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Plus de 31.000 en 2024: une hausse "spectaculaire" des "plus que centenaires" en France

L'Institut national d'études démographiques remarque une explosion du nombre de Français centenaires, voire supercentenaires (vivant plus de 110 ans). Particularité: les femmes et les Antillais sont surreprésentés.

"Spectaculaire." Depuis la moitié du XXème siècle, et plus particulièrement depuis le début du XXIème siècle, le nombre de centenaires a connu une remarquable augmentation s'enthousiasme l'Institut national d'études démographiques (Ined) dans une étude parue ce mercredi 24 avril.

S'ils étaient 200 en 1950, ils sont passés à 1.000 en 1970, à plus de 8.000 en 2000 et ils ont dépassé 31.000 au 1er janvier dernier...

"Sous l’hypothèse d’une poursuite des tendances actuelles de la mortalité, l’Insee projette plus de 200.000 centenaires en 2070", note l'étude parue dans le bulletin Population et sociétés.

S'il est précisé que ce nombre reste toutefois dérisoire "(moins de 0,15%) comparé aux plus de 600.000 décès observés chaque année en France", l'Institut souligne "son explosion spectaculaire".

À noter que pour établir ces chiffres et pour plus de fiabilité, l'Ined comptabilise les décès à ces âges avancés et non les personnes vivant à cet âge.

Une hausse encore plus remarquable: les supercentenaires, soit ceux qui vivent au-delà de 110 ans. Si aucun décès au-dessus de cet âge n'a été observé avant 1987, en 2022, il y en a eu 39!

Cette augmentation de Français atteignant un âge très avancé peut facilement s'expliquer par la chute de la mortalité infantile et la hausse de l'espérance de vie au fil des ans, notamment grâce aux progrès de la médecine. Plus globalement, la société connaît un vieillissement de sa population.

Les femmes largement surreprésentées

Les femmes sont largement surreprésentées parmi ces centenaires. En 2020, 843 femmes sont décédées à l'âge de 105 ans ou plus contre 81 hommes. Elles étaient ainsi dix fois plus nombreuses. De même chez les supercentenaires: sur les 39 personnes décédées en 2022, 38 étaient de sexe féminin.

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"Ce ratio impressionnant tient entièrement à la surmortalité masculine, qui prévaut tout au long de la vie, notamment aux âges actifs, et qui réduit d’autant les effectifs des générations masculines par rapport à leurs homologues féminines", précise l'Ined.

Ces femmes font souvent "des petits métiers assez durs en plein air (agricultrice...) et ont eu une alimentation basée sur des produits sains", ajoute Laurent Toussaint, spécialiste des supercentenaires auprès de l'AFP.

En France, l'espérance de vie des femmes atteint 85,7 ans contre 80 ans pour les hommes.

Huit fois plus de supercentenaires aux Antilles

Si aucune différence territoriale n'a été relevée au sein de l'Hexagone, un fort contraste, "inattendu", a été observé avec les Antilles.

Proportionnellement à la population, près de huit fois plus de supercentenaires ont été recensés en Guadeloupe et en Martinique qu’en France hexagonale.

"Cette différence est d’autant plus surprenante que la Guadeloupe et la Martinique ont des espérances de vie à la naissance sensiblement inférieures à celle de l’Hexagone (en 2022, 83,5 ans pour les Guadeloupéennes et 82,8 ans pour les Martiniquaises contre 85,2 ans dans l’Hexagone)", souligne l'étude.

Aucune explication claire n'a pu être établie mais plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer cette différence.

Les chercheurs mettent les conditions environnementales en avant, à savoir le climat, le mode de vie, l'alimentation, ou le fait que ce soit des milieux insulaires. Les habitants de certains milieux insulaires, comme la Sardaigne, l’île d’Ikaria en Grèce ou d’Okinawa au Japon, sont connus pour leur longévité.

Mais les scientifiques se sont interrogés sur le fait que l'île de La Réunion ne soit pas concernée par ce boum de centenaires. De là, une autre hypothèse est née: la population antillaise est majoritairement constituée de "descendants d’esclaves ayant souffert la traite négrière, incluant la très meurtrière traversée de l’Atlantique, à laquelle les esclaves réunionnais ont échappé".

"Ces conditions extrêmes ont pu conduire à une sélection des plus robustes et, ce faisant, peut-être celle de gènes de la longévité", s'interroge l'Ined.

Avant d'ajouter: "De fait, les remontées généalogiques déjà effectuées pour la moitié des supercentenaires, soit une quinzaine, montrent qu’ils descendent tous d’esclaves."

"On avance un peu sur les œufs avec ce sujet, et il faudrait mener des tests génétiques pour pouvoir le prouver", déclare toutefois France Meslé, directrice de recherche à l’Ined et coautrice de l’étude au Parisien.

Juliette Brossault