BFM Crypto
Crypto

"J’ai perdu de l’argent, mais j’ai surtout appris": ces Français face à la chute des cryptos

Comment les Français ont-ils vécu la tempête des cryptomonnaies de la semaine dernière? BFM Crypto a recueilli plusieurs témoignages de ces investisseurs particuliers qui sont tombés dans le bain des cryptomonnaies.

Selon une étude récente de l’Association pour le développement des actifs numériques (Adan), 8% des Français détiennent des cryptomonnaies et 30% comptaient investir dans ces actifs en 2022.

La semaine dernière, ceux qui ont déjà misé sur les cryptos ont vécu en direct la chute de ces actifs, avec comme point de départ le bitcoin qui est brièvement passé sous la barre des 30.000 dollars, entraînant dans sa chute l’ensemble des cryptomonnaies, dont la luna comme vous l'a expliqué BFM Crypto ici.

En quelques jours, la cryptomonnaie luna a perdu jusqu’à 99,97% de sa valeur, se retrouvant à 0,00005 dollar. Le cours a depuis légèrement remonté la pente, à 0,00017 dollars. Reste qu'en l'espace d’un mois, cette cryptomonnaie qui figurait dans le top 20 des cryptomonnaies en termes de capitalisation, avec l'équivalent de 40 milliards de dollars en circulation, ne pèse aujourd’hui qu'environ un milliard de dollars Une telle plongée de certaines cryptomonnaies, beaucoup de personnes ne s'y attendaient pas et n'y étaient préparées.

"Déçu mais pas abattu"

Charles, un aide à domicile pour les personnes handicapées âgé de 35 ans, a perdu 50% de ses jetons de la blockchain Cosmos à la suite de la plongée de la cryptomonnaie luna.

“J’étais à 11.000 dollars et je suis à 4000 dollars pour l’instant. Mais je continue à y croire: l’ancien fondateur de Cosmos, Jae Kwon, est sur un projet de contrat intelligent, qui permettra de faire une transaction qui pourra être réversible. Est-ce que j’ai confiance en quelque chose de manière irrationnelle? En tout cas, j’y crois”, confie ce dernier.

En juillet dernier, lui et sa compagne, qui vivent dans la région Haute-Garonne, ont vendu leur camping-car 29.500 euros afin de se constituer de l’épargne pour construire leur maison. Ils ont placé 40% du montant dans des actions, et 60%, soit 17.170 euros, dans les cryptomonnaies, notamment en bitcoin, ether, et dans la cryptomonnaie atom de l’écosystème Cosmos.

Aujourd’hui, après la tempête des cryptomonnaies, ce dernier se sent déçu, mais pas abattu. “Il faut toujours investir de l’argent qu’on est prêt à perdre”, estime Charles, qui gagne 2700 euros par mois avec sa compagne.

“Je ne suis pas abattu. Je suis déçu mais je vois le futur là-dedans, j’ai bon espoir. Je suis rentré en juillet 2021, j’ai vu la montée des cryptomonnaies mais comme je n’ai rien vendu je suis largement perdant. Surtout car je ne suis pas très connaisseur”, admet-il.

En quelques jours, Charles a donc perdu 7000 euros en valeur. Et depuis qu'il est arrivé sur le marché, ses pertes sont de l'ordre de 8000 euros (en comptant la chute des derniers jours).

“Je voulais justement vendre des cryptomonnaies pour finir la construction de la maison d’ici à début juillet, mais là le marché est très bas. Pour l’instant je n’ai pas envie de toucher à mes cryptomonnaies, donc j’ai vendu mon scooter 2700 euros pour payer une partie des travaux. Même avec la vente du scooter, ça ne sera pas suffisant, je vais devoir sortir environ 3000 euros de mon portefeuille Kepler d’ici début juillet pour finir de payer les travaux de la maison”, regrette-t-il.

Ce qui est certain, c’est qu’il continue d’y croire: il a même placé l’équivalent de 500 euros en bitcoins dans deux portefeuilles numériques (wallets) pour ses deux enfants de deux ans et deux mois et demi. “On verra bien ce que ça donne d’ici-là”, glisse-t-il.

"J'ai beaucoup appris sur la gestion des risques"

De son côté, Etienne, un jeune homme âgé de 34 ans et travaillant dans le sport, s’estime heureux d’avoir revendu une partie de ses cryptomonnaies luna, avant sa plongée. Il détenait 225 lunas et en avait vendu il y a un mois, lorsque la cryptomonnaie valait 100 dollars, gagnant 12.500 dollars à l’époque.

