BFM Business
Economie

Baisser les marges des stations-service peut-il faire baisser le prix des carburants?

Alors que la ministre de la Transition écologique espère un coup de pouce des distributeurs pour faire baisser les prix de l'essence, ces derniers assurent ne disposer que d'une marge insignifiante.

"Je demande aux distributeurs de faire un geste dans cette période difficile en réduisant leurs marges." Alors que le prix du carburant flambe à la pompe, Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique a appelé ce mardi à l'Assemblée la distribution à réduire ses marges.

La distribution de carburant est assurée en France par les stations-service des pétroliers et des indépendants (5800 en France en 2020 selon le CNPA) et celles de la grande distribution (5300 en 2020).

Alors que selon son porte-parole Gabriel Attal, le gouvernement "travaille à des mesures de protection" qui pourraient prendre la forme d'un "chèque carburant" pour les automobilistes les plus modestes, Michel-Edouard Leclerc a assuré ce matin sur RMC qu'il était prêt lui aussi à faire un geste.

"Je suis prêt à aider l'Etat à baisser les taxes en accompagnant son mouvement mais c'est à l'Etat de commencer", a fait savoir le patron de l'enseigne grande spécialiste des opérations "carburant à prix coûtant".

Les distributeurs ne disposent cependant que d'un seul moyen pour faire baisser les prix du carburant: réduire leurs marges. C'est ce que souhaite Barbara Pompili.

Mais cette marge est-elle réellement aussi importante? Si la distribution, le stockage et le transport représentent 15% du prix du carburant selon l'Union française des industries pétrolières (UFIP), soit 23 centimes au tarif actuel du gazole, il ne s'agit pas de la marge bénéficiaire.

Cette dernière ne serait, selon Michel-Edouard Leclerc, que de un à deux centimes sur le litre de carburant. Autrement dit le litre de gazole qui a battu un record la semaine dernière à 1,5354 passerait dont à 1,51 euro au mieux si le distributeur supprimait ses marges. Quasiment invisible pour l'automobiliste.

Entre 0,5 et 2 centimes par litre

Un niveau de marge qui est cependant discuté et remis en cause par des associations de consommateurs. En 2018, alors que le prix carburant était déjà haut, l'association CLCV estimait entre 10 et 12 centimes cette marge de la distribution sur le litre de carburant.

Des chiffres que les professionnels du secteur jugent "farfelus".

"La marge de la distribution est comprise entre 0,5 et 2 centimes par litre, assure Francis Pousse, le président de la branche carburant du conseil national des professions de l’automobile CNPA. Une enquête de l'Inspection générale des finances de 2012 l'avait d'ailleurs confirmé."

Dans cette note de synthèse sur les prix, les marges et la consommation des carburants, l'Inspection des finances avait établi les bénéfices réalisés par les différents réseaux de distribution.

Les marges nettes de la grande distribution sont les plus basses, comprises entre 0,2 et 1 centime. Suivent les réseaux des stations des pétroliers qui sont elles entre 0,7 et 1,5 centime au litre. Enfin ce sont les indépendants qui sont les plus gourmands avec des marges comprises entre 0,8 et 2 centimes le litre.

C'est donc en grande distribution que ces marges sont les plus basses. Ce sont elles qui réalisent la majorité des ventes de carburant dans l'Hexagone. Selon l'UFIP, la part de marché des stations de grande distribution était de 63% en 2020 (en hausse de 0,4 point) contre 37% pour les autres.

Si ces marges étaient basses à l'époque, ont-elles pour autant augmenté ces 10 dernières années?

"Non, nous ne sommes pas dans une tendance de hausse, assure Francis Pousse. Les marges sont fixées tous les 3 à 5 ans dans les contrats avec les pétroliers. Nous avons en France le marché du carburant le plus concurrentiel d'Europe avec un poids très fort de la grande distribution qui a les marges les plus faibles. Hors-taxe, le carburant français est même le moins cher d'Europe."

"Une opération commerciale"

Les opérations "carburant à prix coûtant" ne redonnent donc quasiment aucun pouvoir d'achat aux automobilistes. Sur un plein de gazole d'un réservoir de 50 litres, le gain ne dépasserait pas un euro.

"Le "prix coûtant" c'est du marketing pour la grande distribution, estime Francis Pousse. Le but c'est de générer du trafic en magasin. Sur une station qui fait 1000 véhicules par jour, vous allez en faire venir 200 de plus et vous pouvez estimer que 15% iront dans le magasin faire leur course."

La grande distribution ne s'en cache d'ailleurs pas.

En juillet dernier, lors d'une opération "prix coûtant", Michel-Edouard Leclerc reconnaissait sur Twitter qu'il s'agissait "d'une opération commerciale".

"On assume ! Pour beaucoup de Français, le transport coûte beaucoup trop cher", estimait le patron des centres Leclerc.

En attendant le reflux des prix de l'énergie que le FMI envisage d'ici la fin du premier trimestre 2022, les Français devront espérer d'autres coups de pouce que la réduction des marges des distributeurs pour adoucir leur facture d'essence.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco