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iPhone 12 et émissions d'ondes: un DAS élevé rend-il un smartphone plus dangereux?

Inscrits sur les boîtes de nos smartphones, les chiffres de mesure d’exposition aux ondes ne sont pas toujours les plus représentatifs.

C’est l’une des rares informations que chaque fabricant doit obligatoirement inscrire sur ses affiches publicitaires et sur la boîte de ses smartphones: le DAS, pour débit d'absorption spécifique, représente le niveau d’exposition auquel notre tête ou notre corps est exposé, lorsque le smartphone est en fonctionnement à proximité. En France, la mesure maximale autorisée est de 2 W/kg. Au-dessus de ce seuil, un téléphone doit être retiré de la vente.

Ce seuil grimpe à 4 W/kg pour le DAS membre, qui correspond aux ondes émises par un smartphone et absorbées au niveau d'une main ou d'une jambe. C'est notamment pour cette raison que l'iPhone 12 a été épinglé par l'ANFR ce 12 septembre 2023, avec un DAS membre mesuré de 5,7 W/kg - son DAS tête étant dans les clous de la réglementation. L'ANFR demande ainsi à Apple de mettre à jour son mobile, sous peine d'ordonner un rappel de l'ensemble des appareils vendus depuis sa sortie, en 2020.

Principe de précaution

Au cours des dernières années, d'autres smartphones ont été épinglés par l’Agence Nationale des Fréquences (ANFR) pour avoir dépassé ces niveaux, nécessitant une mise à jour logicielle destinée à limiter le niveau d’émission.

Pour l’heure, aucun lien n’a été établi entre les ondes émises par nos smartphones et certaines maladies comme le cancer. Ces limitations légales ont donc été imposées pour respecter un principe de précaution, par le biais de l’arrêté du 8 octobre 2003, lui-même basé sur les travaux de la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants, menés à la fin des années 90.

Une norme définie par extrapolation

Pour aboutir à cette norme, les scientifiques de l’Icnirp (Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants) ont considéré des expériences réalisées sur des rats, dont l’ensemble du corps a été exposé à des rayonnements. D’après les mesures, un échauffement des tissus a été constaté dès lors que le niveau d’émission dépassait les 4 W/kg. Par mesure de prudence, les scientifiques ont décidé de diviser ce chiffre par 50, pour aboutir à un DAS limite, pour le corps humain entier, de 0,08 W/kg.

Mais lors de cette expérience, l’ensemble du corps des mammifères était exposé au rayonnement, ce qui n’est pas le cas lorsqu’un individu utilise un smartphone, dont les émissions ne sont localisées qu’à un endroit précis. Autrement dit, cette valeur s'applique lorsque l'ensemble du corps est concerné (par exemple sous une antenne-relais), mais pas pour un smartphone.

Pour l'usage mobile, plus circonscrit, l’Icnirp estime que des émissions plus importantes sont nécessaires pour constater un échauffement de zones corporelles plus précises, sans exposer l'ensemble du corps. Pour la tête et le tronc, une valeur de 20 W/kg est ainsi retenue, contre 40 W/kg pour les membres. A chaque fois, un facteur de prudence de 10 a été appliqué, soit 2 W/kg pour la tête et le tronc et 4 W/kg pour les membres.

Des variations très importantes

Par la méthode avec laquelle elle a été définie, la valeur limite du DAS comporte donc une part d’arbitraire. Mais surtout, elle n’est absolument pas représentative des émissions réelles de nos smartphones. Dans un document publié en mars 2019, l’Agence nationale des fréquences (ANFR) revient sur cette mesure, évoquant la question du "DAS maximal", sur laquelle se base l’autorisation de mise sur le marché d’un mobile.

"Lors de ses contrôles de conformité de téléphones mobiles, l’ANFR cherche à déterminer le DAS maximal qui peut être produit par un terminal. En laboratoire, donc dans un environnement contrôlé, isolé de tout réseau mobile, le téléphone est ainsi bloqué à puissance maximale", explique l’ANFR, qui ajoute que "les mesures en laboratoire ne reflètent pas ce qui se produit lors de l’usage habituel de l’appareil".

La législation française se base donc sur des émissions calculées en fonction des "pires conditions" dans lesquelles un smartphone peut fonctionner. Au quotidien, ses émissions sont bien moins importantes: d’après les mesures de l’ANFR "le DAS réel varie dans une proportion de 1 à 800.000 par rapport au DAS maximum, et en moyenne dans d'excellentes conditions de réception, d’un facteur de 1 à 32.000".

La qualité des composants, un facteur déterminant

Ces observations vont dans le sens des recommandations habituelles: utiliser son smartphone lorsque le réseau est de bonne qualité permet de diviser au mieux la quantité d’ondes émises par près d’un million et en moyenne par plus de 30.000. Cette simple précaution permet à elle seule de faire bien mieux que les accessoires anti-ondes, souvent coûteux et rarement efficaces.

Par ailleurs, l’équipement matériel d’un smartphone est tout aussi déterminant. Les différents smartphones sont équipés de composants de plus ou moins bonne qualité, qui sont capables de trouver du réseau en émettant des ondes de puissance différente. Bien qu’un smartphone ait un DAS élevé, il peut n’atteindre ce niveau extrême que dans de rares cas, avec une émission moyenne très faible, grâce à de bonnes antennes.

Ainsi, un appareil ayant un DAS élevé pourra, au quotidien, émettre moins qu’un appareil ayant un DAS plus faible mais dont les composants de moins bonne qualité lui imposent de se rapprocher davantage de son niveau d’émission maximal. Dans les faits, il est toutefois impossible de connaître l’efficacité du matériel de chaque appareil, faute de tests en conditions réelles, qui seraient très difficiles à réaliser.

Les réflexes les plus simples sont les meilleurs

Face à toutes ces données, la norme légale n’a qu’une valeur très relative. D’abord parce qu’elle a été déterminée par l’extrapolation d’un résultat lié à une exposition du corps entier et non spécifiquement de la tête (ou du tronc). Ensuite, parce que le DAS mesuré représente un niveau maximal qui n’est que rarement atteint, ce qui a pour intérêt de faire bénéficier les utilisateurs d’une marge de sécurité bien plus importante.

A la vue des très fortes variations du niveau d’émission en fonction des conditions d’utilisation, les différences de DAS entre les smartphones paraissent bien peu représentatives. Il n’est donc pas judicieux d’en faire son critère de choix avant un achat. De bons réflexes, comme l’utilisation d’écouteurs (filaires ou Bluetooth), du haut-parleur, ou le fait d’éviter de téléphoner dans des conditions difficiles, sont largement plus efficaces pour réduire l’exposition aux ondes de nos smartphones.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co