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Pénurie d'huile de tournesol: la composition de certains produits alimentaires va changer

Face à la pénurie d'huile de tournesol, les industriels souhaitent pouvoir changer la composition des produits sans modifier les emballages.

Chips, sardines, pâtes à tarte, sauces, poissons panés, vinaigrettes, plats cuisinés, frites, petits pots pour bébé, nuggets, gâteaux, biscuits, cordons-bleus… Dans les rayons des supermarchés, la liste des produits qui contiennent de l'huile de tournesol est longue. Or, elle pourrait bientôt manquer en raison de la guerre en Ukraine: le pays représente 50% des exportations mondiales d'huile de tournesol. Un sujet épineux pour les industriels, qui craignent que les approvisionnements ne soient plus assurés.

Si les contrats devraient être honorés dans les prochaines semaines, ils s'inquiètent pour la suite: le conflit perturbe les semis du tournesol. Les surfaces qui lui sont allouées pourraient être réduites de moitié, divisant d'autant la récolte à l'été. Et pour ce qui sera récolté, il faudra réussir à le faire sortir d'un pays dont les infrastructures ont été détruites en grande partie. La France produit bien sa propre huile de tournesol, mais les volumes ne sont pas suffisants pour contenter tout le monde.

Pour éviter de paralyser les lignes de production, les fabricants de produits alimentaires prennent les devants: la part de l'huile de tournesol pourrait diminuer dans la composition de certains produits, voire disparaître complètement, dans les mois qui viennent. Une situation inédite. "Je n'ai pas le souvenir d'avoir observé des changements aussi brutaux et imprévisibles par le passé", remarque Jérôme Foucault, président de l'Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (Adepale).

Palme, colza, coprah

L'huile de colza et l'huile de palme, qui forment avec le tournesol le trio de tête de l'agroalimentaire, pourraient jouer le rôle de remplaçantes - de même pour la graisse de coprah, issue de la noix de coco, dans une moindre mesure. Mais cette transition, même provisoire, nécessite des études et des adaptations techniques coûteuses pour les entreprises. Changer d'huile, cela requiert une température de cuisson différente, modifie la texture du produit et, surtout, peut changer son goût.

Au-delà du goût, c'est la question de l'information au consommateur qui se pose. Certains clients rechignent à acheter de l'huile de palme, sont attentifs à l'origine des ingrédients ou évitent certaines huiles en raison d'allergies. Face à l'épuisement des stocks de tournesol, ces changements de recettes vont intervenir rapidement: impossible pourtant de remplacer les paquets à la dernière minute pour mettre à jour la composition des produits. D'autant que le marché des emballages est, lui aussi, en tension.

"On ne peut pas changer le packaging du jour au lendemain, il faut des mois pour le faire, et ce n'est pas possible d'apposer des stickers manuellement sur tous les paquets", rétorque Bertrand Ouillon, délégué général du Groupement interprofessionnel pour la valorisation de la pomme de terre (GIPT), qui rassemble producteurs et transformateurs. "Surtout, on ne peut pas le faire parce qu'on ne sait pas quoi indiquer dessus pour le moment" en raison de l'incertitude de la situation.

Des négociations en cours

Des discussions se tiennent actuellement entre les industriels, les associations de consommateurs et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour obtenir des dérogations provisoires, qui autoriseraient les fabricants à modifier la composition des produits sans changer les étiquettes. "Il faut s'adapter à l'urgence de la situation" mais le faire "en toute transparence" auprès du consommateur, assure Jérôme Foucault.

Un portail sur le site web de la DGCCRF recensant les produits dont la composition a été modifiée, déjà utilisé pendant le premier confinement, pourrait être réactivé et rendu accessible au grand public. En complément, des affichettes seraient installées dans les rayons des magasins à proximité des produits concernés pour informer les clients. Toutes ces mesures sont encore en cours de négociation mais les fabricants seraient en bonne voie pour obtenir gain de cause.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV