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Stades, lieux de culte: comment le Sénat veut encadrer la reconnaissance faciale

Intelligence artificielle et reconnaissance faciale au CES de Las Vegas en janvier 2019

Intelligence artificielle et reconnaissance faciale au CES de Las Vegas en janvier 2019 - DAVID MCNEW © 2019 AFP

Un rapport sénatorial liste trente recommandations pour ouvrir la voie à une expérimentation de la reconnaissance faciale, notamment à des fins sécuritaires.

Enterrée fin 2020 par le gouvernement, l’expérimentation de la reconnaissance faciale fait son retour, cette fois par le Sénat. Un rapport parlementaire diffusé ce 12 mai liste une série de propositions pour une utilisation encadrée de cet outil, qui fait régulièrement l’objet de polémiques pour son caractère intrusif.

La reconnaissance faciale a pour principe de prendre une photo (ou une vidéo) afin de la comparer à une base de données. Elle peut être utilisée dans deux cas, selon qu’il faille confirmer l’identité d’une personne (authentification), ou déterminer l’identité d’une personne (identification).

Dans le premier cas, le système compare la photo à un unique visage - par exemple pour déverrouiller son smartphone. Dans le second cas, le système compare la photo à une multitude de visages pour déterminer celui qui est le plus susceptible de correspondre à l’individu.

Pas de reconnaissance faciale ethnique

Dans leur rapport, les sénateurs se disent “favorables à l’adoption d’une loi d’expérimentation pour créer le débat et déterminer les usages de la reconnaissance biométrique qui pourraient être pertinents et efficaces”. Une expérimentation qu’ils envisagent sur une période de trois ans.

Mais l’essentiel du document rappelle les nombreuses limites que les rapporteurs entendent proposer. Parmi elles, l'interdiction d’une “notation sociale”, telle qu’elle peut être pratiquée en Chine, ou encore l’interdiction d’une catégorisation des individus selon leur couleur de peau ou leur sexe “sauf dans le cadre de la recherche scientifique”.

Le rapport du Sénat évoque également l’interdiction d’analyse des émotions. Une fonction à laquelle prétendent de nombreux fabricants de solution de reconnaissance faciale.

Mais le principal point évoqué concerne “la surveillance biométrique à distance en temps réel dans l’espace public”, que le rapport préconise également d’interdire. Dans les faits, un tel système reposerait sur des caméras de surveillance placées dans les rues et chargées d’analyser de façon massive et systématique les visages de passants pour les identifier.

Pour éviter toute dérive autoritaire, les sénateurs, qui mentionnent une interdiction générale, insistent sur les risques de ce type de dispositifs à certains endroits sensibles comme les lieux de culte, mais aussi lors de manifestations pouvant revêtir une connotation politique.

Les JO de Paris en perspective

Si l’interdiction est présentée comme la nécessaire règle, le rapport prévoit trois cadres dans lesquels l’identification biométrique par reconnaissance faciale pourrait être prévue.

D’abord “dans le cadre d’enquêtes judiciaires”, pour faciliter l’interpellation d’un délinquant ayant commis “une infraction grave” ou pour retrouver des “personnes victimes d’une disparition inquiétante”.

Les deux autres exceptions concernent la sécurité nationale, avec une utilisation de la reconnaissance faciale évoquée pour “sécuriser de grands événements”, par exemple des concerts ou événements sportifs dans des stades, pour des “sites particulièrement sensibles face à une éventuelle menace terroriste” ou encore “dans un cadre de renseignement, en cas de menace imminente".

Les sénateurs mentionnent enfin la possibilité d’expérimenter des outils de reconnaissance d’image sans volet biométrique, par exemple pour implémenter des logiciels identifiant automatiquement un colis suspect.

Autant de propositions qui prennent tout leur sens à deux ans des Jeux olympiques de Paris, et que le prochain gouvernement devra choisir de suivre ou non.

La France est loin d'être la seule démocratie occidentale à se pencher sur le sujet. Aux Etats-Unis, certains Etats ont été plus rapides. En Californie, la ville de San Diego a testé cette technologie pendant sept ans, avant d'y renoncer face à son manque d'efficacité: sur cette période, la reconnaissance faciale n'a permis d'arrêter aucun délinquant. En 2020, le système a également été banni de la ville de Portland.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co