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L'intelligence artificielle s'invite sur la scène du festival d'Avignon

Le robot Pepper est présent au festival d'Avignon

Le robot Pepper est présent au festival d'Avignon - AFP/ Clément Mahoudeau

Le festival d'Avignon abrite sur sa scène plusieurs projets en lien avec l'intelligence artificielle, les réseaux sociaux et les robots.

Ça devrait être la pire ennemie du théâtre, mais l'intelligence artificielle se trouve petit à petit un rôle au sein du spectacle vivant: au Festival "off" d'Avignon, robots et réalité virtuelle s'emparent du plateau.

Au Grenier à Sel, une des scènes du "off", une curieuse répétition est en cours. "Il est au max, le Nao", "tu peux lancer un comportement de Pepper, s'il te plaît ?".

Pepper, robot humanoïde au visage affable, est la star de "Bot4Human", une performance théâtralisée des étudiants de l'atelier "We are the Robots" à l’École des Mines de Nancy qui mélange composition artistique et programmation robotique.

Un fabricant décide de rappeler tous ses robots en raison d'un problème, mais un des propriétaires le garde pour qu'il continue de s'occuper de ses tâches quotidiennes. Petit à petit, le robot prend le contrôle de sa vie, lui intime de rentrer à telle heure, de manger sain, de ne pas trop voir sa copine.

"Ce robot humanoïde, nous l'utilisons comme une marionnette; toutes les répliques sont préprogrammées au millimètre, c'est du théâtre artificiel", explique à l'AFP le professeur en informatique, Patrick Hénaff qui copilote le projet avec un metteur en scène, Raphaël Gouisset, et un chercheur, Alain Dutech.

Un robot sur scène peut-il créer de l'émotion? Contrairement au cinéma et aux séries, notamment récemment sur Netflix, la robolution n'a fait que très peu de chemin dans le monde du théâtre.

"On veut que le public se pose des questions sur l'interaction humains-robots. Les artistes avec qui je travaille me disent que c'est du spectacle vivant", précise le professeur.

Pour Raphaël Gouisset, "le théâtre s'est toujours emparé des nouveautés, il y a eu les projecteurs, la vidéo et aujourd'hui les robots. Ce sont des outils techniques, ce n'est pas Terminator".

Et si l'intelligence artificielle écrivait vos pièces ? Ce n'est pas exactement le propos de "dSimon" ("digital Simon"), mais presque.

Cette performance-conférence, également donnée au Grenier à Sel, est l’œuvre d'une développeuse uruguayenne basée à Genève, Tammara Leites et du plasticien et vidéaste suisse Simon Senn.

Tammara a entraîné une intelligence artificielle à devenir une écrivaine en lui donnant la personnalité de Simon, après avoir intégré ses données personnelles.

Puis elle crée un site, metastories.ch, sur lequel il est possible de commander un texte à "dSimon" et d'interagir avec lui. Mais "l'IA-autrice" donne parfois des réponses complètement déplacées, voire offensantes.

Si rien n'explique le raisonnement de cette IA, qui dialogue même avec un Elon Musk artificiel, l'expérience pousse Simon Senn à se plonger dans une introspection un rien effrayante.

"Ce qui m'intéresse, ce sont les émotions qui naissent de cette interaction", affirme Simon Senn à l'AFP. "Le théâtre est l'endroit idéal parce que justement on n'est pas dans le virtuel".

Pour Tammara Leites, "c'est un spectacle sur l'intelligence artificielle mais ça fait ressortir ce qu'il y a de plus humain en nous".

Avant "dSimon", Simon Senn avait conçu une autre performance, encore plus troublante: "Be Arielle F". Il y raconte comment il a acheté en ligne la réplique numérique d'un corps féminin, celui d'une étudiante britannique.

Il "rentre dans son corps" grâce à la réalité virtuelle puis part à sa recherche. Dans une scène touchante, il se met à nu sur scène et se voit découvrir, grâce à la réalité virtuelle, un corps de femme, qu'il trouve beau.

L'expérience soulève des questions: s'agit-il d'un "trouble du genre" ou est-il atteint de "dysmorphie Snapchat", un trouble psychologique qui fait qu'on veut ressembler à son image en ligne où le recours aux filtres est massif ? A la fin de la performance, le public a droit à un vrai échange avec Arielle, l'étudiante, via FaceTime, comme un retour à l'humain.

Victoria Beurnez avec AFP