Tech&Co
Twitter

Comment Elon Musk s'est enlisé dans la gestion de Twitter après son rachat

Depuis le rachat de Twitter, Elon Musk fait fi de la crise qui touche le réseau et prend des décisions sur des coups de tête. Alors qu’il cherche son successeur après seulement huit semaines à la tête de Twitter, retour sur ses débuts mouvementés.

Lorsqu’il a racheté Twitter pour 44 milliards de dollars le 27 octobre, Elon Musk s’est affiché en “grand défenseur de la liberté d’expression”. Il voulait révolutionner sa plateforme pour mettre en œuvre cette vision. Son idée de départ était de faire une application sur le modèle de WeChat, mais il est allé de désaveu en désaveu jusqu'à laisser sa place.

• Un rachat compliqué

"L'oiseau est libre", tweete Elon Musk le 28 octobre, pour annoncer le rachat de Twitter. Il a été aperçu au siège du réseau social, un lavabo dans les bras, drôle de manière d’annoncer un rachat. Pour 44 milliards de dollars, il s’est offert le réseau social qu’il entend bien transformer. Pourtant, l’affaire était loin d’être conclue.

En avril, après avoir d'abord souhaité entrer au conseil d'administration, le milliardaire passe à la vitesse supérieure en annonçant son intention de racheter le réseau social. Il annonce sa volonté de racheter Twitter avant de se raviser début juillet estimant que le nombre de faux comptes était de 20% contre les 5% annoncés par Twitter.

Ce désaccord donne lieu à l’affaire Peiter Zatko, l'ex-responsable de la sécurité de Twitter, qui s'en est pris à la cybersécurité défaillante de la plateforme et a accusé les dirigeants d'avoir menti sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre les faux comptes et les spams.

L’affaire a même été portée devant les tribunaux au mois d’octobre. Elon Musk a fini par trouver un consensus avec Twitter et s’est endetté à hauteur de 25 milliards de dollars pour conclure l'accord.

• Des licenciements à la pelle

Une semaine après le rachat, Elon Musk entreprend de licencier la moitié de ses effectifs, soit près de 3500 salariés. Tous les services sont concernés. De manière très symbolique, il remercie la totalité du conseil d’administration qui siégeait avant son rachat, il en devient l’unique administrateur.

Une seconde vague de licenciement a lieu le 13 novembre, taillant dans les effectifs liés à la modération, au marketing et à l'immobilier, concernant en grande partie des employés contractuels. Ils ont reçu une notification leur indiquant qu’ils perdaient leur accès à leur boîte mail professionnelle et à la messagerie interne Slack. Melissa Ingle, une ancienne employée de Twitter, data scientist chargée de la modération, a d'ailleurs témoigné de son licenciement auprès de Tech&Co.

Quelques jours plus tard, le 17 novembre, les salariés restant reçoivent un mail. Le nouveau propriétaire et patron de la plateforme. Ils sont invités à s’engager totalement dans leur stratégie, ou quitter le navire: travailler dur ou partir. Elon Musk donne 24h à ses équipes pour prendre une décision. Sans retour, ils seront licenciés et bénéficieront d’une indemnité équivalente à trois mois de salaire.

Actuellement, Twitter fait l’objet de dizaines de plaintes judiciaires déposées par d’anciens employés pour licenciement abusif ou non perception des indemnitées promises. Mais à vouloir virer tout le monde, Elon Musk est allé un peu vite en besogne. Il a demandé à une dizaine d'ex-employés de revenir quelques jours à peine après leur licenciement.

Ces licenciements ont eu un sérieux impact sur la modération des contenus puisque la plupart des modérateurs ont été remerciés. Le point d’orgue a été atteint le 12 décembre. Le milliardaire dissout le conseil de confiance et de sécurité du réseau social. L’entité regroupait cent chercheurs indépendants et militants des droits de l’homme. Depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, les contenus haineux et racistes ont augmenté. Et l'affaire Twitter Files vient renforcer la méfiance des utilisateurs.

