Tech&Co
Tech

Stade de France: Christian Estrosi réclame la reconnaissance faciale et qualifie la CNIL "d'institution poussiéreuse"

Le maire de Nice déplore de ne pas pouvoir confier une partie de la responsabilité du maintien de l'ordre à une intelligence artificielle.

"L'intelligence artificielle jouera pleinement son rôle et sera beaucoup plus efficace que de multiplier par deux par trois ou par quatre les forces de l'Intérieur". Ce 31 mai au matin, le maire de Nice Christian Estrosi a commenté sur Europe 1 les nombreux incidents qui ont perturbé la finale de la Ligue des Champions au Stade de France ce samedi 28 mai.

Parmi les pistes évoquées par celui qui soutient désormais Emmanuel Macron, l'utilisation de la reconnaissance faciale pour sécuriser certains événements sportifs de grande ampleur. Une hypothèse déjà évoquée par le Sénat dans un rapport diffusé le 12 mai dernier concernant d'éventuelles expérimentations de cette technologie dans la perspective des Jeux Olympiques de 2024, organisés à Paris.

Christian Estrosi oublie le RGPD

Au cours de son intervention, Christian Estrosi s'est par ailleurs attaqué à la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), une institution créée en 1978 pour protéger les données personnelles des Français.

"Je souhaiterais qu'enfin on met un coup d'arrêt à ce qu'essaie de nous interdire la CNIL, cette espèce d'institution poussiéreuse qui s'appuie encore sur la loi de 78 sécurité (sic) informatique et libertés, et qui interdit aussi bien aux collectivités, voire à l'Etat, voire aux organisateurs de grands événements d'utiliser la reconnaissance faciale", a regretté Christian Estrosi.

Les propos de Christian Estrosi, qui font en réalité écho à la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (qui ne contient pas le terme "sécurité" dans son intitulé), sont toutefois erronés.

Contrairement à ce qui est expliqué par l'élu niçois, la CNIL ne définit pas la loi. Surtout, la Commission se base sur des textes très récents pour encadrer, contrôler et si besoin sanctionner des institutions publiques comme privées. A commencer par le RGPD (le réglement européen sur les données personnelles), qui est entré en vigueur en 2018. Soit quarante ans après la date mentionnée par Christian Estrosi.

Des expérimentations niçoises critiquées par la CNIL

En 2021, la CNIL a reçu environ 14.000 plaintes, en partie liées au non-respect du RGPD, pour un montant cumulé d'amendes de 214 millions d'euros.

Ses principales missions visent à contrôler et sanctionner la collecte illégale de données personnelles, que ce soit par des politiques ou par des entreprises, mais également des institutions qui auraient mal sécurisé des informations sensibles.

Les attaques de Christian Estrosi contre la CNIL pourraient s'expliquer par un contentieux datant de 2019. L'élu avait mené une expérimentation dans sa ville en disposant des caméras de vidéosurveillance lors du carnaval de Nice, appuyées par un système de reconnaissance faciale. La ville de Nice avait par la suite fourni un rapport à la CNIL qui avait été jugé trop imprécis par la Commission.

Toujours en 2019, la CNIL s'était opposée à l'expérimentation de la reconnaissance faciale dans deux lycées, à Marseille et à Nice, jugeant le dispositif "disproportionné". En mars 2020, Christian Estrosi avait déployé des drones à Nice pour faire respecter le confinement. Une mesure là encore sanctionnée par la CNIL, cette fois au niveau national.

De tels dispositifs nécessitent en effet de constituer d'immenses bases de données, regroupant des photos et/ou vidéos de toutes les personnes qui doivent potentiellement être identifiées. Avec à la clef une efficacité qui reste à démontrer.

Certaines villes américaines, comme San Diego, ont mis fin à ces dispositifs, qui n'ont pas convaincu. En sept ans, aucun délinquant n'a par exemple été arrêté grâce à la reconnaissance faciale dans cette ville californienne.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co