Aujourd’hui, les 100 luna restant sur son wallet ne valent plus rien: alors que son portefeuille affichait 10.000 dollars il y a un mois, il l’a vu fondre jusqu’à 0,017 dollar aujourd’hui.

“J’ai perdu un peu d’argent sur luna, sur laquelle j’avais réalisé de beaux gains aussi. Cela aurait été largement dévastateur pour moi si c’était intervenu un mois avant. J’ai surtout beaucoup appris sur la gestion des risques”, admet ce dernier. “Je suis et serai un peu plus prudent avec cet évènement, c’est certain. J’ai perdu de l’argent, mais j’ai surtout appris", ajoute-t-il.

A la suite de cet épisode, ce dernier a décidé de recentrer ses investissements dans le bitcoin et l’ether, des cryptomonnaies qui ont “mieux résisté à la crise” selon lui.

Depuis son arrivée sur le marché des cryptomonnaies en 2018, Etienne a réalisé des gains de 20.000 euros en bitcoin, de 70.000 euros en ether ou encore de 60.000 euros avec la cryptomonnaie chiliz. Certains utilisateurs ont d’ailleurs profité de la chute du bitcoin sous la barre des 30.000 dollars pour rentrer sur le marché, voyant une opportunité de rentrer sur un marché de manière plus sereine.

Si Etienne estime avoir sauvé les meubles sur l’épisode luna, d’autres n’ont pas eu cette chance. Les utilisateurs qui ont investi des dizaines de milliers d'euros, voire plus dans cette cryptomonnaie, se retrouvent aujourd'hui dans des situations de détresse et de panique, comme en témoignent les nombreux messages sur la plateforme Reddit.

"J'ai vu mon portefeuille réduit de moitié"

De son côté, Nicolas, chargé de communication, est arrivé sur le marché des cryptomonnaies en octobre 2021 en mettant 100 euros au départ, par curiosité.

“Je me suis dit que j’allais investir de l’argent que j’étais prêt à perdre. J’ai mis 100 euros de plus pour arriver à 200 euros, puis au fur et à mesure, je suis arrivé à 250 euros, j’avais fait une plus-value de quelques euros. Mais la semaine dernière, avec le krach des cryptos, mon portefeuille a été divisé de moitié", admet ce dernier. “A l’inverse de mes proches qui décident désormais de mettre leur épargne du Livret A ou une partie de leur intéressement ou de leur participation dans les cryptomonnaies, je préfère rester prudent sur les montants. La semaine dernière, j’ai effectivement vu mon portefeuille être réduit de moitié, mais je continue à avoir confiance dans ce marché.”, ajoute-t-il.

Face à l’effondrement de la cryptomonnaie luna, ce dernier admet préférer miser sur des cryptomonnaies plus connues, comme le bitcoin et l’ether, bien qu’il soit aussi tenté par des cryptomonnaies au départ totalement inconnues.

“En général j’observe leur cours sur un mois, six mois ou un an. Je me dis qu’il peut toujours y avoir un gain potentiel à un moment donné ou à un autre. C’est un peu comme au casino. J’ai tout à fait conscience que mon portefeuille peut s’envoler”, admet ce dernier. Ce qui le surprend, surtout, c’est la sensibilité des cryptomonnaies à l’actualité. “J’ai été surpris lorsque le marché des cryptomonnaies a réagi à l’annonce de la guerre en Ukraine. De même, il suffit qu’Elon Musk fasse un tweet sur une cryptomonnaie pour que mon investissement de 10 euros soit multiplié par 1000.”

Mais face à cette crise inédite, les plus convaincus ne voient pas leurs motivations remises en cause. C’est notamment le cas de cet investisseur ayant pris pour pseudo Hardisk, à la tête d’une entreprise de production vidéo.

“C'est le signe d'un écosystème vivant qui se construit, dont certains acteurs brûlent et d'autres réussissent. On ne voit pas quelque chose de bien différent de la bulle Internet des années 2000. Il existe aujourd'hui trop de blockchains d'infrastructure: certaines vont mourir, c'est comme ça. Comme ma position fondamentale est de croire avant tout au bitcoin et d'utiliser le reste pour m'amuser et tester des concepts nouveaux en économie, je n'ai aucune inquiétude” tempère-t-il.

Auprès de BFM Crypto, il affirme rapatrier ses positions les plus risquées vers le désormais traditionnel bitcoin, tout en jouant sur les contrats future pour anticiper des prochains mouvements de marché. Avec pour but de réinjecter ses gains dans les cryptomonnaies.

Raphaël Grably et Pauline Armandet