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TOUT COMPRENDRE - ZFE: ces millions de voitures bientôt (ou déjà) interdites de circuler dans les grandes villes

Les zones à faibles émissions (ZFE) se déploient un peu partout dans les grandes villes de France. A Paris par exemple, elle s'applique depuis 2015 mais ne fait encore l'objet d'aucune verbalisation. Un flou inquiétant sur un sujet de santé publique majeur et alors que des millions de véhicules sont concernés.

Ce sont trois lettres, assez méconnues du grand public, mais qui concernent pourtant de nombreux Français. "ZFE", l'acronyme de "Zone à faibles émissions", s'est en effet peu à peu imposé après l'utilisation d'autres termes, comme son équivalent anglais "LEZ" (low emission zone) ou "ZCR" (zone à circulation restreinte).

Et après Paris, qui a instauré la sienne en 2015, de nombreuses villes françaises vont mettre en place la leur d'ici 2025. Avec à la clé, l'interdiction pour des millions de véhicules de circuler dans ces zones.

• Pourquoi des ZFE?

L'objectif principal de la mise en place des ZFE reste d'améliorer la qualité de l'air, alors que la pollution serait à l'origine de près de 100.000 décès prématurés en France chaque année. Au niveau d'une région comme l'Auvergne-Rhône-Alpes, ce sont 4300 décès qui seraient imputables aux seules particules fines (PM2,5, particules dont le diamètre est inférieur à 2,5 micromètres).

Si la qualité de l’air s’est globalement améliorée sur la période 2000-2019, de nombreuses villes dépassent régulièrement les seuils fixés sur les 12 polluants réglementés, résume un bilan de la qualité de l'air extérieur publié en 2020 par le ministère de la Transition écologique.

Au-delà d'une question cruciale de santé publique, l'Etat français a d'ailleurs été condamné en 2021 pour inaction climatique et s'expose à des sanctions. La France n'est toutefois pas un cas isolé, avec au total 11 Etats membres qui sont concernés par des dépassements pour les PM10 (particules dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres), le NO2 (dioxyde d'azote) et l’O3 (ozone).

"En France, la première LEZ a vu le jour à Paris le 1er septembre 2015 pour les poids lourds, bus et autocars immatriculés depuis le 1er octobre 2001", rappelait une étude de l'Ademe publiée en 2018.

Le dispositif a rapidement été étendu à d'autres véhicules: les utilitaires légers et les voitures particulières, avec l'utilisation du système des vignettes Crit'Air.

Ces certificats qualité de l'air ont en effet deux cas d'usages principaux. Tout d'abord, en cas de pic de pollution, ils permettent de mettre en place la circulation différenciée, avec différentes vignettes concernées selon le niveau de pollution. C'est ce qui a remplacé la circulation différenciée, qui se basait uniquement sur le numéro de plaque d'immatriculation des véhicules, autorisant un jour sur deux la circulation des numéros pairs ou impairs.

Le système Crit'Air distingue les véhicules selon leur âge et motorisation
Le système Crit'Air distingue les véhicules selon leur âge et motorisation © MTE

Mais ce dispositif Crit'Air sert aussi à fixer des interdictions "permanentes" de circuler.

En 2017 à Paris, les voitures sans vignette (voitures d'avant 1997) et les Crit'Air 5 (diesel d'avant 2001) sont ainsi interdites de circuler à Paris intra-muros en semaine de 8h à 20h.

En 2019, la zone est étendue aux bois de Boulogne, de Vincennes et au boulevard périphérique, en même temps que l'interdiction qui vise désormais aussi les Crit'air 4 (diesel d'avant 2006).

La même année, la métropole du Grand Paris devient aussi une ZFE (dans la zone se situant à l'intérieur de l'A86), visant d'abord les Crit'Air 5 et les sans vignette.

En 2021, le Grand Paris interdit à son tour les Crit'air 4. Dans les faits, les deux calendriers, de la métropole et de la ville de Paris, se rejoignent désormais.

A partir du 1er juillet 2022, les Crit'Air 3 seront ainsi interdits de circuler, ce qui concernera les diesel d'avant 2011, mais aussi les essence d'avant 2006. Ce sera la première fois que ces motorisations essence sont touchées par une interdiction de circuler depuis l'interdiction des sans vignette à Paris début 2017.

En 2024, plus aucun diesel ne pourra circuler dans la ZFE de la métropole du Grand Paris, avec l'interdiction des Crit'Air 2. En 2030, ce sera au tour des voitures essence. Il ne sera possible de circuler dans la métropole qu'avec un véhicule 100% électrique, ou sans que ce soit encore tranché, avec un véhicule capable de rouler en "zéro émission", les fameux véhicules hybrides rechargeables.

• Au moins 45 ZFE en 2025 en France?

