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Adoption de la loi pour "sécuriser" internet: quel impact sur les sociétés du web 3?

L'Assemblée nationale a adopté ce mardi son projet de loi de régulation de l'espace numérique. Les sociétés web 3 sont aussi concernées. BFM Crypto fait le point.

Mardi 17 octobre, l’Assemblée nationale a largement approuvé en première lecture le projet de loi de régulation de l'espace numérique (SREN), qui englobe de nombreux domaines, comme la lutte contre le cyberharcèlement ou les arnaques sur internet.

Une partie de ce projet de loi concerne aussi les sociétés du web 3. Plus précisément, le texte vise à autoriser, pour une durée expérimentale de 3 ans à partir de la promulgation de la loi, des entreprises de jeux à objet numériques monétisables (dits "Jonum"), à la frontière entre jeux vidéos et jeux d’argent.

Parmi les sociétés concernées, peuvent figurer des sociétés du web 3 proposant l'achat ou les échanges de NFT (jetons non fongibles), à l'instar de la licorne française Sorare, d'où le surnom de "loi Sorare" parfois associé au texte sur les Jonum.

"Sacrifice financier"

Les entreprises de Jonum sont définies par la loi comme des "jeux proposés par l’intermédiaire d’un service de communication au public en ligne qui permettent l’obtention, reposant sur un mécanisme faisant appel au hasard, par les joueurs majeurs ayant consenti un sacrifice financier, d’objets numériques monétisables, à l’exclusion de l’obtention de tout gain en monnaie ayant cours légal".

Plus précisément, sont qualifiés d'objets numériques monétisables, "les éléments de jeu qui confèrent aux seuls joueurs un ou plusieurs droits associés au jeu et qui sont susceptibles d’être cédés, directement ou indirectement, à titre onéreux à des tiers", précise le texte de loi.

Interdiction des mineurs

Plusieurs amendements ont été proposés à l'égard des Jonum. D'une part, les sociétés concernées seront encadrées par l’Autorité nationale des jeux (ANJ), qui supervise aujourd'hui les jeux vidéos et qui compte parmi ses priorités la protection des mineurs.

Les sociétés devront ainsi vérifier l'âge de leurs clients, dans le but d'empêcher les mineurs de participer à leurs services. De la même manière, le joueur ne pourra "retirer ses gains de la plateforme qu’après vérification de son identité". Ce dispositif de vérification d'identité a aussi pour but de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

"Les entreprises de Jonum s’assurent de l’intégrité, de la fiabilité et de la transparence des opérations de jeu et de la protection des mineurs. Elles veillent à interdire le jeu aux mineurs et à prévenir le jeu excessif ou pathologique, les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme", précise le projet de loi.

Clarifier l'activité des sociétés web 3

Enfin, les entreprises ne pourront pas réaliser de communication commerciale à l'égard des mineurs. Cela concernera notamment les influenceurs, qui ne pourront pas parler des entreprises encadrées par la loi, sur des plateformes en ligne ne pouvant pas exclure les mineurs, à l'instar de YouTube. Le projet de loi cite à cet égard la loi sur les influenceurs adoptée en juin 2023, qui concerne notamment les influenceurs cryptos et NFT.

Au final, le texte permet de clarifier l'activité de certaines sociétés web 3, alors que de nombreux questionnements ont émergé au cours des dernières années sur l'activité de certaines plateformes proposant l'échange de NFT. Pour rappel, en 2022, l’Autorité nationale des jeux (ANJ) avait adressé une mise en garde à Sorare, lui demandant de prouver qu'elle n'est pas une plateforme de paris sportifs déguisés. Quelques mois plus tard, la société avait trouvé un accord avec l'ANJ lui permettant de poursuivre son activité sans être régulée comme un jeu d'argent.

Crispation

La société Sorare a été au coeur des crispations lors des débats sur le projet de loi SREN. Le député FLI Aurélien Saintoul a accusé les députés de la majorité de créer un statut "taillé sur mesure" Sorare, "qu'il faut absolument cajoler parce que l'un de ses grands actionnaires se trouve être Xavier Niel". Le député Modem Philippe Latombe considère que le texte encadrant les Jonum pose un "problème de constitutionnalité" en raison d'une "rupture d'égalité" avec les casinos traditionnels, qu'ils soient en ligne ou physique.

Les Jonum "représentent une porte d'entrée sur le marché national pour les opérateurs de casinos en ligne illégaux qui prolifèrent ces dernières années", ont déclaré mi-septembre les syndicats professionnels des Casinos de France et de l'Association des Casinos Indépendants Français (ACIF), agacés de ne pas avoir été assez consultés dans le cadre du projet de loi.

Pauline Armandet