• Couac avec Twitter Blue

Le projet de certification des comptes d’Elon Musk a aussi connu de nombreux retournements de situation.

Officiellement disponible depuis le 12 décembre, Twitter Blue est un abonnement qui permet à n'importe quel utilisateur d'obtenir une certification de son compte. Il est disponible aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande ainsi qu’au Royaume-Uni, au prix de 8 dollars, ou 11 dollars depuis un iPhone.

Une première tentative ratée a eu lieu en novembre avant d’être temporairement suspendue car la certification payante a donné lieu à de nombreuses usurpations d’identité et diffusion de fausses informations. De faux comptes certifiés ont été créés pour copier des comptes de personnalités. Des conditions supplémentaires ont été ajoutées pour obtenir le sésame. Pour être authentifié, un utilisateur doit maintenant enregistrer son numéro de téléphone.

• Des comptes de retour et d'autres suspendus

Poursuivant sa vision de la liberté d’expression, Elon Musk a rétabli des comptes bannis par les anciennes équipes de Twitter. Ceux-ci ne respectaient pas les règles communautaires car pénalement répréhensibles. Il a ainsi rétabli le compte de Donald Trump, mais aussi celui de Kanye West avant de se raviser. Il n’a pas pris le risque de faire revenir Alex Jones. Cependant, cette étude montre que de nombreux comptes nazis reviennent en force sur le réseau social.

Inversement, la politique d’Elon Musk en matière de suspension de compte s’est accélérée au cours du mois de décembre. Le 14 décembre, Elon Musk a fait supprimer un compte automatisé qui suivait ses trajets en jet privé. Il s’était engagé quelques jours auparavant à ne pas le faire, invoquant son “engagement en faveur de la liberté d’expression”. Finalement, il est allé jusqu’à supprimer 25 comptes qui suivaient des trajets de jet privé.

Le 14 décembre, Elon Musk a fait supprimer un compte automatisé qui suivait ses trajets en jet privé.
Le 14 décembre, Elon Musk a fait supprimer un compte automatisé qui suivait ses trajets en jet privé. © Capture Twiter

L’étau s’est resserré dans les jours qui ont suivi. Elon Musk a suspendu les comptes d’une quinzaine de journalistes qui écrivaient des articles sur lui. Certains d'entre eux avaient tweeté la décision de Twitter de suspendre le compte qui signalait automatiquement les trajets du jet privé d'Elon Musk. Ce dernier a invoqué l'interdiction du "doxxing" qui signifie divulguer publiquement sur internet des informations personnelles relatives à un individu, sans son accord.

Par exemple, le compte Twitter d'une journaliste du Washington Post a été suspendu sur décision d'Elon Musk selon elle, au lendemain du rétablissement de plusieurs comptes de journalistes, le patron évoquant une "suspension temporaire" liée à la "divulgation antérieure de données personnelles".

• Sondages et départ proche

Elon Musk est le roi pour revenir sur ses décisions. Il a suspendu durant quelques heures la possibilité de publier des liens dirigeant vers d’autres réseaux sociaux comme Mastodon, avant de faire marche arrière.

Très soucieux de l’avis de ses utilisateurs, Elon Musk mène sa politique de Twitter à coup de sondages. Il leur a demandé s’ils voulaient que les comptes suspendus réapparaissent.

Dernier sondage en date, il a demandé aux utilisateurs de Twitter s’il fallait qu’il quitte la tête de Twitter. Le "oui" l’a emporté à 57%.

Après avoir mis en doute le résultat du sondage et fait planer le doute, Elon Musk annonce finalement son retrait de Twitter. Il recherche actuellement un successeur, "quelqu'un d'assez fou" pour lui succéder.

Désormais, Twitter se trouve en difficultés financières car les annonceurs sont partis les uns après les autres, alors que 90% des revenus du réseau proviennent de la publicité. Twitter est même actuellement à la recherche de nouveaux investisseurs.

Margaux Vulliet