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Greenwashing, risque d'addiction... Le "loto de la biodiversité" lancé par la FDJ critiqué

Le visuel du ticket de "Mission Nature", le loto de la biodiversité édité par la Française des Jeux en partenariat avec le gouvernement et l'Office français de la biodiversité.

Le visuel du ticket de "Mission Nature", le loto de la biodiversité édité par la Française des Jeux en partenariat avec le gouvernement et l'Office français de la biodiversité. - Française des Jeux

"Mission Nature", le nouveau jeu à gratter de la FDJ, en partenariat avec le gouvernement, doit permettre de financer 20 projets de préservation de la faune et de la flore. Mais plusieurs voix critiques s'élèvent.

Sur le papier, l'initiative a de quoi séduire. La Française des jeux (FDJ) a lancé, ce lundi 23 octobre, en partenariat avec le gouvernement et l'Office français de la biodiversité (OFB) un nouveau jeu de grattage baptisé "Mission Nature". Son objectif? Financer 20 projets de préservation et/ou de réhabilitation d'écosystèmes et de populations d'animaux. Mais depuis son inscription dans la Loi de finance 2023, des critiques émergent autant sur le fond que sur la forme concernant cette opération.

Accusations de greenwashing

Aider à la réhabilitation des tortues d'Hermann dans le Var ou à préserver les mangroves de Mayotte et de Martinique en achetant un ticket de jeu peut apparaître comme une petite action positive pour influer sur la biodiversité. Mais plusieurs associations de défense de l'environnement, comme France nature environnement (FNE), pointent du doigt un "outil de communication" qui "profitera majoritairement à la Française des jeux".

Sur les trois euros déboursés pour acheter un ticket de grattage "Mission Nature", seulement 43 centimes seront reversés par l'État à l'Office français de la biodiversité. "Le reste va dans les caisses de l'État (via la TVA) ou dans celles de la Française des jeux", note France nature environnement dans un communiqué de presse, avant de poursuivre: "Avec cette opération, la FDJ arrive donc à la fois à générer de nouvelles recettes et à se légitimer en faisant croire que ces jeux sont 'utiles socialement'. Ce type de jeu entretient la confusion entre les jeux d’argent et le financement d’actions d’intérêt général."

Une opération qui peut s'apparenter à du "greenwashing", lorsqu'une entreprise brandit un argument écologique pour améliorer son image.

Auprès de BFMTV.com, la FDJ affirme que "Mission Nature" est "un outil de sensibilisation du grand public", afin "de parler au plus grand nombre de biodiversité et de sauvegarde des écosystèmes". Elle assure également que la part reversée à l'OFB, de 43 centimes, est "la deuxième part la plus importante dans la répartition des recettes du jeu", devant la part des taxes (21 centimes) et ce qu'en gagne la FDJ (20 centimes).

Une somme "dérisoire"

L'autre principale critique émise par France nature environnement est que "ce jeu permettra de lever une somme dérisoire par rapport aux besoins réels d'une politique de protection de la biodiversité".

Les 20 projets retenus doivent chacun recevoir entre 50.000 et un million d'euros, ce qui n'est pas suffisant pour l'association. "Les politiques de biodiversité nécessiteraient au moins 500 à 600 millions par an", chiffre FNE. L'association déplore également que cette initiative fasse "porter l'effort de financement sur les citoyens, dans un contexte de crise économique et de forte inflation".

Aussi, "Mission Nature" est qualifiée de "gadget pas à la hauteur et sans garantie de durabilité face à l'effondrement de la biodiversité" par le syndicat FSU Ecologie, qui représente les membres des ministères de la Transition écologique et de la Transition énergétique.

Un risque d'addiction

Enfin, dès l'annonce de la création de "Mission Nature", les craintes de nourrir une addiction chez un public jeune, en grande partie acquis à la cause de l'environnement, ont été entendues.

Le 1er février dernier, Isabelle Falque-Pierrotin, la présidente de l'Autorité nationale des jeux (ANJ), auditionnée par la commission des finances du Sénat, faisait part de son avis défavorable, à la fois sur un plan juridique et sur un plan éthique. Ce jeu "crée une situation un tout petit peu curieuse", développait-elle, "puisqu'on met en place, sur une thématique qui va attirer les jeunes (la biodiversité, le développement durable...), une offre qui va être particulièrement addictive pour les jeunes".

Plusieurs sénateurs et sénatrices allaient alors dans son sens. "C'est un enjeu de santé publique", avait estimé Christine Lavarde (LR), pointant du doigt les "dangers des jeux et de l'addiction qui peut être créée par le jeu". "C'est irresponsable", avait de son côté jugé le rapporteur général du Budget Jean-François Husson (LR), appelant à "tourner le dos à un vent de populisme vert".

De son côté, la FDJ affirme avoir "fait le choix d'un jeu à faible mise", afin qu'il ne présente qu'un "faible niveau de risque en matière d'addiction" et ne soit pas "de nature à favoriser une pratique de jeu excessive". Avant de préciser que le jeu a "vocation à attirer des joueurs occasionnels dont la pratique ne comporte pas de risque d’addiction". "La lutte contre l'addiction est au cœur de la stratégie et de la politique de jeu responsable de FDJ", conclut la société.

Clément Boutin Journaliste BFMTV