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Régulation

Pourquoi le procès entre Ripple et la SEC va bouleverser l'industrie des cryptomonnaies

L'issue du procès qui oppose depuis 2020 la société crypto et le gendarme boursier américain touche à sa fin.

C’est un procès dont l’issue fera date dans l’univers des cryptomonnaies. D’ici peu, on connaîtra le dénouement de l’affaire opposant depuis décembre 2020 la société crypto Ripple et le gendarme boursier américain, la SEC.

De fait, la SEC a assigné en justice Ripple, lui reprochant d’avoir mené une offre de titres non enregistrés de 1,3 milliard de dollars avec sa cryptomonnaie native, l’XRP. La SEC considère que Ripple a vendu des XRP à des investisseurs sans avoir enregistré cette cryptomonnaie en tant que valeur mobilière ("security") ou titre financier, tombant sous son contrôle.

Depuis cette assignation en justice, Ripple défend que sa cryptomonnaie n’est pas une valeur mobilière, mais une monnaie numérique qui facilite les paiements transfrontaliers.

Flou juridique

Tout l’enjeu du procès, en cours devant le tribunal du district sud de New York, est de déterminer si l'XRP est une "security" ou non. Pour qualifier une cryptomonnaie de "security", la SEC fait référence à une décision de la Cour suprême dans l'affaire SEC v. W.J. Howey Co de 1946, qui a aboutit au "Howey Test".

Selon ce test, un titre financier doit répondre à une définition précise, celle d’un "contrat, d’une transaction ou d’un système par lequel une personne investit sont argent dans une entreprise commune, et s’attend à en retirer des bénéfices uniquement grâce aux efforts du promoteur ou d’un tiers".

En l'absence d'une règlementation établie par le Congrès américain à l'égard des cryptos, la SEC applique ce test qu'elle fait pour les titres financiers aux cryptomonnaies pour savoir si elles tombent ou non sous son contrôle. Jusqu'à présent, l'autorité a qualifié 61 cryptomonnaies de "securities", sur les 20.000 en circulation. Le bitcoin et l'ether échappent à ce jour à une telle qualification.

L'XRP, une crypto particulière

Mais la question de l’XRP n’a toujours pas été tranchée, et l'attente de la communauté crypto commence à se faire sentir car il ne s'agit pas d'une simple cryptomonnaie, ni même d'une simple affaire.

Fondée en 2012, le cours de XRP a tangué à la hausse comme à la baisse, en fonction des avancées de la procédure. La cryptomonnaie a vu son cours chuter depuis le début du procès, ne revenant jamais à son pic historique en 2018. Aujourd’hui, elle reste pourtant la sixième cryptomonnaie la plus capitalisée du marché, avec 24 milliards de dollars de capitalisation au compteur. Le verdict du procès pourrait provoquer de nouvelles fortes variations à la hausse comme à la baisse pour ce jeton.

Depuis le début du procès, Ripple a dépensé plus de 200 millions de dollars pour se défendre, en montrant certaines incohérences du discours de la SEC à l'égard du secteur crypto. Dans une vidéo postée le 16 juin, le patron de Ripple est revenu à l'attaque.

"C'est vraiment la première fois que la SEC a été forcée d'être transparente quant à son manque de cohérence interne ou d'application fidèle de la loi, reconnaissant qu'elle n'a peut-être pas la compétence pour combler la 'lacune réglementaire' sur la cryptographie", a déclaré ce dernier.

Le patron de Ripple fait référence à un discours de 2018 de l'ancien commissaire William Hinman de la SEC, qui a fuité au mois de juin, montrant les contradictions du responsable sur la qualification de certaines cryptomonnaies, dont l'ether. C'est dans cette même vidéo que le patron de Ripple a indiqué que le procès l'opposant à la SEC touchait à sa fin, sans pour autant donner une date précise.

Deux scénarios

L’issue du procès va bien au-delà du cas isolé entre les deux parties. Selon de nombreux experts, le verdict pourrait clarifier le vide règlementaire aux Etats-Unis à l'égard du secteur. Ainsi, si l'XRP venait à être qualifié de "security", cela ouvrirait un boulevard à la SEC, qui pourrait élargir cette qualification à l'égard de beaucoup d'autres cryptomonnaies (bien plus que 61) et viser encore plus de géants des cryptomonnaies, après Kraken, Bittrex, et plus récemment Coinbase et Binance. Une telle décision pourrait de nouveau destabiliser l'industrie des cryptomonnaies, déjà bien affaiblie par différents scandales, de Terra Luna en passant par FTX.

A l’inverse, une décision en faveur de Ripple pourrait entériner le fait que la SEC n’a pas d’autorité sur le secteur des cryptomonnaies, malgré ces nombreuses attaques. Un tel scénario donnerait du répit aux sociétés cryptos avant que la nouvelle administration américaine, élue en 2024, s'attèle à réguler plus clairement ce secteur.

Pour rappel, jusqu’à présent le Congrès américain n’a pas adopté de cadre précis qualifiant les cryptomonnaies, soient en tant que security ou marchandises. En effet, alors que l'Europe mettra en application sa règlementation du secteur crypto d'ici 2024, différentes autorités américaines (CFTC, SEC...) se tirent dans les pattes pour savoir laquelle aura le contrôle sur le secteur. Le procès entre Ripple et la SEC fera donc date dans l'industrie crypto.

Pauline Armandet