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"Un jour, on ne vous appelle plus": ex-candidats de télé-réalité, ils sont retournés à un travail "normal"

Anthony Lyricos, Iléana Arnaud, Vincent Szewczyk, Žarko Stojanović et Rania Saidi

Anthony Lyricos, Iléana Arnaud, Vincent Szewczyk, Žarko Stojanović et Rania Saidi - Montage photo W9/TF1/NRJ12/YouTube

Ouvrier de chantier, professeur de chant, paysagiste... Plusieurs ex-candidats de télé-réalité racontent à BFMTV.com leur vie après les émissions.

L'expression "shogun tonight" parle encore à toute une génération de spectateurs de la télé-réalité. Son auteur, Vincent Szewczyk, s'est fait connaître dans les "Chtis", avec son débit de parole effréné et sa bonne humeur continue (sauf lorsqu'il faut crier lors d'un clash).

Aujourd'hui, il parle toujours aussi rapidement et son entrain ne l'a pas quitté. Mais pour le croiser, il faut désormais plus chercher du côté des chantiers de construction que des villas à Ibiza. Comme d'autres ex-candidats de télé-réalité, Vincent n'est pas devenu influenceur à plein temps et a dû trouver un emploi stable.

"J'ai connu la jet-set, les grands voyages, mais aujourd'hui, je connais la vraie vie, c'est une vie saine, bonne. Mes projets, c'est avoir une maison, un mariage", déclare-t-il.

Alors qu'il avait commencé la télé-réalité dans sa vingtaine, sans avoir fait d'études, à 30 ans, il s'est retrouvé sans activité. À l'issue de plus de 10 années à raison de deux à trois tournages par an (et des allocations chômage et des soirées payées en boîte de nuit le reste du temps) il n'a plus été rappelé par les productions des émissions à la suite d'une arrestation à Amsterdam pour possession de drogues. Après avoir passé 28 jours en prison en 2020, il est "reparti de zéro", faute d'avoir économisé pendant ses années de télévision.

Capture d'écran d'une story du 5 juillet du compte Snapchat de "Vincent Shogun"
Capture d'écran d'une story du 5 juillet du compte Snapchat de "Vincent Shogun" © Snapchat/Vincent Shogun

Plusieurs raisons peuvent pousser quelqu'un à se lancer dans la télé-réalité. Vincent reconnaît par exemple avoir été attiré par "les strass et les paillettes" et avoir eu "besoin du regard des gens".

Zarko Stojanovic raconte de son côté avoir accepté de participer à "Secret Story 5" (2011) car il pensait que c'était une "expérience intéressante à vivre" et pour "le fait de pouvoir gagner une certaine somme d'argent". Iléana Arnaud, qui était en dernière année d'école de communication lorsqu'elle a été appelée pour "Les Marseillais au Mexique" (diffusés en 2022), assume d'avoir "réfléchi directement à la visibilité que ça pouvait apporter" et voulu voir "l'envers du décor" d'une émission alors très regardée.

Un quotidien parfois éloigné des villas de Dubaï

Lorsqu'on pense aux candidats de télé-réalité français, on peut rapidement avoir en tête les plus connus: Julien et Manon Tanti, Thibault Garcia et Jessica Thivenin, Milla Jasmine, Maeva Ghennam pour ne citer qu'eux. Sur leurs réseaux sociaux, ils n'hésitent pas à montrer leurs sacs et voitures de luxe et leurs villas à Dubaï.

Résultat: "Les gens pensent que quand tu fais de la télé, t'es blindé de sous", note Vincent. Il raconte qu'il y a quelques mois, alors qu'il sortait d'un chantier dans sa voiture de fonction, un passant lui a dit: "Ah, ça change de la télévision". Iléana a vécu une histoire similaire: "J'ai fait de la restauration vers septembre-octobre parce ce que mon entreprise avait du mal à prendre et des clients m'ont dit: 'ah bah ça paie pas la télé'".

"Les gens se basent sur les grosses têtes de télé et mettent tout le monde dans le même panier", déplore-t-elle.

Une sortie d'émission qui s'accompagne d'opportunités

Ces préjugés peuvent s'expliquer par l'importante médiatisation auxquelles les candidats de télé-réalité font face lorsque leur émission est diffusée. Une mise en lumière qu'ils ne vivent pas toujours très bien. Quand Zarko et son jumeau Zelko sont sortis de "Secret Story", ils ont été "embarqués dans une espèce de frénésie médiatique", raconte le premier.

"On était reconnus partout, j'évitais de sortir", se souvient-il. "Des gens dormaient en face de chez moi presque toutes les semaines".