Si la pandémie de coronavirus a un peu changé le programme initial, la France comptait l'an dernier 10 ZFE, conséquence de la loi d'orientation des mobilités (ou LOM) votée fin 2019. Certaines déjà existantes, comme Grenoble-Alpes Métropole, la Métropole du Grand-Paris, ou Grand Lyon Métropole. Et d'autres qui devaient être prochainement créées: Métropole du Grand Nancy, Métropole d'Aix-Marseille-Provence, Toulouse Métropole, Montpellier Méditerranée Métropole, Métropole Toulon-Provence-Méditerranée, Métropole Rouen Normandie.

La Loi Climat et Résilience, votée en 2021, a clairement généralisé le principe des ZFE: au 31 décembre 2024, toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants devront avoir mis en place ce qui porte désormais la dénomination officielle de "ZFE-m", pour "Zones à faibles émissions mobilité".

La carte ci-dessous permet de repérer les agglomérations concernées, avec le calendrier d'interdiction des véhicules selon le numéro de vignette Crit'Air quand celui-ci a déjà été publié.

Si aucun calendrier n'est disponible dans votre agglomération, il faut s'attendre tout de même à une interdiction qui visera au moins les Crit'Air 5 en 2023, les Crit’air 4 en 2024 et les Crit’Air 3 en 2025, ce qui correspond à la trajectoire prévue par la loi Climat.

• Qui est concerné?

De manière générale, pour circuler à l'intérieur d'une ZFE, il faut a minima disposer d'une vignette Crit'Air (3,67 euros, à commander sur le site officiel).

Dans la métropole du Grand Paris, cette obligation concerne les véhicules particuliers, les véhicules utilitaires légers, les deux roues, les tricycles et les quadricycles à moteur du lundi au vendredi de 8h à 20h, exceptés les jours fériés. Et tous les jours, week-end compris, toujours de 8h à 20h, pour les bus, les cars et les poids lourds.

Le graphique ci-dessous permet d'observer le nombre de véhicules particuliers dans le parc automobile français (données AAA Data d'octobre 2021), sur tout le territoire national et par région. Ils sont triés par vignette Crit'Air.

La loi Climat prévoit qu'à partir du 1er janvier 2025, seuls les véhicules répondant aux normes Euro 5 et 6 (et donc porteurs d’une vignette Crit’Air 1, 2 ou verte) pourront être autorisés à rouler dans les ZFE.

Si on reprend l'étape intermédiaire prévue pour 2023, - l'interdiction généralisée sur le territoire des sans vignette, soit 1,6 million de véhicules au niveau national, et des Crit'Air 5, plus de 885.000 voitures - ce sont donc près de 2,5 millions de véhicules, soit 6% du parc national, qui ne pourront plus circuler dans les principales métropoles françaises.

En passant aux Crit'Air 4 (étape prévue pour 2024 mais déjà "interdits" dans la ZFE du Grand Paris), on ajoute 3,7 millions de voitures. Ce qui donne, en ajoutant les précédents vignettes exclues, 15% du parc national concerné par les interdictions de circulation.

Avec les Crit'air 3, interdits dans la ZFE du Grand Paris en juillet prochain (interdiction finalement repousée à 2023 depuis le 2 février 2022) et en 2025 au plus tard sur tout le territoire), on ajoute 10,6 millions de véhicules. Ce serait alors près de 41% du parc automobile français actuel qui serait interdit de circuler dans les grandes villes.

Une étape supplémentaire est attendue en 2024 pour la ZFE du Grand Paris: l'interdiction du diesel. La vignette Crit'Air 2 est en effet celles qui concernent les véhicules roulant au gazole les plus récents, immatriculés depuis 2011, soit plus de 11,2 millions de voitures. Mais aussi 2,5 millions de voitures essence, immatriculées entre 2006 et 2010.

Au total, en prenant en compte ces Crit'Air 3 et antérieurs, trois quarts du parc français actuel sera alors exclu des métropoles. Et la quasi-totalité, si on prend l'interdiction des Crit'Air 1, bannis de la circulation dans la ZFE du Grand Paris en 2030. Une projection, certes lointaine, mais qui montre l'ampleur de la transition en termes de motorisations qu'implique cette stratégie.

C'est aussi ce qui explique la mise en place d'aides spécifiques dans les différentes ZFE, pour compléter des dispositifs nationaux comme le bonus écologique et la prime à la conversion. De nombreux automobilistes manquent en effet de moyens pour s'acheter un véhicule plus récent, véhicule qui pourrait de plus devenir obsolète quelques années plus tard, à la faveur d'un durcissement de la réglementation.

Les Français qui ne circulent pas, ou ne comptent pas circuler dans ces grandes villes pourront bien sûr continuer à utiliser leurs véhicules. Les véhicules immatriculés à l'étranger doivent en revanche se munir d'une vignette s'ils souhaitent circuler dans une ZFE.

