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"Robert Badinter aurait soutenu ce texte": sa veuve Élisabeth Badinter défend le projet de loi sur la fin de vie

La philosophe Elisabeth Badinter, le 1er juin 2015 à Tomblaine, en Meurthe-et-Moselle.

La philosophe Elisabeth Badinter, le 1er juin 2015 à Tomblaine, en Meurthe-et-Moselle. - AFP

Élisabeth Badinter, veuve de Robert Badinter, qui avait porté le projet de loi abolissant la peine de mort en 1981, a adressé une lettre rendue publique ce dimanche 21 avril au rapporteur de la commission spéciale sur le projet de loi sur la fin de vie.

La philosophe Élisabeth Badinter, veuve de l'ancien ministre de la Justice et père de l'abolition de la peine de mort Robert Badinter, a écrit une lettre au député Modem et indépendants Olivier Falorni, rapporteur de la commission spéciale sur le projet de loi sur la fin de vie. Dans ce texte, daté du 17 avril mais rendu public ce dimanche 21 avril dans La Tribune Dimanche, elle assure que son époux, mort en février dernier, aurait soutenu le projet de loi.

"Mon mari n'a jamais assimilé aide à mourir et peine de mort", soutient-elle.

"Mon mari s'est forgé au fil des ans la conviction qu'une évolution vers une aide active à mourir était acceptable et même souhaitable dans certaines circonstances et selon des conditions précisément définies par la loi", poursuit la philosophe.

"Je tiens donc à affirmer que, s'il avait été parlementaire, Robert Badinter aurait soutenu ce texte. Prétendre le contraire serait une trahison de sa pensée et de sa mémoire", jure-t-elle.

La parole de Badinter "instrumentalisée"

La veuve de l'ex-ministre entend répondre, avec ce texte, à différentes personnes publiques qui se sont opposées au projet de loi sur la fin de vie en arguant que Robert Badinter, entré dans la postérité pour son combat pour l'abolition de la peine de mort, se serait opposé à l'aide active à mourir.

"Depuis de nombreux mois et plus encore récemment, j'ai pu constater que la parole de mon mari était utilisée, pour ne pas dire instrumentalisée, par des opposants à toute évolution législative sur ce sujet", dénonce-t-elle.

La philosophe accuse nommément le président de la conférence des évêques de France Éric de Moulins-Beaufort, ainsi que la psychologue Marie de Hennezel qui avait publié une tribune dans Le Figaro.

Évoquant les propos de Robert Badinter lors d'une audition pour la mission d'évaluation de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie en 2008, elle reconnaît que son mari avait à l'époque évoqué des "réserves" sur le sujet.

"C'était il y a maintenant seize ans", souligne-t-elle cependant, assurant que "la caractéristique de la pensée humaine (...), c'est de savoir évoluer".

Une lettre saluée par le député

Élisabeth Badinter dit avoir voulu prendre la parole alors que "le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie débute son parcours parlementaire".

La commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur la fin de vie a été constituée le 10 avril à l'Assemblée nationale après son examen en Conseil des ministres, avec notamment le député Modem Olivier Falorni au poste-clé de rapporteur général.

"Connaissant votre engagement de longue date pour cette cause, et ayant désormais la mission de rapporteur général de cette loi, je tenais à vous adresser aujourd'hui ce message afin que vous puissiez le faire publiquement connaître si vous le jugiez nécessaire", dit Élisabeth Badinter au député.

"Cette lettre m'accompagnera durant tout le débat parlementaire. Elle me donne encore plus de force et de détermination à porter une grande et belle loi républicaine de progrès et d'humanité", répond l'élu dans La Tribune Dimanche.

Une réforme attendue

Composée de 71 députés reflétant l'équilibre des forces politiques dans l'hémicycle, la commission spéciale planchera sur ce texte très attendu du 13 au 17 mai, avant son arrivée en séance publique prévue le 27 mai.

Le projet de loi ouvre sous de strictes conditions la possibilité d'un suicide assisté pour certains patients en fin de vie, et, quand ils sont incapables d'accomplir le geste fatal, de le faire pour eux.

Avant l'examen du texte, la commission spéciale pourra procéder à des auditions du 22 au 30 avril. Ce texte constitue la grande réforme sociétale du second quinquennat d'Emmanuel Macron, qui s'était engagé de longue date à changer la législation sur la fin de vie.

Juliette Desmonceaux