pour baisser nos marges, on gagne que 1 à 2 centimes par litre".

Le dirigeant plaide pour une baisse des taxes: "Si l'Etat baissait ses taxes (sur l'essence et le gazole), on suivrait. Je suis prêt à aider l'État pour baisser les taxes. C'est bien sûr à eux de commencer". C'est donc un peu le serpent qui se mord la queue...

Les marges nettes de la grande distribution sont les plus basses, comprises entre 0,2 et 1 centime. Suivent les réseaux des stations des pétroliers qui sont elles entre 0,7 et 1,5 centime au litre. Enfin ce sont les indépendants qui sont les plus gourmands avec des marges comprises entre 0,8 et 2 centimes le litre.

C'est donc en grande distribution que ces marges sont les plus basses. Or, ce sont bien elles qui réalisent la majorité des ventes de carburant dans l'Hexagone.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business