A noter aussi que la métropole de Grenoble, parmi les pionnières du dispositif, se concentre pour le moment sur les poids lourds et les utilitaires légers. "Les transports routiers, secteur dans lequel les véhicules utilitaires et poids-lourds représentent entre un tiers et la moitié des émissions de polluants atmosphériques (particules fines et oxydes d'azote)", explique le site officiel de la ville.

"Seuls les particuliers propriétaires d'un véhicule utilitaire léger sont aujourd'hui concernés. Des études sur la mise en place d'une ZFE qui concernerait tous les véhicules sont actuellement en cours", peut-on lire un peu plus loin.

Lyon, où la ZFE concernait depuis le 1er janvier 2020 uniquement les poids lourds et les utilitaires légers, va commencer à viser les particuliers cette année: le 1er septembre, les sans vignette et les Crit'Air 5 ne pourront plus y circuler. La sortie du diesel a par ailleurs été actée pour 2026, sans pour le moment préciser les interdictions intermédiaires des vignettes 4 et 3.

• Quelles sanctions?

C'est sans doute la raison principale de la confusion actuelle: votre véhicule a beau être "interdit" de circuler, il ne sera pas (pour le moment) verbalisé. Difficile dans ces conditions de sensibiliser le grand public sur ces zones qui visent à améliorer la qualité de l'air et encourager davantage le renouvellement du parc.

La ZFE du Grand Paris devait par exemple mettre en place la verbalisation des véhicules actuellement bannis fin 2021, mais cette mesure a été repoussée sine die.

Un soulagement potentiel pour les 680.000 propriétaires de véhicules concernés en Ile-de-France (les véhicules sans vignette, Crit'Air 5 et 4, en Ile-de-France), mais qui s'explique par des retards pris pour mettre en place la vidéoverbalisation.

"La Métropole du Grand Paris reste en attente, de la part de l’État, […] de la mise en œuvre du contrôle sanction automatisé initialement programmé en 2022, finalement annoncé pour courant 2023", avait confirmé l'intercommunalité à l'association de la Ligue de défense des conducteurs.

Cette association est mobilisée sur ce sujet, n'hésitant pas à évoquer "une grande cacophonie" et a déjà appelé à un moratoire sur la mise en place de ces ZFE.

A Lyon, l'agglomération précisait que "300 agents des ASVP, de la police municipale et nationale étaient en charge des contrôles" en 2021 (poids lourds et utilitaires légers) et indique "qu'à partir de 2023, les contrôles seront automatisés par une lecture automatique des plaques d’immatriculation".

Attention toutefois, comme le rappelle la Ligue de défense des conducteurs, l'absence de vignette reste verbalisable par les forces de l'ordre lors d'un contrôle routier:

"Le non-respect de la règlementation ou l'absence d'identification du véhicule par un certificat qualité de l'air expose le contrevenant à une amende de 3e classe pour un véhicule utilitaire léger, soit 68 euros, et de 4e classe pour un poids-lourds, soit 135 euros (article R411-19-1 du code de la route)."

De nombreuses dérogations
Alors que la verbalisation n'est pas encore en place, de nombreuses dérogations sont déjà prévues pour différentes catégories de véhicules. Tout d'abord au niveau national, avec les "véhicules d’intérêt général prioritaires" (police, gendarmerie, douane, pompiers, ambulances, transport de détenus...), les "véhicules d’intérêt général bénéficiant de facilités de passage" (pour les sociétés gestionnaires d’infrastructures électriques et gazières, SNCF, transport de fonds de la Banque de France, transports de produits sanguins et d’organes humains), mais aussi les véhicules du ministère de la Défense, les véhicules des personnes handicapées ou encore les bus des transports en commun.
Mais il existe aussi des dérogations dites "locales", rappelle la métropole du Grand Paris: les véhicules de collection, les véhicules d’approvisionnement des marchés, ceux des professionnels du déménagement, les véhicules citernes ou frigorifiques, ceux autorisés pour des tournages...
Enfin, d'autres "aménagements" ont été prévus pour les professionnels impactés par la crise sanitaire, et qui s'appliquent jusqu'au 30 juin 2022: les véhicules des entreprises ayant souscrit un PGE (prêt garanti par l'Etat), celles ayant bénéficié du fonds de solidarité à destination des acteurs économiques ou du "prêt rebond" mis en place par la Région Île-de-France ou du "Fonds Résilience Île-de-France et collectivités".
Aucune démarche à effectuer, du moins tant que la vidéoverbalisation n'est pas mise en place: il suffit de disposer d'un justificatif selon votre catégorie concernée par une dérogation, à présenter en cas de contrôle.

https://twitter.com/Ju_Bonnet Julien Bonnet Journaliste BFM Auto