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Régulation

L'industrie des cryptomonnaies alerte sur les projets de réglementation du secteur

Alors que des négociations se joueront la semaine prochaine, des acteurs du secteur crypto ont envoyé une lettre aux 27 ministres des Finances de l'Union européenne.

L'industrie des cryptomonnaies tire la sonnette d'alarme. Alors que le 28 avril un nouveau débat s'engagera en Europe pour réglementer les cryptomonnaies, des acteurs du secteur crypto ont envoyé une lettre mercredi aux 27 ministres des Finances de l'Union européenne. BFM crypto a pu avoir accès à cette lettre. L'information a d'abord été révélée par le média spécialisé The Big Whale.

"Au nom de la communauté internationale Web 3 et des entreprises de toute l'Europe, nous souhaitons vous faire part de notre inquiétude concernant les propositions de lois européennes qui menacent la vie privée des individus ainsi que l'innovation numérique, la croissance et la création d'emplois en Europe", précisent les auteurs de la lettre, écrite par le patron de Ledger, Pascal Gauthier, et co-signée par le reste du secteur.

Fin mars, le Parlement européen a voté en faveur du règlement Mica (pour "Market in Crypto Assets") qui vise à encadrer les cryptomonnaies et devrait rentrer en vigueur d'ici la fin de l'année. Mais un autre sujet s'apprête à être discuté le 28 avril entre les décideurs européens. Il s'agit de la directive TFR (pour "Transfer of Funds Regulation") qui vise à lutter contre le blanchiment d’argent sur les transferts de fonds. Il y a quelques semaines, les députés européens ont rajouté le secteur des cryptomonnaies dans cette directive qui date de 2015. Si cette révision de la directive venait à être adoptée, elle permettrait notamment de surveiller toutes les transactions en cryptomonnaies effectuées par des entités régulées.

Dans sa lettre, si l'industrie des cryptomonnaies salue les "efforts" de l’Union européenne dans le domaine du web 3, à l’instar de Mica et du TFR, elle s'inquiète néanmoins des récents débats sur TFR.

Plus de 40 acteurs français signataires

"Les propositions du Parlement européen, en conduisant à la divulgation publique de toutes les transactions et des adresses des portefeuilles d'actifs numériques, mettront en danger tous les propriétaires d'actifs numériques. Ces propositions, si elles sont adoptées, rendront web 3 excessivement contraignant pour les citoyens européens et entraveront l'adoption et le développement de ce segment naissant mais à forte croissance de notre économie", souligne la lettre.

Les auteurs de la lettre ont fait des propositions ciblées aux décideurs politiques. Parmi les propositions, figure celle de ne pas dépasser les recommandations de la directive "Travel Rule" du Groupe d’Action Financière (GAFI) en matière d'enregistrement et de vérification des Crypto Asset Services Providers ("CASP") (NDRL: telles que les plateformes d'échanges de cryptomonnaies du type Binance, Coinbase ou encore Coinhouse) "afin de préserver la vie privée des citoyens européens, d'assurer des conditions de concurrence équitables pour les entreprises européennes et de maintenir la compétitivité mondiale de l'UE".

Selon un membre de Legder contacté par BFM crypto, les recommendations 15 et 16 du GAFI sont considérées comme poussées à l'extrême, à l'instar des mesures AML (Anti Money Laudering) et KYC (pour "Know Your Customer" ou "connaître son client", un système pour vérifier l'identité d'un client, NDLR) dès le premier euros. De même, il est demandé à des utilisateurs de unhosted wallets (portefeuille électroniques dont l'utilisateur contrôle les clés privées) et au CASP qui acceptent ces clients de se conformer à des mesures considérées comme impossibles à mettre en place, puisque personne ne peut tracer les transactions d’un unhosted wallet.

Les auteurs suggèrent aussi de permettre la croissance des technologies décentralisées en Europe "en veillant à ce que les protocoles et entités décentralisés soient exemptés de l'organisation et de l'enregistrement des entités juridiques". Les auteurs craignent notamment que la règulation européenne interdise ces technologies décentralisées. Ils proposent également de "veiller à ce que l'UE applique les mêmes normes aux crypto-actifs que celles qui s'appliqueraient autrement en vertu des orientations du GAFI, plutôt que d'imposer de nouvelles règles spécifiques à la technologie, comme des seuils différents pour les transferts".

46 acteurs français et européens de l'industrie des cryptomonnaies ont signé cette lettre, notamment des crypto sociétés françaises comme Kaiko ou encore StackinSat, mais également des associations qui représentent l'industrie comme l'Association pour le développement des actifs numériques (Adan).

Pauline Armandet