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"Promesses non tenues": plongée dans la fermeture surprise de Bethesda France (Fallout, The Elder Scrolls)

INFO TECH&CO - Décidée dans le plus grand secret depuis plusieurs mois, la fermeture de Bethesda France se fait au détriment des salariés, dont la déception est grande dans des témoignages recueillis par Tech&Co.

Le coup de massue est rude pour la douzaine de salariés de Bethesda France. "On s'y attendait, mais on est quand même déçu", souffle l'un d'entre eux à Tech&Co. Depuis quelques heures, l'annonce est officielle: les bureaux français de Bethesda, éditeur de jeux vidéo à succès comme Fallout, Starfield et The Elder Scrolls, ferment leurs portes.

"On nous a baladés", témoigne un ancien salarié à Tech&Co

La décision a été prise en tout début d'année, et a été définitivement actée à la fin du mois de mars, à la faveur d'un vaste plan de licenciement opéré par Microsoft dans ses filiales. Selon les informations recueillies par Tech&Co, de premiers départs étaient déjà effectifs depuis le mois de janvier, et quelques salariés restaient encore en poste avec la promesse de de conserver un noyau dur: "On nous a baladés pendant quelques semaines en nous faisant miroiter un déplacement au sein des locaux de Microsoft," explique l'un d'eux.

Il faut dire que depuis le rachat de Bethesda par Microsoft en septembre 2020 pour 7,5 milliards de dollars, les rumeurs allaient bon train, sans entamer le moral des salariés français: "Pendant plusieurs mois, on a pu continuer à faire ce que l'on faisait depuis le début, sans interférence de la part de Xbox ou de Microsoft." Car le bureau français de Bethesda France gère à la fois les relations avec la presse, mais aussi toute la partie communautaire de ses jeux en ligne, ainsi que la traduction, généralement de haute qualité, des jeux de l'éditeur.

Mais avec la fin de la crise du COVID-19 et de "l'argent gratuit", les taux remontent, Microsoft finalise dans le même temps le rachat d'Activision-Blizzard-King, et annonce quelques semaines plus tard un vaste plan de restructuration qui concerne 9% de ses effectifs au sein de ses divisions jeux vidéo.

"On a très mal vécu les lancements catastrophiques de Redfall et de Starfield, et c'est peut-être ça qui a convaincu Microsoft de stopper ses bureaux locaux et de recentrer ses forces," confirme-t-on à Tech&Co.

"Un arrêt sans un bruit"

A l'époque de Redfall, un jeu développé par Arkane Austin, mais édité par Bethesda, est pointé du doigt le manque d'écoute et de suivi de la part de Microsoft, qui ne voit pas le ratage arriver, au point de pousser Phil Spencer, patron de la division gaming, à faire son mea culpa. Starfield non plus n'a pas convaincu tout le monde, alors même qu'il était l'une des très grosses productions exclusives de l'année 2023 pour Xbox.

Pire encore, plusieurs salariés confient à Tech&Co "un mal-être" depuis quelques mois, une "défiance" même, "entre le bureau français et celui de Microsoft" (les deux entreprises sont pourtant juridiquement indépendantes, NDLR), et ce, en dépit de licences qui continuent de fonctionner avec le temps: "The Elder Scrolls Online est un succès en France grâce à une équipée dévouée aux créateurs de contenu qui font vivre la communauté, et Fallout profite d'un regain d'intérêt grâce à la série d'Amazon."

Selon nos informations, les équipes françaises de Bethesda n'ont ainsi pas été invitées à la célébration des dix ans de The Elder Scrolls Online, qui a eu lieu aux Pays-Bas au début du mois d'avril: "Ça, c'était vraiment le coup de grâce," confirme un membre de l'équipe communautaire, "alors qu'on a tant donné pour que le jeu, qui n'était pas une réussite au départ, finisse par fonctionner."

Les créateurs de contenus, eux, ont appris la nouvelle avec effarement: "J'ai beaucoup de peine pour eux," écrit le streamer Desastre, spécialisé sur The Elder Scrolls Online, regrettant "la manière" dont la fermeture finalement été actée. "Je ne peux que déplorer cet arrêt sans un bruit," lance de son côté Morrigh4n, streameuse spécialiste de Fallout.

Et pour cause, aucun message n'est venu clôturer dignement une aventure qui a démarré un jour de mai 2010: "On est amer, mais c'est comme ça," conclut-on du côté des salariés interrogés.

Sylvain Trinel