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Régulation

Après le crypto-krach, la BCE publie une note très critique sur le secteur

Dans cette note, la Banque centrale européenne, qui voit le secteur monter en puissance, pointe les risques pour la stabilité financière.

Après les propos de Christine Lagarde, la patronne de la Banque centrale européenne (BCE) qui considère que les cryptomonnaies "ne valent rien", l'institution a publié une note ce mardi très critique vis-à-vis du secteur.

La note, intitulée "décrypter les risques pour la stabilité financière sur les marchés de crypto-actifs", donne clairement le ton. Si la BCE adopte depuis le départ un regard critique vis-à-vis du secteur, la tempête récente sur le marché des cryptomonnaies lui permet d'affirmer son point de vue.

"Les risques que les crypto-actifs font peser sur la stabilité financière de la zone euro ont été considérés comme limités dans le passé", considère la BCE. Cette dernière compare notamment le marché des cryptomonnaies qui pèse 1.263 milliard de dollars de capitalisation - soit seulement 1 % du marché financier traditionnel - à celui des marchés des prêts hypothécaires à risque titrisés (les subprimes) "qui ont déclenché la crise financière mondiale de 2007-2008".

"La nature et la taille des marchés de crypto-actifs évoluent rapidement et, si les tendances actuelles se poursuivent, les crypto-actifs présenteront des risques pour la stabilité financière. Si l'interconnexion entre les crypto-actifs non adossés et le secteur financier traditionnel s'est considérablement développée, les interconnexions et autres canaux de contagion sont jusqu'à présent restés suffisamment faibles", considère la BCE.

Pour étayer son point de vue, elle fait notamment référence à l'épisode de la blockchain Terra, qui a vu son stablecoin le terra usd (UST) s'effondrer, bouleversant dans son ensemble le marché des stablecoins. Pour la BCE, c'est clair: les stablecoins UST et l'USDT de Tether ont montré qu'ils n'étaient pas "aussi stables que leur nom le suggère".

Deux services dans le viseur de la BCE

L'institution se veut notamment très critique vis-à-vis de deux domaines: les plateformes qui permettent aux investisseurs de réaliser des effets de levier records, et celles qui proposent des prêts dans la finance décentralisée.

"Certaines plateformes d'échanges de cryptomonnaies offrent des moyens d'augmenter les expositions jusqu'à 125 fois l'investissement initial. Cependant, les volumes totaux de contrats à effet de levier sur les marchés des crypto-actifs et la mesure dans laquelle l'effet de levier est effectivement utilisé sur ces plateformes de négociation ne sont généralement pas signalés. De plus, certains investisseurs utilisent des fonds empruntés pour acheter leur exposition (margin trading), augmentant ainsi les risques pour la stabilité financière".

L'institution cite à cet égard certains acteurs proposant ce type de services, comme le géant Binance, Bibyt ou encore FTX.

Par ailleurs, la BCE fait référence à l'univers de la finance décentralisée (DeFi), qui voit émerger de nombreux protocoles proposant des services de prêts aux particuliers et investisseurs, à l'instar du protocole Anchor de la blockchain Terra.

Selon les données de DeFi Llama, la valeur totale verrouillée (TVL, qui correspond aux fonds bloqués dans divers protocoles en échange du versement d'intérêts) sur l'ensemble des protocoles DeFi s’élève à ce jour à 144 milliards de dollars, contre 261 milliards de dollars le 5 mai dernier. Malgré cette chute, le marché de la DeFi reste en pleine expansion si on regarde sur une plus longue période. Ainsi, ce montant de TVL global était de seulement 1,14 milliard le 23 mai 2020.

"Les plateformes DeFi qui imitent les services financiers traditionnels feraient bien de s'assurer qu'elles se conforment à la réglementation financière européenne existante avant d'offrir leurs services aux clients de l'UE afin d'éviter le risque d'une quelconque action en justice", souligne l’institution.

La BCE fait notamment référence à une amende de 100 millions inflingée par la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme financier américain, à la plateforme BlockFi qui n'avait pas déclaré son service de prêts.

Dans ce contexte, la BCE considère que la règlementation européenne, actuellement en cours de négociations à Bruxelles et qui inquiète les acteurs cryptos, doit aller plus vite. "Le règlement MiCA ("Markets in Crypto-Assets", NDLR) devrait être approuvé d'urgence par les colégislateurs afin de garantir son application dans les meilleurs délais".

Pauline Armandet