Lorsqu'elle est rentrée du tournage de sa deuxième émission qui s'était très mal déroulé, Rania Saidi affirme avoir fait une dépression: "Je ne répondais plus à mes amis, je ne sortais plus de chez moi. Je prenais ma douche et je faisais des photos et c'était tout".

La médiatisation s'accompagne toutefois de multiples opportunités. Dans les années 2010, il s'agissait notamment des bookings, soit le fait de rémunérer une personnalité pour qu'il vienne passer une soirée dans une boîte de nuit et parfois faire de l'animation. Aujourd'hui, ce sont plutôt les placements de produits, dont le montant dépend notamment du nombre de passages en télé effectués par le candidat.

"Un jour, on ne vous appelle plus"

Mais toute carrière a un début et une fin et la télé-réalité ne fait pas exception. L'arrêt des tournages peut être choisi, mais aussi subi. "Tout finit par s'essouffler, on vous appelle et un jour, on ne vous appelle plus. C'est compliqué, il faut trouver d'autres solutions et gagner sa vie autrement que par des bookings et des contrats de télé", témoigne Anthony Lyricos ("La Belle et ses princes presque charmants", "Les Princes de l'amour", "Les Marseillais vs le reste du monde"…).

Par ailleurs, avec la pandémie de Covid-19 et les différents scandales autour de la promotion d'arnaques par des influenceurs de télé-réalité, ces placements ont tendance à moins rémunérer ces derniers temps. Face à ce climat incertain, Rania a par exemple décidé de devenir agente d'influenceurs à mi-temps, à côté de sa propre activité d'influenceuse: "ça m'apporte une certaine stabilité", commente-t-elle.

"On dit souvent que dans la télé-réalité, on est riches, mais c'est faux. Oui, à un moment on gagne une certaine somme, mais on ne fait pas des tournages tous les mois. Donc il faut trouver d'autres solutions pour vivre à côté", soulève Anthony Lyricos. Il est désormais professeur de chant dans une école de musique belge et compte sortir son propre single prochainement.

L'obligation de chercher une autre source de revenus

"Être connu, ça m'aide, ça me permet d'avoir un peu plus d'élèves sans doute", estime celui qui a été vu dans "Les Cinquante", sur W9, en septembre 2022. Les vidéos personnalisées qu'il vend 35 euros pour moins de deux minutes lui apportent un complément de revenu. De son côté, Iléana est dans une agence d'influenceurs et fait "quelques partenariats" mais "ne cherche pas en vivre": "Je ne vais pas cracher dessus, c'est de l'argent en plus".

Au quotidien, elle se rémunère principalement grâce à son activité de community manager et graphiste en freelance. Elle juge que la télé-réalité lui a "ouvert des portes et fermé certaines".

"J'ai déjà eu des clients qui ont refusé parce que j'avais fait de la télé et ils n'ont rien voulu savoir. Il y a des idiots partout", soupire-t-elle.

Un témoignage qui rejoint celui de Marie Garet ("Secret Story", "Les Anges"). Infirmière libérale, elle affirmait en février sur TPMP People que certains de ses patients ont changé d'infirmière à cause de son passé en télé. "Il faut toujours en prouver dix fois plus qu'une personne lambda", déplorait-elle alors.

À l'inverse, Zarko juge que sa "césure télé-réalité", comme il l'appelle, l'a "plus servi que desservi": "Quand les gens ont ton visage en tête, ça crée une proximité et dans la vraie vie, c'est un avantage". Depuis plusieurs années, le biologiste et paysagiste développe avec l'entreprise spécialisée dans l'éclairage public Valmont une gamme de luminaires respectueux de la biodiversité.

Et s'il a pu être confronté au jugement de certaines personnes dans sa vie personnelle et professionnelle, il assure n'en avoir jamais été vexé car il est lui-même très critique sur la télé-réalité, qui "se construit par des choses néfastes, pas par des dialogues intéressants et philosophiques".

"Il n'y a pas de sous-métier"

Après avoir connu une certaine célébrité, retourner à un métier "classique" peut donc s'avérer "compliqué", résume Vincent. "Tu penses au regard des gens, c'est dur de se dire, 'je suis comme un autre'. Mais il n'y a pas de sous-métier, tous les gens qui me suivent aujourd'hui sont au courant et j'assume, je montre mes chantiers", poursuit-il.

Aujourd'hui, "Shogun" a raconté son parcours dans un livre, "Au bout du tunnel", et voudrait que les gens sachent que candidat de télé-réalité, "ça fait rêver les jeunes mais ce n'est pas une vie, un métier, il faut avoir beaucoup de chance". De son côté, Anthony n'a qu'un conseil à donner: "À tous ceux qui veulent faire de la télé-réalité, réfléchissez bien".

Sophie Cazaux