BFMTV
Animaux

Élevage: les associations qui pénètrent dans les abattoirs ciblées par un amendement voté à l'Assemblée

Des membres de l'association de protection animale L214, protestent contre les conditions d'élevage et d'abattage des poulets suivis par la marque "Le Gaulois" à Toulouse le 23 juillet 2022.

Des membres de l'association de protection animale L214, protestent contre les conditions d'élevage et d'abattage des poulets suivis par la marque "Le Gaulois" à Toulouse le 23 juillet 2022. - Lionel BONAVENTURE / AFP

La commission des Finances a voté un amendement visant interdire les déductions d'impôts pour les dons envers les associations qui comptent au moins un adhérent condamné pour "intrusion sur les propriétés privées agricoles et établissements industriels". L214 juge le texte "scandaleux".

Le texte fait des remous chez les militants animalistes. La commission des Finances de l'Assemblée nationale a adopté ce mercredi un amendement visant notamment à supprimer la déduction d'impôts pour les associations dont les adhérents "sont reconnus coupables d’actes d’intrusion sur les propriétés privées agricoles et établissements industriels ou d’actes de violence vis-à-vis de professionnels".

Cette déduction, qui s'élève à 66% du montant du don, est accordée à toutes les personnes qui choisissent de donner à une association.

Dans le viseur du député Les Républicains Marc Le Fur, qui a déposé l'amendement, "les associations antispécistes qui enfreignent la loi", à l'instar de L214, qui a notamment multiplié les intrusions dans des abattoirs et élevages industriels dans le but de dénoncer les conditions de traitement des animaux ainsi que les conditions de travail des employés dans certains cas.

"Nous avons fait un grand progrès pour éviter les intrusions et sécuriser ainsi les élevages, les éleveurs et les animaux. Continuons le combat!", a notamment tweeté l'élu.

"Ces associations se rendent coupables d'actions chocs d’une grande violence. Ces actions, qui témoignent d’une forme de radicalité inquiétante, se sont multipliées vis-à-vis des professionnels de la viande: éleveurs, abatteurs, professionnels de l’agroalimentaire, bouchers-charcutiers...", expose le député.

L'amendement a rassemblé en commission "toutes les formations politiques sauf la NUPES", explique Marc Le Fur. "Il nous reste désormais l’étape de la séance. Il convient maintenant que les organisations agricoles se mobilisent".

Soutien de Marine Le Pen au texte

Repostant sur Twitter le texte de l'amendement adopté, Marine Le Pen a affiché son soutien à la mesure, défendue depuis plusieurs années par les députés du Rassemblement nationale.

"Les contribuables français ne financeront plus les associations terrorisant les agriculteurs et salissant le travail de nos éleveurs! La pression politique des députés RN a fait céder la Macronie qui refusait depuis des années cette proposition de bon sens", a ainsi tweeté la présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale.

Un amendement "totalement scandaleux" pour L214

Pour Brigitte Gothière, directrice de l'association L214, cet amendement est "totalement scandaleux" et "jette l'opprobre sur les assocations [comme L214] en nous considérant comme des terroristes, des délinquants", décourageant ainsi les militants de donner.

"Des images terribles proviennent des élevages… Que faire? Faire évoluer le modèle agricole? Se remettre en question? Non, empêcher d’autres vidéos d’être publiées asphyxiant financièrement les associations qui montrent ces réalités", a aussi réagi l'association sur les réseaux sociaux.

Le directeur des enquêtes et co-fondateur de L214, Sébastien Arsac, a lui-même été condamné pour une telle intrusion en 2017. Il a écopé d'une amende de 6000€ dont 5000€ avec sursis. Dès lors, les donateurs de L214 se retrouveraient privés des 66% de déduction fiscale sur leur don en cas d'adoption définitive de l'amendement.

"85% de nos ressources dépendent des dons des particuliers, on a 50.000 donateurs", rappelle Brigitte Gothière. Or, "les personnes qui veulent faire un don peuvent en faire un encore plus gros" avec l'avantage fiscal.

"Une volonté de limiter les actions des lanceurs d'alerte"

Pour les militants animalistes, l'amendement vise à affaiblir les associations qui utilisent la stratégie du choc par l'image et les révélations diverses sur les situations de maltraitance dans les abattoirs. "On a des députés Les Républicains qui, au lieu de traiter les alertes sur les conditions d'élevage, proposent d'étouffer les lanceurs d'alerte", déplore Brigitte Gothière, qui considère par ailleurs que ces députés travaillent en collaboration avec le lobby de la viande.

"On dérange parce qu'on obtient des avancées. Depuis qu'on montre des images, les choses avancent", considère-t-elle encore, jugeant que les votes de l'interdiction du broyage des poussins vivants, des élevages de visons ainsi que la diminution des élevages de poules en cages doivent beaucoup au travail des associations antispécistes.

L214 demande un scrutin public à l'Assemblée nationale et un positionnement de tous les députés sur la question. L'association animaliste dit aussi penser à la préparation d'actions de mobilisation devant le Palais-Bourbon pour pousser au rejet de l'amendement, arguant de réelles divisions "au sein de tous les partis" sur la question animale.

Par Glenn Gillet