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Confirmant sa place de roi des stablecoins, l'USDT suscite pourtant de nombreux doutes

Face à la fin annoncée du BUSD, les investisseurs se ruent vers l'USDT de Tether. Pourtant, ce stablecoin a déjà perdu son ancrage face au dollar et les réserves de Tether sont souvent questionnées.

Depuis que la société Paxos a reçu l'ordre par le régulateur américain de ne plus émettre le stablecoin BUSD de Binance, les investisseurs migrent vers d'autres horizons. L'heureux gagnant est l'USDT de la société Tether, qui confirme sa place de leader des stablecoins. Alors que le régulateur américain porte un coup dur à l'écosystème des stablecoins, la société Tether, détenue par la société iFinex à Hong-Kong, semble peut atteignable par les autorités des Etats-Unis. Mardi, l'USDT a aussi profité d'une rumeur selon laquelle son concurrent, l'USDC de Circle, allait également être interdit, avant que la rumeur ne soit démentie par la société.

Pour rappel, trois stablecoins dominent le marché aujourd'hui: l'USDT de Tether qui pèse 69 milliards de dollars de capitalisation, l'USDC (41 milliards de dollars) de Circle et le BUSD de Binance (14 milliards de dollars), mais plus pour très longtemps. Depuis la fin annoncée du BUSD, la capitalisation de l'USDT a gagné un milliard de dollars, passant de 68 à 69 milliards de dollars. Aujourd'hui, le stablecoin représente 51% de l'ensemble du marché des stablecoins qui pèse 136 milliards de dollars. A l'inverse, le BUSD a vu sa capitalisation baisser de presque 2 milliards de dollars en l'espace de deux jours, passant de 16 à 14,7 milliards de dollars ce mercredi.

Les failles de l'USDT

Mais en confirmant sa place de roi du marché, l'USDT suscite aussi de nombreux doutes. Pour rappel, un stablecoin (ou cryptomonnaie stable) est un crypto-actif (ou actif numérique) qui est arrimé à une monnaie fidiciaire comme l'euro ou le dollar. Un stablecoin peut aussi être adossé à d'autres actifs (comme par l'exemple l'or). C'est ce qu'on appelle le sous-jacent du stablecoin.

Lorsque le cours du sous-jacent varie à la hausse ou à la baisse, la valeur du stablecoin doit s'aligner sur ce dernier. La promesse est de tenir en permanence la parité, par exemple 1 USDT = 1 dollar. Cet ancrage à une devise s'appelle aussi un "peg" ("arrimage" en anglais). Lorsqu'il y a un écart entre la valeur du sous-jacent et celle du stablecoin, on parle de "dé-peg" ou "perte de parité".

Lors du crypto-krach de mai dernier, l'USDT était tombé en dessous de son ancrage de 1:1 avec le dollar pour s'échanger à 0,97 dollar, créant des sueurs froides à ses détenteurs. Cette situation s'inscrivait dans un contexte de méfiance généralisée à l'égard des stablecoins, notamment à la suite de l'effondrement du stablecoin algorithmique terra usd (UST). De même, au moment de l'effondrement du géant FTX, l'USDT était tombé en dessous de son ancrage.

Comme tout stablecoin dit "classique" (à ne pas confondre avec ceux dits "algorithmiques"), Tether doit garantir d'avoir en réserve autant de dollars que de stablecoins en circulation. Ainsi, si un client veut vendre ses stablecoins contre des dollars, il est certain qu'il y a assez d'argent dans les caisses de Tether pour faire cette conversion. Il s'agit donc d'une parité basée sur le stock de "vraie" monnaie dont dispose l'émetteur de stablecoin.

Manque de transparence

Or, face à ces pertes d'ancrage de l'USDT, des doutes ont émergé sur les réserves de la société Tether, qui tente d'apaiser les craintes en publiant des résultats financiers records. Ainsi, la semaine dernière, Tether a indiqué avoir réalisé un bénéfice net de 700 millions de dollars au cours du trimestre de décembre, ajoutant ce montant à ses réserves.

"Les réserves de Tether restent extrêmement liquides, la majorité de ses investissements étant détenus en espèces, équivalents d'espèces et autres dépôts à court terme", a indiqué la société, précisant que "l'actif consolidé de Tether dépasse à nouveau son passif consolidé".

Malgré ces belles annonces, il est reproché à la société son manque de transparence vis-à-vis de ses fonds en réserve, bien que la société indique avoir été auditée par le cabinet indépendant BDO.

Par ailleurs, depuis le krach de mai dernier, Tether a sensiblement modifié ses réserves. Selon nos informations, à cette époque, ses réserves étaient notamment réparties à 52,41% d’obligations d’Etat, 36,68% de "commercial paper" (globalement des dettes commerciales de court terme des entreprises, NDLR) et seulement 6,36% de cash et dépôts en banque. "L'entreprise détenait auparavant une grande partie de ses actifs en billets de trésorerie, une forme de dette d'entreprise à court terme non garantie. Cela a fait craindre que les rachats massifs des investisseurs ne conduisent à une crise de liquidité", souligne CNBC.

Tether a indiqué avoir "entièrement supprimé les billets de trésorerie de son bilan, les remplaçant par des bons du Trésor américain". Au moment de l'écriture de ces lignes, ses réserves sont désormais constituées à 71,25 % en bons du Trésor américain, à 13% de cash ou encore à 13,39 % de fonds du marché monétaire. Malgré ces ajustements, il existe un autre problème de taille: si tout le monde voulait retirer ses dollars américains sur ce stablecoin, Tether aurait-elle suffisamment de cash pour rembourser ces 69 milliards de dollars de capitalisation? Difficile de le savoir.

"On pourrait être dans un scénario comme dans la crise de 1929, cela entacherait la confiance dans le tether mais aussi dans les crytomonnaies, car notamment le tether est beaucoup utilisé pour réaliser du trading ", avait déclaré Vincent Boy à BFM Crypto.

Pour ce dernier, si l'USDT perd trop souvent son ancrage face au dollar, "les particuliers et investisseurs n’ont plus moyen de se protéger de la volatilité, alors cela peut entraîner une chute plus forte des cryptomonnaies. Il s’agit d’une question de confiance générale sur le marché des cryptomonnaies".

Pauline Armandet