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Qu’est-ce que Qotmii, l’application qui place Eric Zemmour “en tête” de la présidentielle?

Le candidat d'extrême droite à la présidentielle, Eric Zemmour, le 14 janvier 2022 à Saint-Quentin

Le candidat d'extrême droite à la présidentielle, Eric Zemmour, le 14 janvier 2022 à Saint-Quentin - Bertrand GUAY © 2019 AFP

Particulièrement populaire auprès des soutiens de l’ancien journaliste, Qotmii défie les traditionnels sondages d’opinion grâce à “l’intelligence artificielle”. Mais sa méthodologie reste floue.

C’est un nom de plus en plus apprécié par les partisans d’Eric Zemmour, distancé par Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Valérie Pécresse dans les sondages. Depuis quelques jours, un curieux classement est partagé par les soutiens de l’ancien chroniqueur de CNews, qui en occupe la tête. Il émane d’une application mobile baptisée Qotmii, disponible sur iOS comme Android.

Depuis la mi-janvier, le terme Qotmii a été employé près de 10.000 fois sur Twitter, essentiellement relayé par des comptes de soutien à Eric Zemmour. Certains estiment que ces chiffres montrent que les sondages traditionnels sont erronés, voire mensongers.

Capture d'écran d'un compte Twitter militant pour Eric Zemmour, en 2022
Capture d'écran d'un compte Twitter militant pour Eric Zemmour, en 2022 © BFMTV

Pas de mesure d’intentions de vote

Selon le site officiel de Qotmii, ce classement, qui s’intitule “potentiel électoral”, est généré par une “intelligence artificielle”. L’entreprise, basée au Québec, présente son outil comme “un moteur de recherche et un simplificateur de tendances à la frontière des neurosciences, du marketing et de la psychologie sociale”.

Toujours d’après la même source, l’algorithme “scanne” Internet, en recensant les articles de presse ou en scrutant les réseaux sociaux, afin d’analyser l’opinion. Une méthode qui reste floue, reposant sur des principes utilisés de longue par de nombreuses agences de marketing numérique.

Sur l’application, plusieurs classements sont disponibles. Le classement de “potentiel électoral”, évoqué plus haut et qui place par exemple Eric Zemmour en tête ce 24 janvier 2022, mais également deux classements de popularité (dont la méthodologie n’est pas détaillée). Dans les deux cas, le candidat est placé à la quatrième place, derrière Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon ou le Premier ministre Jean Castex. Des données qui ne sont pas reprises par les soutiens d’Eric Zemmour.

Capture d'écran de l'application Qotmii, le 24 janvier 2022
Capture d'écran de l'application Qotmii, le 24 janvier 2022 © BFMTV

A aucun moment, le classement de son “intelligence artificielle” n’est présenté par Qotmii comme un décompte des intentions de vote, l’ambition de l’entreprise étant davantage de déterminer “le poids numérique” de chaque candidat sur Internet.

Nombreuses erreurs en 2017

Sur les réseaux sociaux, des soutiens d’Eric Zemmour tentent pourtant d’interpréter les classements de Qotmii comme des preuves de sa position dominante dans la course à l’Elysée. Allant jusqu’à affirmer que l’application ne s’est “jamais trompée” depuis dix ans.

Si Qotmii a été créée en 2019, ces commentaires font référence à Filteris, sa maison-mère, fondée par un certain Jérôme Coutard et spécialisée dans la gestion de la réputation en ligne et qui a proposé des analyses de la même nature.

En 2017, Filteris s’était positionnée comme une alternative aux sondages, en évoquant toujours un système basé sur de l’analyse massive de données grâce à une “intelligence artificielle”, sans donner davantage de détails qu’en 2022.

Comme le rapportait l’Express en mars 2017, l’entreprise se vantait alors d’avoir “déclassé les instituts de sondage”, tout en se trompant lourdement sur le résultat.

Capture d'écran du compte Twitter de Valérie Boyer, soutien de François Fillon, en mars 2017
Capture d'écran du compte Twitter de Valérie Boyer, soutien de François Fillon, en mars 2017 © BFMTV

En pleine affaire Fillon, les soutiens de l’ancien candidat de droite s’étaient notamment appuyés sur ces projections pour annoncer sa future qualification au second tour, au début du mois de mars. Il finira finalement à la troisième position.

Moins d’une semaine avant le scrutin, les soutiens de Jean-Luc Mélenchon utilisaient les projections de Filteris pour assurer que le candidat de gauche dépasserait Emmanuel Macron, présenté comme étant à la quatrième place. Le candidat En Marche est finalement arrivé en tête du premier tour, le 23 avril, tandis que Jean-Luc Mélenchon pointait à la quatrième place.

Capture d'écran du compte Twitter d'Antoine Léaument, soutien de Jean-Luc Mélenchon, en avril 2017
Capture d'écran du compte Twitter d'Antoine Léaument, soutien de Jean-Luc Mélenchon, en avril 2017 © BFMTV

Toujours en 2017, Filteris s’était illustré par d’importantes erreurs lors de la primaire ouverte de la droite et du centre, prévoyant un duel entre François Fillon et Nicolas Sarkozy au second tour, alors que les électeurs avaient finalement choisi François Fillon et Alain Juppé.

La clairvoyance de Filteris avait été encore davantage mise à mal lors de la primaire citoyenne du Parti socialiste: son “intelligence artificielle” anticipait une très large première place de Manuel Valls face à Arnaud Montebourg. A l’issue du scrutin, c'est pourtant Benoît Hamon qui avait été désigné comme candidat.

Contacté par BFMTV, Filteris n’a pas encore répondu.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co