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Listeria, E.coli, salmonelles… Que risquent les industriels qui mettent ces produits sur le marché?

Tout producteur est responsable des produits qu'il met sur le marché. Dans certains cas, la responsabilité des chefs d'entreprises peut même être engagée.

En l'espace d'une semaine, plusieurs produits alimentaires ont été retirés des rayons des supermarchés à cause de contaminations bactériennes. Présence de souche dangereuse d'E.coli dans des pizzas Buitoni, rappel de produits Kinder après la découverte de cas de salmonellose, suspicion de contamination à la listeria dans des fromages de la marque Graindorge (groupe Lactalis)...

La sécurité alimentaire en Europe n'ayant jamais été aussi forte, il s'agit surtout d'un malheureux hasard du calendrier. Les rappels de produits sont réguliers et la plupart passent inaperçus. Mais la temporalité et le nombre de cas fait polémique. Concernant les pizzas Buitoni, sur 50 cas de contamination à E.coli ayant entraîné un syndrome hémolytique et urémique (SHU), 48 étaient des enfants et deux sont décédés.

Mais que risquent ces industriels qui mettent ces produits contaminés sur le marché? Tout dépend s'ils ont respecté le protocole. "C'est un sujet répandu et fréquent. Aujourd'hui, les entreprises sont organisées et rigoureuses quand se pose une question de défectuosité de leurs produits", assure Philippe Métais, avocat-associé du département Contentieux Commercial de BCLP (Bryan Cave Leighton Paisner).

Un volet administratif

Les industriels de l'agroalimentaire ont l'obligation d'effectuer des autocontrôles réguliers sur leur matériel, les matières premières et les produits finis. Malgré tout, il arrive que des contaminations soient détectées. Dans ce cas, le producteur doit immédiatement procéder au rappel des produits, en avertir l'administration, les distributeurs et les consommateurs.

"Une enquête peut être ouverte. L'administration et éventuellement la police judiciaire vont alors vérifier que toute la procédure a bien été respectée", explique maître Philippe Métais.

En cas de non-respect, des mesures correctives sont ordonnées. "Une fermeture d'usine peut aussi être décidée, comme ce fut le cas pour celle de Buitoni car les normes d'hygiène n'ont pas été respectées", ajoute Philippe Métais.

L'affaire peut bien sûr aller plus loin car la Direction générale de la santé (DGS) et la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), qui effectuent des contrôles, ont des pouvoirs de police.

"Après rapport soumis au procureur, celui-ci peut décider, ou pas, de poursuivre l'entreprise. Il y a toute une gamme d'infractions possibles: blessures volontaires, mise en danger de la vie d'autrui, tromperie aggravée...", explique maître Philippe Métais.

Une perquisition a d'ailleurs été ordonnée mercredi par la gendarmerie dans l'usine de Buitoni où étaient fabriquées les pizzas Buitoni, sous la responsabilité du parquet de Paris qui a ouvert une enquête.

Une responsabilité personnelle des dirigeants

La responsabilité pénale de l'entreprise peut être engagée, tout comme celle du chef d'entreprise. Dans l'affaire des steaks hachés contaminés à E.coli, vendus chez Lidl en 2003, le responsable qualité de la société SEB, qui fabriquaient ces produits, et son gérant, ont été poursuivis.

Le gérant fut condamné à 3 ans d’emprisonnement, dont 1 an avec sursis, et à 50.000 euros d'amende pour "blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité". L'enquête avait révélé qu'il préférait ne pas faire de contrôle spécifique à la dangereuse bactérie E.coli dans son usine, jugé trop cher par rapport à celui détectant la bactérie générique E.coli.

Sa responsabilité personnelle fut donc engagée. Il a également été condamné à indemniser l’ensemble des parties civiles pour un montant de plus de 800.000 euros en dommages et intérêts, car les victimes ont droit à la réparation intégrale du préjudice.

Ces condamnations sont rares. L'affaire du lait contaminé aux salmonelles de Lactalis survenue en 2018 n'est toujours pas passée devant les tribunaux. Depuis la garde à vue du PDG de l'entreprise et de quinze de ses collaborateurs, en décembre 2019, aucune mise en examen n'a été ordonnée. Les victimes attendent toujours un jugement.

https://twitter.com/Pauline_Dum Pauline Dumonteil Journaliste BFM Tech