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"Il faut entendre tout le monde": les recommandations de Magali Berdah pour réguler les influenceurs

Pour lutter contre les arnaques, la fondatrice de Shauna Events et de la FICC (Fédération des influenceurs et créateurs de contenus) appelle les pouvoirs publics à mieux définir le métier d'influenceur et à créer une autorité dédiée à leur encadrement.

Comment encadrer les influenceurs? Arnaques, dropshipping, publicités mensongères ou placements de produits non déclarés... Certaines stars des réseaux sociaux sont régulièrement pointées du doigt pour leurs dérives.

Petit à petit, les pouvoirs publics se saisissent de l'enjeu. Bercy présente ce lundi les conclusions d'une grande concertation organisée en janvier. Une proposition de loi transpartisane, qui fait également son chemin à l'Assemblée, envisage notamment d'interdire aux influenceurs la promotion de certains produits.

"Je pense que c'est bien que les politiques se saisissent de ce dossier", affirme Magali Berdah auprès de Tech&Co.

La fondatrice de l'agence d'influenceurs Shauna Events est au centre du débat autour de l'encadrement de la profession, après avoir été prise pour cible par le rappeur Booba qui a fait de la lutte contre les "influvoleurs" son cheval de bataille.

Auprès de Tech&Co, celle qui a fondé la Fédération des influenceurs et créateurs de contenus (FICC) détaille ses recommandations pour encadrer le secteur de l'influence.

Créer une définition juridique du métier

Magali Berdah commence par rappeler une réalité souvent oubliée: "Aujourd’hui on ne peut pas réguler le métier d'influenceur, car il n'existe pas!" En effet, il n'existe aucune loi qui permettrait de regrouper les "influenceurs" dans une même catégorie professionnelle et juridique, et de les distinguer d'autres professions proches (mannequin, artiste-interprète...).

"La première des choses à faire, c'est de créer ce statut." Magali Berdah appelle également à la mise en place de "formations" pour mettre tous les influenceurs sur un pied d'égalité en matière de connaissance des règles.

"Tout le monde peut être influenceur, quel que soit l'âge, le niveau scolaire… Mais certains connaissent mieux le code de la consommation que d'autres, or il existe et il faut le respecter !", rappelle Magali Berdah.

D'où l'importance de formations "continues". "Il y a énormément d'influenceurs qui ont envie de faire les choses correctement, d'apprendre, et je pense qu'il faut leur tendre la main", estime Magali Berdah.

Créer une autorité de régulation dédiée

Aujourd'hui, la régulation des influenceurs est partagée entre une multitude d'autorités: DGCCRF, Direction générale du travail, AMF... Sans compter les organismes de régulation professionnelle comme l'Autorité de régulation de la publicité professionnelle (ARPP). Mais certaines souffrent d'un cruel manque de moyens dédiés, comme le rapportait Le Monde.

C'est pourquoi Magali Berdah estime qu'"il faut créer une autorité pour les influenceurs. Qu'elle soit indépendante ou un département au sein de l'ARPP, mais il faut que ce soit ciblée."

"Contrairement à un mannequin employé par une marque, un influenceur est libre. Il faut préserver cette liberté car c'est la nature de leur métier, mais il faut aussi l'encadrer pour veiller à la bonne application des règles", explique Magali Berdah. Mais cette régulation ne doit pas se faire en excluant certains pans du monde de l'influence, d'après elle.

"On ne peut pas prendre de haut un influenceur parce qu'il a fait de la télé-réalité ou qu'il habite à Dubai!", estime Magali Berdah.

Une allusion à une autre fédération professionnelle lancée en janvier 2023, l'Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu, qui veut réguler le secteur mais exclut d'office les créateurs dont la résidence fiscale n'est pas en Europe.

"Certains des plus gros influenceurs sont à Dubai, et il y a des Français qui les suivent; à partir du moment où quelqu'un a un impact sur les consommateurs, il doit être encadré", affirme Magali Berdah.

Les propositions de loi actuellement à l'étude vont-elles dans la bonne direction? "Ces initiatives sont essentielles", esitme Magali Berdah, qui note cependant qu'"elles arrivent un peu tard, mais mieux vaut tard que jamais". L'entrepreneuse a pu en discuter directement avec les députés portant ces différents projets – Aurélien Taché, Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte. "Je pense que c'est bien d'écouter les gens qui sont sur le terrain et d'entendre tout le monde, pour déboucher sur la meilleure loi possible."

Luc Chagnon